Où nous retrouvons les enfants tressant des couronnes de fleurs, chassant le lièvre, piégeant des oiseaux, faisant de la balançoire. Nous traquons dans ces bas-reliefs les lointains échos de leur origine antique. Grâce à un document officiel du Ministère de la Culture et de la Communication nous identifions l'auteur d'un modèle souvent copié, déformé pour les besoins du commerce, à la source de nombreuses variantes et surmoulages.
Revenons
sur l'esprit de ces bacchanales déjà remarqué dans les deux
billets précédents :
Le
caractère transgressif des bacchanales romaines réelles, que les
bas reliefs d'enfants qui s'en inspirent ont édulcoré, afin de
rendre le sujet inoffensif et toléré par tous, n'est qu'un
prétexte, un souvenir. Peut-être aussi ces marmots en liberté
dépeignent-ils une enfance de l'humanité décomplexée, sans péché
originel, dont certains au XVIe ou au XVIIIe siècle ont la nostalgie,
avant que le vin de Bacchus ne devienne le sang du Christ? Le fait
que tous les rôles soient tenus par des enfants relativise l'aspect
sulfureux de la bacchanale et le culte bachique passe ainsi pour une
enfance de la religion, un jeu irresponsable. Nous avons vu que ce
thème apparaît à la Renaissance, reprenant les exemples antiques
redécouverts, mais traités dans un esprit sensiblement différent.
Il y a certainement en commun le plaisir de peindre cette petite
humanité en liberté, imitant les adultes, mais cette continuation
des génies et des amours, souvent ailés, au XVIe siècle se teinte
petit à petit d'une conception philosophique du monde, de sa mise à
distance. C'est une façon de décrire l'univers sérieux des
adultes, avec ses passions de toute sorte, ses folies et ses
débordements ou ses activités bien ordonnées à travers les jeux
des enfants laissés à eux-même : nous ne sommes que des
enfants qui jouent à un jeu ou à un autre quand nous croyons agir
avec responsabilité et pertinence, en pensant que le sort du monde
dépend de nos activités si importantes. C'est ce que semble
exprimer ce célèbre tableau de Pieter Bruegel l'ancien, « Les
jeux des enfants », une vision qui relativise le sérieux et
l'importance dont l'humanité aime à se parer. On peut penser à
l'éloge de la Folie d’Érasme écrit dix à quinze ans avant la
naissance de Bruegel. Il semble bien que cette relativisation de
l'importance humaine, pétrie d'un sentiment un peu satirique ait
imprégné toutes nos bacchanales d'enfants, comme une trame de fond.
Le
spectateur de ces bas reliefs et de ces peintures pouvait donc y
retrouver une liberté perdue où toute licence avait ses droits en
même temps qu'une sorte de caricature morale de l'humanité. Le
chrétien pouvait même interpréter ces enfants déréglés laissés
à eux-même comme un peuple n'ayant pas encore connu le « Vrai
Dieu », dans le passé, ou dans le présent pour ceux dont la
foi était incertaine.
Puis petit à petit, au cours du XVIIIe siècle, l'aspect plaisant, bucolique, de ces scènes, presque peuplées de bons sauvages en la personne de ces enfants, prend le dessus sur la satire sous-jacente antérieure, produisant ainsi des images ayant le caractère du Hameau de Marie Antoinette à Versailles : l'idéal de simplicité originelle réduit à un décor. Le peintre François Boucher (1703-1770) avec ses nombreuses peintures de putti dont le caractère léger s'éloigne des bacchanales initiales, est un des acteurs principaux de cette évolution. Peut-être ces enfants, de plus en plus détachés des cultes bachiques, annoncent-ils sous le mode plaisant une nouvelle humanité dont l'avènement réel demandera le bouleversement de 1789 ?
A.F.
Puis petit à petit, au cours du XVIIIe siècle, l'aspect plaisant, bucolique, de ces scènes, presque peuplées de bons sauvages en la personne de ces enfants, prend le dessus sur la satire sous-jacente antérieure, produisant ainsi des images ayant le caractère du Hameau de Marie Antoinette à Versailles : l'idéal de simplicité originelle réduit à un décor. Le peintre François Boucher (1703-1770) avec ses nombreuses peintures de putti dont le caractère léger s'éloigne des bacchanales initiales, est un des acteurs principaux de cette évolution. Peut-être ces enfants, de plus en plus détachés des cultes bachiques, annoncent-ils sous le mode plaisant une nouvelle humanité dont l'avènement réel demandera le bouleversement de 1789 ?
A.F.
Les Jeux des Enfants, signé BRVEGEL 1560, Huile sur panneau, 118 x 161 cm, Kunsthistoriches Museum, Vienne. |
Les décors de l'Hôtel de la Chancellerie d'Orléans, appelé aussi Hôtel d'Argenson, ont été déposés et mis en caisses lors de sa destruction en 1924. Ils sont en cours de réinstallation à l’Hôtel de Rohan, site des archives nationales.
Un document au format PDF produit par le Ministère de la Culture et de la Communication (lien ci dessous) reproduit des bas-reliefs souvent copiés sur les murs parisiens, les attribuant à Pajou, l'auteur d'une partie des décors de l'hôtel, vers 1765.
Les décors de la Chancellerie d’Orléans
Le vestibule du porche d’entrée
Dessiné par Chambers, photographié à la fin du XIX e siècle et au début du XX e siècle, le vestibule
du porche d’entrée était un passage couvert d’une voûte à caissons, dont les murs étaient
ménagés de niches à fronton abritant des statues de Pajou, flanqués de portes surmontées de
reliefs conduisant vers les ailes des communs.
Lors de la démolition de l’hôtel en 1923, différents éléments ont été moulés : il s’agit des
frontons et de la partie supérieure des niches, une partie du caissonnage des voûtes, trois petits
bas-reliefs de Pajou placés au-dessus des portes des bornes situés sous le passage.
PAJOU.
1730-1809.
Jean-Baptiste Le Moine fut le maître d'Augustin Pajou, qui fut d'abord un sculpteur sans le savoir et qui n'eut de vrai maître que lui-même. Au nom de Pajou, on voit tout de suite se dessiner dans l'esprit sa Psyché abandonnée par l'Amour, un chef-d'œuvre dans l'école du dix-huitième siècle, qui s'efface un peu devant les marbres de la renaissance et beaucoup devant les marbres de l'antiquité. Son père était un simple praticien qui ne songeait pas à faire de lui un artiste ; mais Pajou était doué. Son père le conduisit un jour chez une danseuse, mademoiselle de Camargo ou mademoiselle Prevost, qui voulait faire modeler des oiseaux, des feuillages et des fruits pour ses dessus de porte. Selon le père, ce travail demandait six semaines. La danseuse se fâche, elle veut que ces dessus de porte fleurissent et chantent comme par magie. Le praticien dit qu'il n'est pas un sorcier ; la danseuse l'envoie au diable. Elle avait remarqué que l'enfant paraissait effrayé de sa colère. Il avait une jolie figure, elle s'approche de lui, secoue ses cheveux bouclés et lui donne deux oranges. L'enfant rentre et se cache dans sa chambre ; le lendemain, il dit qu'il est malade et ne va pas à l'école. Sa maladie dure huit jours. Un matin, il apporte à son père des oiseaux, des feuillages et des fruits, sans oublier les oranges, qu'il a modelés avec un vrai génie. Le père ne veut pas reconnaître son fils, qui le supplie de le conduire chez la danseuse avec ses deux bas-reliefs. Pajou n'avait que treize ans. Avant de porter les bas-reliefs à la danseuse, le père les porta à l'Académie, où ils furent admirés pour leur vérité naïve, pour leur précision presque savante. Jean-Baptiste Le Moine offrit de prendre Pajou dans son atelier. Sa fortune était faite.
A Rome, Pajou préféra Michel-Ange à tous les antiques, mais il n'avait pas vu qu'entre Michel-Ange et le Bernin il y avait tout un monde.
On rencontre souvent Pajou à Paris et à Versailles, tour à tour sacré et profane, travaillant pour l'Église et pour le Parc-aux-Cerfs ; j'ai voulu dire le parc de Versailles. Quelle fine merveille que son buste de la du Barry! Il a remarqué son coin au palais de justice, au Palais-Royal, au Palais-Bourbon. Il a taillé pour l'Institut les statues de Turenne, de Pascal et de Bossuet. La statue de Bossuet est regardée comme un chef-d'œuvre. Mais celle de Buffon, qu'il fît pour le jardin des plantes, n'est pas un chef-d'œuvre.
Il ne représenta pas le grand naturaliste avec ses manchettes, puisqu'il le fit tout nu, avec un chien de berger qui lui lèche le pied. Le tort de Pajou n'est pas d'avoir représenté tout nu l'historien de la nature; c'est de ne pas avoir compris qu'en le montrant ainsi, il fallait accentuer le caractère. A force de chercher la vérité, il est tombé au-dessous de la vérité. On disait : Simple comme Pajou, mais il était quelquefois trop simple. La nature sans le sentiment de l'idéal dans les œuvres d'art n'est plus la nature
.
Cependant cette statue de Buffon valut à Pajou ce remerciement de Sedaine, de la part des animaux du globe terrestre:
«Homme Pajou, nous te sommes bien obligés. Nous ne savions comment remercier l'homme Buffon de nous avoir peints ; et toi, avec ton instinct, ton ciseau et de la pierre, tu as rendu nos sentiments et sa figure ; tu as donné une idée de son intelligence aussi parfaitement qu'il a rendu la nôtre avec sa réflexion et la plume d'un de nos camarades.
Sais-tu qu'il ne faut pas être un sot pour exprimer la reconnaissance des bêtes ? Elle est pure, la nôtre ; elle n'est pas comme la vôtre, toujours gâtée par l'amour-propre. Quand nous recevons un bienfait, nous ne croyons pas l'avoir mérité.
Nous ne disons pas cela pour toi, tu dois être comme l'homme Buffon, bon et honnête. Vous auriez dû, tous deux, être des nôtres ; tu aurais été un lion et lui un aigle. Adieu. »
Non, Pajou n'eût pas été un lion : « Il eût été un ours, » dit Grimm.
L'histoire des sculpteurs du dix-huitième siècle est toujours.la même : le grand prix, le séjour à Rome, l'école française brouillée avec l'école antique, quelquefois brouillée avec la nature, l'Académie, le cordon de Saint-Michel, les éloges de Diderot. Ci-gît Pajou.
Histoire de l'art français au dix-huitième siècle, par Arsène Houssaye, 1860.
PLANCHE 84.
Ce tableau trouve naturellement sa place après celui qu'on a vu dans la planche précédente. Nous avons admiré les Génies meuniers, nous devons à présent nous occuper des Génies fleuristes. Il est un fait que nous tenons à bien poser, et qui expliquera comment l'art du fleuriste a été jugé digne de former le pendant de l'art du meunier, dont l'utilité est si grande : c'est que les fleurs, qui sont pour nous un objet de luxe, étaient chez les anciens un objet de première nécessité, et d'une importance capitale. On ne saurait guère trouver dans la vie antique un acte qui puisse s'accomplir sans l'emploi des fleurs. Si nous mettons le pas sur la porte du triclinium, nous apercevons la table et le parquet jonchés de fleurs qui couronnent aussi les fronts des convives. Les spectacles, les cérémonies profanes, les cérémonies sacrées, la victime, le prêtre, les assistants, l'autel, le temple, tout cela nous envoie des émanations suaves qui charment et captivent notre odorat. Les amants ornent de fleurs les portes des maisons qu'habitent leurs maîtresses.
Cette peinture que nous donnons ici est digne en tous points, et surtout pour le soin et le fini de l'exécution, de l'idée qui l'a inspirée. Des Génies des deux sexes, au nombre de sept, comme dans la planche précédente, exécutent avec ardeur les diverses fonctions du métier de fleuriste. On voit d'abord, en commençant par la droite, une jeune fille, ailée comme tous les autres petits personnages qui figurent dans cette composition, et vêtue d'une tunique relevée par deux larges plis. Elle puise dans une corbeille de joncs, posée sur un banc, et remplie de fleurs, de quoi occuper les quatre petits Génies, drapés avec assez de variété, et assis sur deux bancs et devant la table qui occupe le milieu du tableau. Au-dessus de cette table couverte de fleurs est un châssis fiché au mur et portant des chevilles d'où pendent les fils et les rubans auxquels on attache les feuilles et les fleurs qui doivent composer les couronnes ou les guirlandes. L'un des gentils ouvriers se tourne vers celui qui semble puiser dans la corbeille, comme pour lui demander de quoi travailler. Celui qui tient des ciseaux se dispose sans doute à détacher du châssis sa guirlande achevée ; les deux autres Génies tressent ensemble des feuilles et des fleurs. Enfin, à gauche du tableau, une jeune fille, aux ailes de papillon, qui paraît être la maîtresse et la directrice de l'atelier, remet à un petit Amour, entièrement nu par devant, et couvert sur le dos d'une chlamyde, quelques guirlandes qu'elle le charge de faire parvenir à leur destination.
Herculanum et Pompéi : recueil général des peintures, bronzes, mosaïques, etc..., Volume 2, par Louis Barré, Henri Roux, Adolphe Bouchet, J. Bories , 1839
Cour du 15 rue Jacques Bingen, XVIIe ardt, plâtre, stuc ou terre cuite, copie assez libre du modèle attribué Pajou ( voir ci-dessous). C'est une scène de vendange représentant l'automne. |
Un autre exemplaire de cette vendange automnale au 15 rue d'Armaillé, XVIIe ardt. (Mise à jour du 2 avril 2015) |
Dans cette scène les enfant ramassent des fruits et mangent du raisin, c'est encore l'automne, 11 rue Henri Simon, Versailles, Yvelines. |
A propos de l'hôtel de Salm, actuel musée de la légion d'honneur.
Il faut distinguer trois groupes dans
ces bas-reliefs, dont l'un, le plus intéressant, est formé de
sujets enfantins fort agréables, modelés avec souplesse et
sobriété, généralement d'un excellent dessin. Il convient, en les
regardant, de faire la part des empâtements de badigeon, et surtout
de bien considérer les originaux du côté de l'est et non les
surmoulages de l'aile de bureaux. Quand nous disons originaux, c'est
une manière de parler, car malgré la très belle valeur de ces
reliefs, ce ne sont, en somme, que modèles du commerce – du temps
où le commerce livrait des modèles exquis – puisqu'on les
retrouve ailleurs ; ainsi voit-on l'un d'eux, un brûle parfum
flanqué de deux amours, sur la façade d'une maison, boulevard Saint
Martin, n°33 ; et puisque, fournis par le mouleur d'Hollande,
ils furent facturés dix-huit livres seulement pièce, prix réduit
même à quinze livres par l'architecte Rousseau. Le compte auquel
nous empruntons le renseignement mentionne quinze bas-reliefs.
Les enfants, tout émoustillés par le printemps, se caressent et se tressent des couronnes de fleurs. 1 rue de Solférino, VIIe ardt, pierre, façade du musée de la légion d'honneur. ; cette partie a été édifiée entre 1922 et 1925 sur les anciennes écuries de l’hôtel de Salm, brûlé pendant la Commune. Le modèle initial de ce bas relief est signé Simon Louis Boquet, en 1784. A noter : selon certaines sources l'auteur de ces quatre bas reliefs de " scènes d'enfants " serait Jean Guillaume Moitte. (ici) |
On ne peut dire s'il s'agit de modèles différents ; du moins n'en voit-on plus que douze aujourd'hui, presque tous étant reproduits à plusieurs exemplaires : il y a, en effet, vingt-huit panneaux garnis, sans compter le bâtiment moderne de l'ouest où on a placé des surmoulages des mêmes bas-reliefs, ni l'intérieur où plusieurs de ceux-ci ont été utilisés comme dessus de porte ou autres motifs, les douze types se divisent donc en trois groupes : a) quatre scènes d'enfants, l'amour et les fleurs, la pêche, la vendange, la chasse qui symbolisent en même temps les saisons et que l'on peut assimiler, semble-t-il, à quatre bas-reliefs représentant les saisons, exécutés par le sculpteur Simon Louis Boquet pour la salle à manger de l'hôtel, rien d'étonnant du reste, à ce que l'on ait utilisé pour la décoration extérieure les motifs destinés à celle des appartements, ainsi qu'on l'a fait lors de la réfection du XIXe siècle ; b) le groupe susdit des amours flanquant un brûle-parfum et un médaillon féminin supporté par deux petits génies assis tenant, l'un une flèche, l'autre un flambeau ; c) six figures couchées de divinités, de bon style encore, mais moins agréables que les gracieuses compositions précédentes, Junon, la Musique, Flore ; Pomone, la Peinture et la poésie ; elles sont accompagnées de génies, d'amours, d'animaux et d'attributs symboliques. On comparera ces figures avec celles des bas-reliefs de l'hôtel de la rue du faubourg Poissonnière n° 30, que nous avons publiées, et qui pourraient être du même auteur.
L'Architecture & la décoration française aux XVIIIe & XIXe siècles, par Louis Dimier, Paris, librairie centrale d'art et d'architecture.
Chasse et Pièges :
Commentaire ci-dessous, gravure extraite du même livre sur Herculanum et Pompéi. Il y a déjà une chasse au lièvre comme le bas relief précédent de l'hôtel de Salm. |
PLANCHES 86 ET 87.
Herculanum et Pompéi : recueil général des peintures, bronzes, mosaïques, etc..., Volume 2, par Louis Barré, Henri Roux, Adolphe Bouchet, J. Bories , 1839
Enfants chassant un sanglier, plâtre, 3 rue Gutenberg, Montrouge, Hauts-de-Seine. |
Tableau de chasse de l'Amour, Piat Joseph Sauvage ( 1744-1818 ), trompe-l’œil en grisaille, dessus de porte, château de Compiègne, Oise. |
78 avenue Raymond Poincaré, XVIe ardt, pierre. L'immeuble date de la fin du XIXe siècle, voire tout début XXe. Cette fois on chasse et on piège les oiseaux. |
N'est-ce pas aussi par pure ignorance que l'habitant des campagnes cloue sur sa porte, avec un sot orgueil, le hibou, l'engoulevent, le scops, dont sa malencontreuse adresse vient de priver ses champs et ses greniers ? Que n'y cloue-t-il plutôt son chat?
Et comme si ce n'était pas assez des hommes dans cette guerre d'extermination, voilà des enfants qui viennent y prendre part avec l'impitoyable insouciance de leur âge :
Cet âge est sans pitié,
a dit La fontaine. Oh! oui, véritablement sans pitié sont ces enfants des campagnes, qui font l'école buissonnière pour aller dénicher les nids, comme ils disent. Les œufs et les jeunes couvées, tout leur est bon : n'ont-ils pas à briser les uns, à faire périr misérablement les autres de faim et de tortures !
Et les parents de ces jeunes drôles, au lieu de les renvoyer à l'école convenablement fustigés, assistent avec une froide indifférence à ces actes de cruauté. Parents et enfants ignorent sans doute cette belle parole de l’Écriture : — « Si en te promenant tu trouves en ton chemin, sur un arbre ou à terre, un nid d'oiseaux et la mère couvant les petits ou les œufs, tu ne prendras point la mère ni les petits; mais tu les laisseras en liberté pour qu'il ne te mésarrive et que tu vives longtemps » — Si au moins, à défaut de l’Écriture, ils connaissaient leur intérêt !
Ce qu'on détruit de cette manière est incalculable ; ceux qui ont habité la campagne savent qu'il n'est pas rare de voir un enfant, au bout de sa journée, rapporter une centaine d’œufs de toute provenance.
Comment ces races sans défense ont-elles pu survivre à cette guerre acharnée?... c'est un de ces mystères que peut seule expliquer la merveilleuse bonté avec laquelle Dieu répare sans cesse les fautes de l'homme, sa créature de prédilection.
Ne nous faisons pas d'illusion, toutefois; le mal est grand, et si l'on n'y prend garde, bientôt peut-être sera-t-il sans remède.
Déjà des races utiles ont complètement abandonné notre pays. Pour n'en citer qu'un exemple, malgré les poétiques fictions qui semblaient devoir la protéger, la cigogne ne fait plus son nid sur les toits de nos maisons ; elle ne traverse plus qu'à tire-d'ailes un pays inhospitalier qu'autrefois elle purgeait de vipères et autres reptiles venimeux. - Les petites espèces ont beaucoup diminué et diminuent chaque jour davantage ; les insectes se multiplient en proportion et causent des dommages croissants à l'agriculture.
Le mal est grand, encore une fois; le danger imminent ; il faut des remèdes prompts et énergiques... Voilà ce que nous crient les comices, les sociétés de tout genre, qui s'occupent, à des titres divers, d'agriculture et de zoologie. C'est ce que nous répètent, avec un accord chaque jour plus unanime et plus pressant, les naturalistes et les agriculteurs les plus distingués, qui, par état ou par vocation, se sont occupés de cette question, MM. Geoffroy Saint-Hilaire, Florent Prévost, Sacc, Gloger, Kœchlin, Dumast, Jonquières-Antonelle, Châtel, Gadebled, Valserres et tant d'autres dont je n'ai été, en ce rapport, que l'écho très-affaibli.
Nouveau manuel complet d'oiseleur ou secrets anciens et modernes de la chasse aux oiseaux au moyen des pièges, par Mr J.-J. G..., amateur et Mr Conrad, amateur, 1867
D'autres enfants oiseleurs, à gauche l'un d'eux grimpe à un arbre pour dénicher les oisillons, plâtre, 9 rue Sadi Carnot, Montrouge, Hauts de Seine. |
La même composition au 18 rue de Provence, IXe ardt. Pour couvrir un espace plus allongé les mouleurs ont rogné sur la hauteur de la végétation et répété à droite l'enfant dénicheur de gauche. |
On retrouve un sujet identique avec ces Petits Oiseleurs de François Boucher ou de son atelier, mis en vente chez Sotheby's en 2012. |
L'Enfant, les oiseaux & les Oiseleurs, Le fablier françois ou élites des meilleurs fables depuis La Fontaine, par Louis-Théodore Herissant, 1771. |
Schémas de pièges et autres moyens pour attraper les oiseaux extrait de Nouveau manuel complet d'oiseleur ou secrets anciens et modernes de la chasse aux oiseaux au moyen des pièges, par Mr J.-J. G..., amateur et Mr Conrad, amateur, 1867 |
Bouchardon, son printemps fleuri :
Edmé Bouchardon était un caractère. Il avait des aphorismes à son usage qui méritent d'être recueillis. Il donnait beaucoup aux pauvres, et comme on lui représentait qu'il donnait plus souvent qu'à son tour : « J'en ai le droit, puisque je n'ai pas de dettes. Les aumônes des dissipateurs sont des injustices, il ne faut pas voler à ses créanciers ce qu'on donne aux pauvres. » Comme a dit un de ses historiens, il ne faisait pas un devoir de la charité, mais un amour. Il n'aimait qu'un livre, l' Iliade. Il osait dire à Louis XV : « Vous êtes le maître, parce que nous sommes des écoliers ; mais, le jour où nous serons des hommes, nous nous passerons du maître. » Louis XV, qui se fût offensé d'une telle parole dite par Voltaire, riait du franc parler de son sculpteur. Bouchardon avait vu la cour de près, et la jugeait en misanthrope plutôt qu'en philosophe: « C'est une compagnie de mendiants bien nourris et bien vêtus. » Quand un grand seigneur le regardait de haut, il lui disait : « L'or seul nous met à distance, et je méprise l'or. » Si on l'invitait à souper : « Je soupe chez moi, parce que la journée qui suit les beaux soupers commence tard et n'est pas belle. »
Il avait raison. La matinée est une muse chaste qui verse la rosée féconde sur l'imagination du sculpteur.Il fut surnommé le La Fontaine des sculpteurs, non parce qu'il sculptait des fables, mais parce qu'il était distrait comme le fabuliste, « Quand on pense, disait Grimm, qu'il y a un homme de génie sous cet air bête! »
Histoire de l'art français au dix-huitième siècle, par Arsène Houssaye, 1860.
La même composition peinte en trompe-l’œil, une grisaille exposée au musée des Arts Décoratifs de Paris. |
Toujours le printemps fleuri de Bouchardon, plâtre, bas relief neuf, 37 avenue du Président Franklin Roosevelt, Rond Point Guy Flavien, Sceaux, Hauts de Seine. Il se vend encore, par exemple chez Lorenzi à Arcueil. |
Balançoires de fortune :
Le
Jeu de la Balançoire, peinture expliquée par Mr Roulez, membre de
l'académie royale de Bruxelles
Les Athéniens, d'après l'ordre de l'oracle, avaient institué la fête nommée Aiora, en l'honneur d'Erigone, fille d'Icarius, qui de désespoir s'était pendue à un arbre en voyant son père assassiné par les paysans de l'Attique. Les personnes qui prenaient part à cette fête se livraient au jeu de l'escarpolette, par allusion au genre de mort de l'infortunée orpheline dont les vents avaient balancé le corps. Nous apprenons, par un passage de Virgile, que le même jeu était en usage dans les fêtes de Bacchus ; ce qui n'étonnera pas, si l'on se rappelle que le dieu avait été l'hôte d'Icarius et l'amant d'Erigone.
Cet exercice était donc une expiation, une purification par l'air. On peut lui reconnaître ce caractère religieux sur les deux seules représentations figurées qui nous en restent. L'une qui décore un vase, aujourd'hui au musée de Berlin, montre une jeune fille, assise sur une escarpolette en mouvement ; une compagne, qui se tient derrière elle, le corps incliné et les bras tendus, s'apprête à donner un nouvel élan à la machine. A terre se trouve un calathus et un autre objet indécis, qui pourrait être un vase avec de l'eau lustrale ; dans le champ est suspendue une bandelette sacrée. Un vase appartenant à M. Rogers à Londres offre l'autre représentation de cet exercice. Une jeune fille est assise sur une simple courroie attachée lâche par les bouts ; le génie des mystères, sinon le vent personnifié, pose sur elle les deux mains pour la mettre en mouvement. Une autre femme, placée en face, se regarde avec complaisance, dans le miroir qu'elle tient en main. Aux pieds de la première saute un petit épagneul : il rappelle peut-être Méra, la chienne fidèle d'Erigone, dont les aboiements avaient découvert à sa maîtresse le cadavre d'Icarius.
Les Athéniens, d'après l'ordre de l'oracle, avaient institué la fête nommée Aiora, en l'honneur d'Erigone, fille d'Icarius, qui de désespoir s'était pendue à un arbre en voyant son père assassiné par les paysans de l'Attique. Les personnes qui prenaient part à cette fête se livraient au jeu de l'escarpolette, par allusion au genre de mort de l'infortunée orpheline dont les vents avaient balancé le corps. Nous apprenons, par un passage de Virgile, que le même jeu était en usage dans les fêtes de Bacchus ; ce qui n'étonnera pas, si l'on se rappelle que le dieu avait été l'hôte d'Icarius et l'amant d'Erigone.
Cet exercice était donc une expiation, une purification par l'air. On peut lui reconnaître ce caractère religieux sur les deux seules représentations figurées qui nous en restent. L'une qui décore un vase, aujourd'hui au musée de Berlin, montre une jeune fille, assise sur une escarpolette en mouvement ; une compagne, qui se tient derrière elle, le corps incliné et les bras tendus, s'apprête à donner un nouvel élan à la machine. A terre se trouve un calathus et un autre objet indécis, qui pourrait être un vase avec de l'eau lustrale ; dans le champ est suspendue une bandelette sacrée. Un vase appartenant à M. Rogers à Londres offre l'autre représentation de cet exercice. Une jeune fille est assise sur une simple courroie attachée lâche par les bouts ; le génie des mystères, sinon le vent personnifié, pose sur elle les deux mains pour la mettre en mouvement. Une autre femme, placée en face, se regarde avec complaisance, dans le miroir qu'elle tient en main. Aux pieds de la première saute un petit épagneul : il rappelle peut-être Méra, la chienne fidèle d'Erigone, dont les aboiements avaient découvert à sa maîtresse le cadavre d'Icarius.
Nous rencontrons sur un troisième
vase une représentation du jeu de la balançoire qui diffère des
précédentes, bien qu'elle paraisse conserver le même sens
mystique; nous n'y voyons plus ni corde ni escarpolette, mais une
pièce de bois mise en équilibre sur un pieu liché en terre. Aux
extrémités se balancent deux jeunes filles, dont celle qui est en
bas se nomme Αῥϰεδια et celle qui occupe le bout élevé en
l'air est appelée Ναπαδιυα. Au centre plane un jeune
garçon ailé, Ηος,portant une bandelette dans les deux mains, et
se dirigeant vers Napalina. Je penche à croire que c'est cette
espèce de balançoire, à laquelle les Latins, d'après les Grecs
sans doute, ont donné le nom de petaurum. On comprend
facilement qu'on lui ait appliqué une dénomination, qui, selon les
lexicographes, servait à désigner toute pièce de bois, longue, un
peu large, placée à une certaine élévation, telle que la perche
sur laquelle dormaient les oiseaux domestiques.
Commentaire dans le texte, illustration extraite du même livre. |
Sur la peinture de vase , dont j'ai l'honneur de présenter un dessin à l'académie (voy. la pl., fig. 1), la balançoire a la même forme que sur le tableau précédent, mais le jeu y est exécuté d'une manière toute différente. Les acteurs sont deux satyres barbus, d'un âge mûr, caractérisés par leur queue, par leur front chauve et par leurs oreilles pointues comme celles des chèvres. Ils sont à genoux sur la balançoire, et relèvent fortement les pieds. Afin de pouvoir conserver l'équilibre dans une position aussi difficile, ils se trouvent obligés de se tenir par les mains. Mais, alors que la machine était en mouvement, cette précaution ne les préservait probablement pas de chutes fréquentes, qui excitaient l'hilarité des assistants. J'ignore si les Grecs donnaient un nom particulier à cette manière de pratiquer l'exercice de la balançoire; il ne paraît pas en tout cas être arrivé jusqu'à nous. Ce qui me porte à croire que ce jeu, ainsi exécuté, avait principalement pour but d'amuser les spectateurs aux dépens des exécutants, c'est son rapprochement de l'ascoliasmos, autre jeu usité aussi dans les bacchanales et qui consistait à sauter, d'un pied seulement, sur une outre enflée et frottée d'huile ou de graisse. Une pierre gravée bien connue nous montre également des satyres se livrant au jeu des outres Le revers de notre vase (voy. la pl. ci-jointe, fig. 2) présente une figure drapée, que l'on pourrait regarder comme assistant à la scène du tableau opposé, si elle ne paraissait entièrement étrangère au cycle de Bacchus; je ne saurais donc y voir qu'un initié.
Le jeu de la balançoire : peinture de vase, par Joseph Emmanuel Ghislain Roulez, 1845.
Place ses États-Unis, angle avenue de Iéna, XVIe ardt, pierre, fin XIXe siècle. |
Escarpolette, s. s. Espece de siège suspendu par des cordes, sur lequel on se met pour être poussé & repoussé dans l'air, se mettre à l'escarpolette.
Branloire, balançoire, s. s. On appelle ainfi un
ais posé en travers & en équilibre sur quelque chose d'élevé &
au deux bouts duquel deux enfants sont tour à tour le contre-poids pour se balancer.
Icarius, fils d'Œbale , père d'Erigone, vivait à Athènes du temps de Pandion. Bacchus, pour le récompenser de l'hospitalité qu'il avait reçue chez lui , lui apprit l'art de planter la vigne et de faire le vin. Icarius en ayant fait boire a quelques bergers de l'Attique, ceux-ci s'enivrèrent, et, se croyant empoisonnés, se jetèrent sur lui et le tuèrent. Bacchus vengea cette mort par une fureur qui tourmenta les femmes de l'Attique, jusqu'à ce que l'oracle eût ordonné des fêtes expiatoires. Icarius fut mis au rang des dieux ; on lui offrit en sacrifice du vin et des raisins. Dans la suite, Jupiter le plaça parmi les astres, où il forma la constellation du Bootès.
Erigone se pendit a un arbre lorsqu'elle fut instruite de la mort
de son père, que Méra, chienne d'Icare, lui apprit en allant aboyer
continuellement sur le tombeau de son maître. Cette Erigone
fut aimée de Bacchus, qui, pour la séduire, se transforma en grappe
de raisin. Les Poètes ont feint qu'elle fut métamorphosée en cette
constellation qu'on appelle la Vierge. Voici quel fut le sujet de la
mort d'Icare, père d'Erigone : ayant fait boire du vin à des
paysans qui ne connoissoient pas cette liqueur, il les enivra ; et
d'autres paysans les croyant empoisonnés, tuèrent Icare. Aussitôt
les femmes de ces paysans furent transportées d'une fureur qui dura
jusqu'à ce que l'Oracle eût ordonné des fêtes en l'honneur
d'Icare. De la vinrent les jeux Icariens, qui consistoient à se
balancer sur une corde attachée à deux arbres, ce que nous
appelons l'escarpolette (Apparemment en mémoire de la mort funeste
d'Erigone, qui avec une corde, se pendit à un arbre,). Méra,
chienne d'Icare qui découvrit son tombeau, fut métamorphosée en la
constellation qu'on nomme la Canicule, et Icare en astre qu'on croit
être Bootés ou le Bouvier. Il y eut un autre Icare, fils de Dédale.
Le père de Pénélope se nommoit aussi Icare.
Pierre Joseph Michel est le frère de Clodion, (Claude Michel), il produisait aussi des bacchanales d'enfants! On retrouve des putti, un Génie ou Amour ailé et un jeune faune, la collection est complète. Photo de la Tribune de l'Art. |
Prochain billet sur ce sujet : Bacchanales d'enfants 4 : Jeux et Saisons 2.
Очень интиресно
RépondreSupprimerJ'ai trouvé la traduction : " Très intéressant".
SupprimerDonc merci à vous de cette appréciation.
AF