vendredi 13 janvier 2012

Pavés en Bois







Pavage en bois, entrée d'un immeuble, 38 rue Notre-Dame de Nazareth, IIIe ardt.




Les pavés de bois semblaient avoir complètement disparu de Paris pourtant nous en avons retrouvé quelques exemplaires.






Ce qui me frappa d'abord, c'est l'immense largeur des rues côtoyées de trottoirs où vingt personnes peuvent marcher de front. Le peu d'élévation des maisons rend encore cette largeur plus sensible. La rue de la Paix de Paris ne serait là-bas qu'une rue assez étroite ; le pavé de bois dont on a fait chez nous un essai de quelques toises est généralement adopté à Londres, où il résiste parfaitement à une circulation de voitures trois fois plus nombreuse et plus active que celle de Paris. Les roues tournent sur ce parquet de sapin, muettes et sourdes, comme sur un tapis, et épargnent aux habitants des rues fréquentées le tapage assourdissant que font les voitures sur des pavés de grès. Mais il est vrai de dire qu'à Londres le développement des trottoirs permet aux piétons d'abandonner la chaussée aux chevaux et aux véhicules, ce qui prévient les accidents nombreux que ne manquerait pas de causer l'absence de bruit. Les rues qui ne sont pas parquetées en bois sont macadamisées.

Une journée à Londres, par Théophile Gautier. Revue des Deux Mondes, Volume 2, 1842













On s'est beaucoup occupé récemment des meilleurs moyens de pavage, et dans tous les pays l'extrême augmentation de la circulation a attiré l'attention des économistes et des administrateurs sur les moyens les plus convenables pour obtenir, au meilleur marché possible, les pavés les plus resistants. Des expériences comparatives viennent d'être faites en particulier dans Oxford-street, l'une des rues les plus fréquentées de Londres, où il passe de 6 à 7000 voitures par jour ; et après trois mois d'épreuves sur différents modes d'application de l'asphalte, d'emploi de pierres de diverses natures, en particulier du granit d'Aberdeen, le plus dur qu'on trouve en Écosse, on a donné la préférence au pavé construit avec des billots de bois placés verticalement et près les uns des autres.

L'auteur de la notice dont nous présentons un extrait s'est fort occupé de ce sujet important. Il a observé avec attention pendant les années 1827 à 1831, les effets d'une active circulation sur un pavé de bois construit dans une des principales rues de Vienne, et le bois loi a paru s'user moins que toute autre matière employée dans le même but. Des informations qu'il prit sur les résultats obtenus à New-York pendant trois ans sur un pavé de même nature, l'amenèrent à la même conclusion. Un fardeau de vingt tonneaux avait été traîné sur ce pavé sans y faire la moindre impression. Il pense en conséquence que des routes pavées de cette manière pourraient faire une espèce de chemin de fer universel, sur lequel le travail des chevaux serait fort diminué, et où les machines à vapeur pourraient se mouvoir aussi sûrement et presque aussi vite que sur les rails.
Les précautions à prendre pour donner à l'emploi du bois en pavés tous les avantages dont il est susceptible, se réduisent aux suivantes.

1° Le bois doit être pris dans le cœur d'arbres sains. Le mélèze et d'autres arbres résineux fournissent à bon marché des matériaux excellents.

2° Les billots, qui doivent se toucher, doivent être coupés sur un modèle uniforme de manière à s'ajuster exactement les uns aux autres, et aucun billot ne doit dépasser les autres.

3° La hauteur des billots doit être au moins égale à une fois et demie sa largeur, une forte résistance sur les côtés étant nécessaire à la stabilité de la route. Si les pièces de bois sont rectangulaires, chacune est soutenue par quatre autres, et lorsqu'on les coupe en forme de prismes hexagonaux ce qui semble préférable, chaque billot est maintenu en place par les six qui l'entourent. Le prisme hexagonal étant la figure qui donne la plus grande quantité de bois à tirer d'un arbre, lorsque ce prisme est aussi grand qu'il est possible de le couper dans le diamètre de l'arbre, c'est celle qui est généralement adoptée et dont l'expérience a confirmé la supériorité.

4° Les billots doivent être placés sur un lit bien solide de cailloux, graviers et autres matériaux durables, bien damés et aplanis.

5° Au moment de placer les bois, il faut répandre sur l'aire de la route ainsi préparée, une couche de demi-pouce d'épaisseur de gravier fin pour faciliter l'ajustement des billots.

6° Les billots doivent être placés de manière à présenter une surface supérieure plane, avant même d'être damés, de manière que la formation finale du niveau ne dépende pas tant des effets de la dame que de l'horizontalité du pavé lui-même. Il est essentiel que les bois soient coupés dans des arbres secs et employés après avoir aussitôt été coupés , afin que leur forme ne varie pas par le jeu du bois.
Les expériences directes manquent encore pour estimer la différence en durée de l'emploi des diverses espèces de bois.
I. M.
SUR LES PAVES DE BOIS, par M. Hawkins. (Lu à la session de l'Association Britannique des Se. Pour 1839.), Bulletin scientifique, Bibliothèque Universelle de Genève, Volumes 23 à 24.









Pavage en bois, Entrée d'un immeuble, 81 rue Saint-Maur, XIe ardt.






2° CONSTRUCTION. MATÉRIAUX A EMPLOYER.
Pavés. — La première chose dont doit se préoccuper le constructeur est le choix des matériaux à mettre en œuvre.
De leur nature. — Les pierres de diverses grandeurs et de diverses natures ont été jusqu'ici à peu près les seuls matériaux employés dans les pavages ; à la vérité plusieurs essais ont été tentés principalement en Amérique et en Angleterre, pour leur substituer le bois debout ; mais jusqu'à présent ces divers essais, excepté celui tenté à Londres , dans Oxford-street, paraissent n'avoir pas réussi (2). Ce pavage a le grand avantage de ne produire ni bruit ni poussière; mais il est très-glissant sous le pied des chevaux.
(2) Un premier emploi de ce mode de pavage dû à un Français breveté , M. le comte de Lille, a été fait à Londres, près de White-hall, en décembre 1839 ; et c'est le bon résultat de ce premier essai qui a déterminé à le renouveler un an après dans Oxford-street.
Les pavés sont en bois de sapin du Nord ; ils ont la forme de prismes obliques à base de parallélogramme. Cette base est placée normalement à la surface de la chaussée et forme le joint du pavé qui repose sur une face rectangulaire. Les joints se correspondent ; mais les angles aigus d'une rangée correspondent aux joints obtus dans la range suivante, de telle sorte que les fibres du bois parallèles aux côtés du parallélogramme de base sont obliques au plan de la chaussée , et se croisent d'une rangée à l'autre. Ces pavés , Pl. 3,Fig. 5 , ont 0m,15 de hauteur et 0m,15 d'épaisseur, les côtés du parallélogramme de base ayant 0m,18.
Chaque pavé porte sur une des faces latérales deux chevilles saillantes , et, aux points correspondants de l'autre face , deux trous où viennent se placer les chevilles du pavé voisin dans la range suivante; de plus, chaque pavé porte transversalement une rainure pour empêcher le glissement des chevaux.
Ce pavage en bois repose sur une couche de béton de 0m, 15 à 0m, 20 d'épaisseur, formée de ciment et de pierres cassées. Son bombement est d'un vingtième de sa largeur. Il a été établi par un marché à forfait et est revenu à environ 14 fr. le mètre quarré.

Annales des Ponts et Chaussées, Partie Technique, Mémoires et Documents, 1841









Les piles de bois à l'usine municipale du quai de Javel, XVe ardt.1908.









Le pavé de bois a détrôné le vieux pavé de grès


La difficulté de trouver un mode de pavage réunissant certaines conditions indispensables telles que : égalité de résistance au frottement et à la charge, modicité des prix de main-d’œuvre, de pose, d'entretien, etc., a conduit les ingénieurs des ponts et chaussées à essayer tout ce que l'imagination des inventeurs pouvait faire naître. En dehors des chaussées empierrées ou asphaltées, on a installé pendant un certain temps, dans une section des rues Tronchet et de Flandre, où la circulation est légère dans l'une et très chargée dans l'autre, des pavés de verre. L'usage ayant démontré que ces pavés étaient glissants et impossibles à réparer, on a dû y renoncer. Un essai fait, rue de la Victoire, avec des carreaux d'asphalte, n'a pas donné des résultats tellement avantageux que le service de la voirie ait cru devoir en généraliser l'emploi. On a fabriqué également des pavés en sciure de bois comprimée, mais leur désagrégation rapide, sous les influences atmosphériques, a motivé leur complet abandon.
De toutes ces tentatives, une seule semble donner des avantages tels qu'ils ébranlent la conviction des partisans du vieux mode de pavés en grès ; nous voulons parler du pavage en bois, qui est tout à fait moderne.

Une fabrique de pavés de bois.
Dès 1842, la Ville de Paris avait tenté, notamment rue du Dragon, quelques essais de pavages en bois, mais ce n'est guère qu'à partir de l'année 1881 que ce mode de revêtement fut pratiquement employé dans la capitale. Au début, l'exécution de tous les pavages en bois fut confiée à des sociétés concessionnaires, mais en 1886 le conseil municipal décida de tenter un essai d'exécution en régie ; à cet effet, un embryon d'usine fut installé quai de Javel, à l'angle de la rue des Cévennes, afin d'y préparer les  pavés de bois nécessaires à l'établissement des chaussées du nouveau quartier Marbeuf.
L'essai ayant donné des résultats satisfaisants, il fut décidé qu'aucune concession nouvelle ne serait accordée, et, à partir de cette époque, la Ville exécuta elle-même tous ses nouveaux pavages. Les sociétés continuèrent à assurer l'entretien des 450 000 mètres superficiels d'avenues, carrefours et rues dont elles étaient concessionnaires et dont les baux expiraient il y a deux ans.
Depuis 1880, la Ville a exécuté de son côté, en régie, le convertissement en pavage en bois et l'entretien de près de 2 millions de mètres superficiels de chaussée, ce qui représente le chiffre considérable de 100 millions de petits cubes de bois !...
Notons en passant que les chaussées empierrées ne figurent, sur les statistiques de la voirie au 1er janvier 1907, que pour 1 million de mètres carrés, les chaussées asphaltées pour 400 000 et les voies de terre, c'est à dire n'ayant subi aucun traitement particulier, 18 430 mètres superficiels. Ce qui, avec les 6 millions de pavage en pierre, représente un total de plus de 10 millions de mètres carrés de chaussée à entretenir...
Le même service a également à sa charge 7 millions de mètres superficiels de trottoirs, revers pavés et contre-allées sablées...
Mais revenons au pavage en bois.

La « Tronçonneuse » a dix-sept lames de scie.

Le fonctionnement général de l'usine municipale a bénéficié, depuis la création, d'amélioration importantes dues à l'esprit inventif de son directeur, M. A. Josse. Nous n'entreprendrons pas de décrire en détails l'installation, aujourd'hui très complète, de cette usine unique au monde, et qui comprend : des ateliers de construction, de réparation, de crésotage, un matériel de manœuvres considérable et des machines diverses pour le sciage des pavés neufs et l' « ébarbage » des pavés vieux. Nous parlerons seulement du système de fabrication des pavés.
La majeure partie des achats porte sur le pin maritime des Landes, toutefois on procède sans cesse à des essais sur d'autres essences ; les unes qui, par leur qualités ou leurs prix peuvent concurrencer le pin des Landes, tels que : sapin du Nord, mélèze, pin Sylvestre ; les autres qui ont un prix plus élevé, mais dont l'emploi peut être nécessaire dans certains cas spéciaux : karri d'Australie ( au ton d'acajou ), chêne, hêtre, bois de fer, teack, liem, etc.
Au début, le tronçonnage – c'est le nom qu'on donne à l'opération – des madriers était exécuté à l'aide de scies à une lame qui découpaient un pavé à la fois. Plus tard, des « tronçonneuses » débitant 4 à 5 pavés d'un seul coup furent installées ; mais dès 1900, l'outillage était reconnu de nouveau insuffisant et il fallut songer à l'améliorer. C'est ce qu'on fit.
Il convient tout d'abord de noter que le fonctionnement de l'usine ne peut être régulier et continu d'un bout à l'autre de l'année ; l’abattage des arbres en forêt ne peut se faire qu'à une époque déterminée, les arrivages ne sont pas réguliers, aussi n'est-il pas rare de voir la fabrication arrêtée pendant plusieurs semaines. D'autre part, les sorties de pavés ne se font que pendant la belle saison, après le vote du plan de campagne des travaux à exécuter.







Ébarbeuse de pavés de bois, photo Jules Beau, 1901, source Gallica bnf .fr



Une fabrication continue obligerait à un emmagasinement considérable ; il en est de même des rentrées de vieux pavés provenant des relevés à bout ; le traitement de ces vieux pavés, ébarbage ou recépage, qui est effectué en majeure partie ( l'ébarbeuse mécanique portative inventée par M. Josse ne fonctionnant que dans certains cas sur la voie publique ) par le personnel de l'usine, ne peut se faire qu'en hiver. Enfin les plans de campagne sont d'importances variables, suivant l'état des finances de la Ville.
Pour ces multiples raisons, il devenait indispensable que l'usine fut pourvue d'un outillage lui permettant de parer aux accidents et aux à-coups et de répondre à tous les besoins. La création, par M. Josse, d'une tronçonneuse à dix-sept lames permettant le sciage automatique d'un madrier, soit seize pavés, a résolu fort avantageusement ce délicat problème. Cette machine a coûté 55 000 francs et débite environ 200 000 pavés par jour.
( … )
Lorsque un pavage en bois est arrivé à l'échéance de sa durée, huit ou neuf ans, on procède à son relevé à bout ; les vieux pavés sont rentrés à l'usine et jetés pêle-mêle, en attendant le tri. Car, parmi ceux-ci, beaucoup sont incomplètement usés et encore sains ; ils subissent alors un traitement approprié à leur état  et à leur degré d'usure, les uns sont recépés, les autres sont ébarbés. Le recépage consiste à enlever à la scie circulaire la croûte déformée du dessus. Dans la seconde opération, on fait disparaître, au moyen de l'ébarbeuse mécanique, imaginée également par M. Josse la « barbe » qui s'est produite à la périphérie du pavé par suite de l'écrasement des fibres provoqué par le roulage des voitures.
Pour ce qui est des déchets et des pavés trop usés, l'administration, se montrant telle qu'on voudrait toujours la voir : prévoyante et économe, vend le tout à raison de 50 centimes le mètre cube. De plus, ces débris constituent avec la sciure, le seul combustible utilisé, journellement, dans les chaudières de l'usine.

Almanach illustré du Petit Parisien, Les pavés de Paris, 1908.





Femmes ramassant des pavés de bois, vraisemblablement pour se chauffer, photographie de presse, agence Rol.



Voir aussi le billet du Piéton de Paris sur ce sujet paru le 19 avril 2013.

7 commentaires:

  1. Je me souviens que ma nourrice, née en 1889, m'a raconté qu'elle était enfant de l'Assistance Publique, élevée chez une famille nourricière en Normandie, et
    dès la fin de sa scolarité avait été envoyée à Paris pour y être placée. La première chose qu'elle avait faite en sortant de la gare, c'était de toucher ces magnifiques pavés en bois qu'elle ne connaissait pas, habituée qu'elle était aux sentiers et prairies de sa Normandie.
    Danièle Dugelay daniele.dugelay@orange.fr

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci de ce beau témoignage, qui fait reprendre vie aux pavés en bois.

      Supprimer
    2. Merci de nous signaler les maintenant rares endroits où des pavés de bois sont encore en place. Je ne connaissais pas cet endroit. Il faudra que j'y jette un coup d’œil.

      Supprimer
  2. Je reviens d'un voyage à Partis et l'appartement loué sur airbnb avait un plancher de pavés de bois. Il est adjacent au Bastille design center, situé au 74 boul Richard Lenoir, une ancienne ferronnerie, dont les planchers sont aussi en pavés de bois, au rdc et au sous-sol. L'appartement était apparemment un garage ou une remise appartenant à la ferronnerie. Un magnifique endroit à visiter

    RépondreSupprimer
  3. Il y a des pavés en bois dans le village Saint Paul qui a été récemment refait. Bien qu'ils semblent récent, et de forme carrée. C'est la première fois que j'en voyais dans Paris. Vous pouvez en voir un aperçu même via google street. On les voit sur la sortie donnant rue Saint Paul à la porte cochère portant les numéros 23-25-27.

    RépondreSupprimer
  4. Je me souviens que le sol des anciens ateliers de l'école des Arts et Métiers (1815) à Angers était en pavés de bois debout. Les pavés étaient très serrés les uns aux autres. Ce revêtement assez dur avait l'avantage d'absorber rapidement les flaques d'huile des machines. L'école a été plusieurs fois inondée par la Maine toute proche, j'ignore si ces pavés se sont soulevés comme ceux des rues inondées de Paris en mars 1910...

    RépondreSupprimer