dimanche 17 novembre 2013

Bacchanales d'enfants 1 : Origines




Bacchanale d'enfants à la chèvre, bas relief en terre cuite, Montrouge, collection particulière, Hauts de Seine. Ici les marmots traient une chèvre et semblent bien préparer du fromage ( à droite en bas) dont ils se délectent ( en haut à gauche ). A moins que ce ne soit du miel , voire du beurre de lait de chèvre? Ils portent des guirlandes et des couronnes de fleurs.




En scrutant les façades des immeubles parisiens nous avons fréquemment observé des bas reliefs, en terre cuite, en plâtre, ou en pierre, représentant des enfants, toujours en bande, ayant l'air de jouer, de faire quelques bêtises, souvent avec des chèvres ou quelques autres animaux. Ce sont ce qu'il est coutume d'appeler des Bacchanales d'enfants, nous allons voir pourquoi, en nous penchant sur leur origine.







Poète dramatique recevant Dionysos, dit "Le festin d'Icarios", marbre, Rome IIe siècle après J.C. Musée du Louvre, Paris. Le poète reçoit Dionysos, ivre, accompagné des satyres et des ménades. Ce groupe à droite mené par Dyonisos c'est déjà la représentation classique de la bacchanale. Le sculpteur romain aurait copié un modèle grec. Le Dionysos grec a été repris par les romains sous le nom de Bacchus, nom qui serait dérivé d'un des noms du dieu grec.








Premier point, définition du mot par le célèbre Furetière :


BACCHANALES, f. f. pluriel. C'étoit une fête de Bacchus que célébraient les païens. Les Athéniens la solennisoient avec beaucoup d'appareil, & ils comptoient même les années par la célébration de cette fête avant qu'ils les comptassent par les Olympiades. Il s'y commettoit beaucoup d’excès, & de dissolutions. Les Romains ne furent pas plus retenus que les Grecs, & les solennisoient avec la même licence, & les mêmes emportements. Maintenant c'est une réjouissance, ou mascarade du Carnaval.On appelloit aussi la fête des Bacchanales, Orgies, ou Dionysiennes, du mot Grec orgé, qui signifie fureur, & emportement ; par rapport à ce qui se passoit dans ces solennités. On les appelloit encore Libérales : c'étoient autant de fêtes à l'honneur du Dieu Bacchus, qu'on célébrait différemment. Les Bacchanales se célébraient tous les mois : les Libérales ( de Liber ) tous les ans : les Orgies, ou Dionysiennes tous les trois ans.
On appelle aussi Bacchanale, un tableau, ou des bas reliefs où ces fêtes font représentées ; & ce font d'ordinaire des danses, & des nudités. On voit encore des Bacchanales dans plusieurs frises anciennes. Il n'y a rien de plus plaisant, & de plus gracieux que les Bacchanales peintes par Le Poussin, F E L. ( André Félibien, ami du peintre Nicolas Poussin Ndr)

Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots ..., Volume 1, p
ar Antoine Furetière 1727




Bacchanale d'enfants, Nicolas Poussin; 1626,  56 x 76 cm, Galerie Nationale d'Art Ancien, Rome. Le bouc et la chèvre tirent un char,  certains enfants sont couronnés de feuillage, et l'on retrouve des masques qui établissent bien un rapport entre ces rites et le carnaval chrétien. On est déjà là au XVIIe siècle dans la bacchanale de fantaisie.




Dictionnaire iconologique, ou introduction à la connaissance des peintures, par Honoré Lacombe de Prezel, 1761.






Bacchanale d'enfants, Nicolas Poussin, 1626, huile sur toile, 74 x 84 cm, Galleria Nazionale d'Arte Antica, Rome. On retrouve un masque. Le fait que tous les rôles soient tenus par des enfants relativise la transgression de la bacchanale et le culte bachique passe ainsi comme une enfance de la religion, un jeu irresponsable.





Venons aux Bacchanales Romaines. Je ne détaillerai point l'obscène libertinage de ces Fêtes, qui, pour le dire en passant, étoient un Héritage de dévotion transporté de Grèce à Rome. Disons en gros qu'une des moindres licences étoit de se trouver pêle-mêle ensemble, hommes & femmes, filles & garçons tous nus, ou bien peu s'en faut ; puisque le pampre, qui environnoit la tête de ces dévots, servoit de même à couvrir certaines parties du corps. Ils portoient en cérémonie des branches de vignes, & s'en faisoíent une espèce de ceinture autour des reins. En cet équipage ils dansoient des danses libertines accompagnées de gestes & de postures toutes pareilles à celles d'un ivrogne ou d'un fou : jusque-là même qu'ils afectoient de se mettre en fureur à force de boire, ou du moins de faire semblant d'y être. Un des plus graves auteurs romains n'a pu s'empêcher d'avouer qu'il n'y avoit que des enragés, qui pussent se laisser aller à de tels transports. C'étoit avouer que la dévotion des Bacchanales étoit une dévotion de fols. II faut pourtant rendre cette justice aux Romains, qu'ils arrêtèrent enfin la licence effrénée de ces Bacchanales par un Décret du Sénat : & comme il y avoit alors, ainsi qu'il y a toujours eu, des dévots qui trouvoient leur conscience blessée d'une suppression, qui condamnoit des désordres qu'ils regardoient comme un Acte de Religion ; on eut la complaisance de leur permettre les Bacchanales, pourvu que le nombre de ceux qui les célébreroient n'allât pas au-delà de cinq personnes.
Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde …  Par Bernard Picart, Jean Frédéric Bernard, Antoine Augustin Bruzen de La Martinière , 1743







Orgies et Bacchanales  dessinées d'après des antiquités romaines par Bernard Picard, extraite du livre " Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde" de 1743. On reconnait dans la colonne de gauche le dessin du célèbre vase Borghèse du Louvre, inversé par le graveur. Remarquons dans la scène en haut à droite la présence d'un bouc ou d'une chèvre, animal lié au culte de Bacchus, quelquefois sacrifié, d'où sa présence très fréquente dans les scènes de bacchanales.







Dans le texte suivant, il est décrit des rites bachiques d'après des bas reliefs antiques, où déjà des enfants sont représentés. C'est là l'inspiration première des artistes renaissants.

Commentaire ci-dessous.
BAS-RELIEFS.
Les trois bas-reliefs que l'on voit ici, en marbre de Pentélie, décorent le piédestal de la statue du Prisonnier barbare.
Ces bas-reliefs, placés sur chacune des faces du piédestal, me paraissent être les fragments d'un seul monument qui aurait représenté les mystères de Bacchus, de Cérès et de Proserpine, car on y voit les attributs caractéristiques de ces fêtes nocturnes.
Chacun d'eux fait voir trois génies, dans des attitudes différentes, portant des flambeaux, des couronnes , une lyre et des cornes d'abondance. A leurs pieds on remarque les panthères de Bacchus, des crotales, une tortue et la ciste des mystères.
La tortue est un des attributs particuliers de Mercure, d'Apollon et d'Hercule ; elle est l'image de l'harmonie, des sphères ou des mondes supérieurs ; c'est-à-dire de la lyre d'Apollon que l'on voit au ciel près des constellations d'Hercule et du Cygne. On raconte que le Nil, après s'être débordé, étant rentré dans son lit, laissa à sec une tortue, laquelle tomba en putréfaction, à l'exception de ses nerfs, que toucha Mercure, et qui, sous ses doigts, rendirent des sons.
Il en forma de suite un instrument et le donna à Apollon, d'autres disent à Orphée qui était fils de Calliope, une des Muses. Celui-ci établit dessus neuf cordes, nombre égal aux muses. De là on a supposé qu'Apollon, Orphée et même Hercule, par la position qu'ils tiennent dans le ciel, étaient conducteurs des Muses, sous le nom de Musagète.
La ciste, ou corbeille sacrée des anciens, était un symbole de fécondité et de régénération ; destinée à porter dans les cérémonies des mystères de Bacchus, de Cérès ou de Proserpine, l'image des parties naturelles des deux sexes, elle contenait aussi de l'orge, des gâteaux, du miel, un serpent et des fruits. Elle était toujours portée par un génie de Bacchus tenant un flambeau allumé à la main, comme le font voir plusieurs vases grecs peints. Quoique la sculpture de ces bas-reliefs soit médiocre, ils n'en sont pas moins intéressants.




Commentaire ci-dessous. Déjà des enfants, cette fois ci sans ailes. L'auteur, Alexandre Lenoir les nomme Amours.





FRAGMENT ANTIQUE.
Marbre de Pentélie.
Haut. 0,339 m. - 1 p. 2 1., larg. o, 534 m- — 1 p. 7 p. 9 I.
On a fort ingénieusement placé dans le piédestal de la statue de Trajan des amours faisant la chasse aux bêtes féroces. Ce bas-relief d'une très médiocre sculpture n'en est pas moins intéressant.
Ce n'est pas pour cette fois seulement que les anciens ont figuré l'Amour domptant les animaux féroces, ou leur faisant la guerre. On connaît un beau camée antique de la galerie de Florence, qui représente l' Amour sous les traits d'un jeune enfant ailé jouant de la lyre, et monté sur un lion, dont il contient la férocité. La lyre est le symbole de l'accord parfait. Dans les mains de l'Amour, elle exprime que l'harmonie qui règne dans la nature enflamme et vivifie tout; que rien ne peut exister sans un accord parfait. C'est ainsi que l'Amour, uni à l'harmonie, acquiert une plus grande force et gouverne l'univers. Le bas-relief que nous avons sous les yeux est en rapport avec l'allégorie dont je viens de parler, puisqu'on y voit plusieurs Amours courant et faisant la guerre aux bêtes qui sont nuisibles à la tranquillité de l'homme, et contraires par leur férocité à la conservation des autres animaux.







Commentaire ci dessous. Voici déjà des enfants, ailés, des " génies ", ici liés au vin et donc à Bacchus.



BAS-RELIEF.
Marbre de Pentélie.
Ce bas-relief, dont l'exécution date du Bas Empire, fait l'ornement du piédestal de la statue de Caligula ; il représente des petits enfants faisant la vendange ; ce qui m'autorise à dire qu'il n'est qu'une partie d'un bas-relief plus grand. On y voit Bacchus indien et barbu tenant à la main un broc que l'on suppose rempli de vin ; et des amours occupés de la vendange. L'un d'eux boit à même le cratère qui contient le raisin qu'un amour foule avec le pied droit ; un autre, moins avide que le premier, porte à la bouche la main qu'il vient de tremper dans la liqueur ; au-dessous de lui est un enfant dont la souplesse des mouvements annonce un commencement d'ivresse, tandis que de l'autre côté on en voit un autre debout sur ses petites jambes qu'il écarte. D'une main il s'appuie sur un autel qui est près du vase, trousse son vêtement, et pisse. Ce trait de gentillesse et de naïveté était sans doute connu du Poussin, qui l'a imité dans l'un de ses tableaux du Musée du Roi, représentant le frappement du rocher. Cet épisode charmant a d'autant plus d'expression dans la circonstance, que sa mère, qui est près de lui, lui a donné à boire avant de se désaltérer elle-même. Ici les attitudes ont de la grâce et sont agréables ; le dessin a du caractère, quoique l'exécution de la sculpture soit médiocre.
Description historique et critique des statues, bas-reliefs, inscriptions et bustes antiques en marbre et en bronze... du Musée royal ... par Alexandre Lenoir, 1820







Putti dans un paysage, Giovani André Podesta (1608-1673), Huile sur toile, 63 x 73 cm, collection privée. Les putti modernes semblent descendre directement des génies antiques. Les voilà se livrant à de copieuses libations. Au cours du XVIIe siècle les amours antiques perdent petit à petit leurs ailes pour devenir des enfants. Ici les deux types cohabitent.





C'est en utilisant toutes ces références antiques que les sculpteurs et les peintres de la Renaissance ont donné naissance aux représentations "modernes" des bacchanales, inaugurant une mode qui restera très forte jusqu'au XVIIIe siècle, que même le XIXe siècle continuera encore, un peu par nostalgie, à travers ces nombreuses bacchanales d'enfants présentes un peu partout et que nous observons aussi dans notre capitale. 
Toujours pour bien nous mettre en tête des scènes de ces rites à Bacchus voici un petit texte les évoquant :



Un brillant soleil d'automne s'est levé derrière l'Hymette et réveille une multitude d'oiseaux jaseurs dans les jardins qui entourent la bourgade de Colone ; un vent tiède et parfumé de résine souffle de la mer; les fleurs, rafraîchies par la rosée de la nuit, mais surtout le moût du vin qui fermente dans les cuves, embaument l'air de leur enivrante exhalaison. Les maisons sont ornées de couronnes et de guirlandes : du haut des terrasses, femmes et enfants attendent la joyeuse procession. Le cortège s'est formé autour d'une chapelle voisine de Bacchus ; le voici. En tête marche un jeune Satyre portant sur sa tête une cruche pleine de vin et couronnée de pampre. Puis s'avancent sur deux lignes les canéphores, tenant en leurs mains les vases pour la libation et les corbeilles de figues. Derrière elles un groupe de Satyres traîne le bouc du sacrifice, et enfin un vieux Silène ferme la marche en brandissant au bout d'un bâton un énorme phallus, symbole de la fertilité. C'est autour de ce coryphée que s'agitent surtout et se trémoussent tous ces paysans accourus à la fête, barbouillés de lie ou encore de gypse ou de minium, couverts d'un épais chapeau d'ache ou de lierre, affublés d'une crinière de soie de porc, revêtus d'une peau de bouc ou de chevreuil, pour se transformer le plus possible en cet essaim de divinités champêtres dont le dieu aime à s'entourer; ils crient Evohé, gesticulent et chantent à tue-tète les refrains de l'hymne à Phalès

Extrait de Notice sur les bacchanales rustiques où la comédie athénienne a pris naissance, de Charles Benoit, 1866.







"Enfant Bacchus buvant" par Guido Reni, 1624, musée de Dresde.







Bacchanales des Adriens, Le Titien, musée du Prado , Madrid,. Hauteur : 1,75 cm, Largeur : 1, 93 cm, vers 1519.







L'Offrande à Vénus, Titien, vers 1518, 172 x 175 cm, Musée du Prado. C'est le tableau décrit ci-dessous. ( Source : Web Gallery of Art )



Voici ce que je retrouve dans mes notes sur le musée de Madrid (avril 1870) ; « La fameuse bacchanale du Titien, l' Hommage à la Fécondité, tant étudiée par le Poussin, et qui de son temps se voyait à Rome dans la villa Ludovisi, toute voisine de la Trinité-du-Mont, est certainement, même avant son autre bacchanale, la perle des innombrables Titien de Madrid. Ce tableau merveilleux est d'une conservation admirable, du meilleur temps du maître, et le paysage et les deux grandes figures à droite sont d'une beauté, d'une splendeur de forme et de coloration, d'une noblesse et d'une poésie qu'il n'a jamais dépassées. Quant à la fourmilière des enfants, chacun d'eux pris isolément est adorable, et tous les bambins, Amours et Génies, des bacchanales du Poussin viennent de là, de même que l'on peut dire que les paysages de ces bacchanales, leurs beaux couchers de soleil, si puissants et d'une telle richesse de ton, viennent des paysages du Titien. Je répète que l'Hommage à la Fécondité a été l'école de Poussin pour les bacchanales et mythologies (avec l'étude des bas-reliefs antiques, cela va sans dire), de même que la grande fresque du Dominiquin à San Gregorio a été son école pour les sujets sacrés. Ce qui a donné peut-être au Titien l'idée de cette fourmilière d'enfants, ce serait, à mon avis, une volée de blancs pigeons ou d'oiseaux se bousculant pour la pâtée et s'abattant en caquetant, et se passant l'un sur l'autre quand on leur jette une poignée de grain. La femme à robe rouge et aux manches blanches, qui élève le miroir vers la Vénus, est d'une beauté égale aux deux figures de l'Amour sacré et l' Amour profane que l'on voit au palais Borghèse. Ce sont, à coup sûr, des beautés de la même famille. Quant au paysage, il est tout giorgionesque et rappelle celui du Concert champêtre de notre Louvre. »
Essai sur la peinture française, Charles-Philippe de Chennevières-Pointel, 1894.







Midas et Bacchus, Nicolas Poussin, vers 1630, 98 x 130 cm, Alte Pinakothec, Munich, image source Wikimedia Commons. On notera l'influence du Titien clairement exprimée dans la femme endormie, dans une position assez proche de celle de la Bacchanales des Adriens du maître vénitien .






Bacchanale de putti, Dessin d'après Michel Ange






Les artistes s'emparent donc de ce thème dès la Renaissance, on le voit chez Titien, Michel-Ange. Un flamand installé à Rome, François Du Quesnoy ( 1597-1643 ), fils de Jérôme Du Quesnoy l'ancien, le créateur du fameux Manneken-pis bruxellois, et contemporain de Poussin qu'il fréquentait, réalise de nombreuses sculptures en bas relief ou en ronde bosse représentant des jeux d'enfants inspirés des bacchanales, souvent de petits formats. Les italiens auprès desquels il obtient un grand succès le surnomment "Il fattore de Putti", le faiseur d'enfants. Nous sommes très près de nos bas reliefs de bacchanales d'enfants parisiennes.





Bacchanale d'enfants, François Du Quesnoy, marbre, vers 1630, Galleria Spadia Rome. Ici aussi les ailes sont abandonnées, comme chez Poussin.






Voici une libre copie du bas-relief précédent exécutée par Jan-Baptist Xavery (1697-1742), approximativement une centaine d'année après son modèle. Il est intéressant de retrouver l'enfant avec le masque, brisé sur l'original, comme dans la deuxième peinture de Poussin reproduite plus haut dans ce billet. C'est aussi un témoignage de la vogue durable de ces bacchanales d'enfants, particulièrement celles de Du Quesnoy. Marché de l'art, galerie Lowet de Wotrenge, provient de la collection van Ertborn d'Anvers. (mise à jour du 4 mai 2015)














Dans le texte suivant Mariette décrit en 1750 un sacrifice à Bacchus et le vœu d'un sacrifice à Bacchus, gravés sur des pierres fines qu'il juge être antiques. Certaines de ces pierres gravées étaient en fait du XVIe siècle.





Commentaire ci-dessous, gravure extraite du livre de Mariette, 1750.






SACRIFICE A BACCHUS. Cornaline.

La victime qu'on immoloit au Dieu du Vin, & qu'il aimoit le plus, étoit une Chèvre ou un Bouc, & la raison en est toute simple : ces animaux sont avides de raisin, & sont extrêmement nuisibles aux vignes. Ce sacrifice se faisoit à la campagne, principalement dans le temps de la vendange, ou lorsqu'on célébroit les Bacchanales ; & cette Gravure antique en donne une représentation assez fidèle. La Chèvre est placée sur l'autel, & un jeune Victimaire lui plonge le couteau dans la gorge. Un vieillard qui fait l'office de Prêtre, recueille le sang dans une patère, & pendant ce temps-là un Bacchant à demi couvert d'une peau de Bouc, & un serpent passé autour du bras, qu'il étend en signe d'heureux présage, joue de la flûte. On voit à terre, au pied de l'autel, le Vase appelé Guttum, avec lequel se versoit goutte-à-goutte du vin ou du lait sur la victime, & le feu destiné à la consumer, est sur un autre petit autel séparé.





Commentaire ci-dessous, gravure extraite du livre de Mariette, 1750.




VŒU D'UN SACRIFICE A BACCHUS. Agathe-Onyx.

Je ne crois pas qu'il faille regarder comme mise au hasard & sans dessein, l'étoile qu'on remarque dans le champ de cette Agathe, & qui placée vis-à-vis le Signe du Verseau , paroît devoir être prise pour le Soleil parcourant le Zodiaque. Dans une autre gravure antique , rapportée dans le Cabinet de Florence (tome II. Planche LxxxvIII. ) & dont le sujet est précisément le même, sous des traits différents ; cette étoile toujours dans la même position, est auprès du Signe des Poissons ; ainsi comme on sait que la Fête des Bacchanales se célébroit régulièrement tous les mois, je pense que ces deux Gravures indiquent le temps où ceux qui les ont fait faire, & qui étoient initiés aux Mystères de Bacchus, se proposoient de prendre part à ces fêtes, & d'y offrir un sacrifice pareil à celui dont Horace fit le vœu, lorsqu'il pensa être écrasé sous un arbre. Un Satyre, l'un des Ministres de Bacchus, embouche la trompette, comme pour inviter ceux qui doivent assister à la cérémonie; l'autel est préparé, & le bouc qui doit être immolé s'y présente de lui-même. Cette gravure est sur une Agathe, dont les bords sont formés en biseau, & c'est sur ce biseau que les Signes sont gravés.


Traité des pierres gravées, volume 2, par Jean Pierre Mariette,1750.



Enfants jouant avec une chèvre, d'après François Du Quesnoy, marbre, Hauteur 32,4 x Longueur 44,5 cm, XVIIIe siècle, collection particulière. On remarquera que cette scène est inspiré d'un morceau du bas relief en marbre de Du Quesnoy reproduit plus haut.



Avec François Du Quesnoy, mais aussi Gérard Van Opstal (1594-1668) son contemporain bruxellois, venu s'installer à Paris, la bacchanale d'enfants prend sa forme "classique", celle qui inspirera tous les sculpteurs suivant, dont Claude Michel ,dit Clodion, (1738-1814) ou Edmé Bouchardon (1698-1762), ceux-ci étant les plus connus. Ces derniers relancèrent en force au XVIIIe siècle cet engouement pour la bacchanale d'enfants, inspirée de plus en plus librement de l'antiquité. 





Portrait de François Du Quesnoy, "Le faiseur d'enfants"







Prochain billet sur ce sujet : Bacchanales d'enfants 2 : Chèvres et boucs parisiens.

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