Les mères de famille au square, bas-relief de Louis Sajous, 1933. Beffroi de Montrouge, Hauts de Seine. |
Où nous retrouvons les nombreuses décorations évoquant la famille qui individualisent les immeubles et les bâtiments publics des années 1860 à 1940. Autour de ces bas-reliefs parisiens où le thème de l'enfance est souvent présent, nous découvrons les règles de bienséance de la demande en mariage chez les " Gens du Monde ", puis l'attirance de la ville pour la population rurale qui cherche à améliorer son sort en "montant à Paris ". Une bonne partie d'entre eux viennent grossir les rangs de la pauvreté, aussi les mouvements philanthropiques à l’œuvre dès Louis Philippe, ont l'idée de créer des crèches, des dispensaires, les colonies de vacance... La santé, l'exercice physique, l'hygiène triomphent dans les années 1930. Pour finir nous dénichons quelques nouveaux décors où les oiseaux représentent la famille, avec une palette de nuances entre la cigogne, le coq et la poule, le moineau, selon le choix des constructeurs.
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" Le Mariage " gravure de Henry Somm, 1876, © Gallica |
Tout doit commencer par le mariage, l'enfant devant naitre au sein d'un ménage régulier, surtout parmi les Gens du monde (tout au moins en théorie). Et dans ces recommandations écrites en 1867 les concernant, on voit qu'il ne s'agit pas d'une question purement sentimentale.
CHAPITRE
PREMIER
DEMANDE EN MARIAGE
PRÉSENTATION — VISITES
DEMANDE EN MARIAGE
La demande en mariage est une des démarches les plus délicates de la vie ; et le jeune homme qui désire se marier doit s’attacher, avec le plus grand soin, à ne commettre aucune de ces erreurs, dont la moindre peut quelquefois empêcher le bonheur de toute sa vie.
Si vous avez rencontré dans le monde une jeune personne qui vous plaise et que vous désiriez épouser, vous devez charger des amis communs de s’adresser à la famille de cette jeune fille, pour savoir si votre demande sera agréée.
Il est absolument contraire aux usages de faire soi-même cette démarche. Si les amis que vous avez chargés de cette demande vous apportent un refus, vous devez au moins pendant quelque temps rester, à l’égard de la jeune fille, sur le pied que vous occupiez avant cette démarche.
Toute allusion au refus encouru serait, on le comprend, du plus mauvais goût.
Si l’on ne connaît personne qui soit en rapport avec la famille de la jeune fille, on peut s’adresser au curé de sa paroisse, si cette famille est catholique, ou au pasteur si elle est protestante, ou encore au rabbin, si elle est israélite, et le prier de vouloir bien se charger de cette démarche. Souvent encore on confie cette mission au notaire de la famille.
Mais, soit que l’on s’adresse au notaire, au pasteur, au curé ou au rabbin, il est indispensable de se faire d’abord recommander à eux par quelque personne respectable et dont le témoignage soit indiscutable.
Si la réponse de la famille est favorable, vous demandez alors à lui être présenté.
PRÉSENTATION
Cette présentation a lieu ordinairement sans que la jeune fille soit présente.
C’est habituellement dans cette première visite que doivent se traiter les affaires d’intérêts.
Le père ou le tuteur de la jeune fille questionnent le jeune homme sur sa position, sa fortune, ses occupations, etc.
Ces détails ayant déjà été communiqués aux parents de la jeune fille par le mandataire que le jeune homme a choisi, le père ou le tuteur déclarent ses réponses satisfaisantes, et font connaître le chiffre de la dot de la jeune fille, ses espérances, etc.
Puis ils invitent le jeune homme à revenir, en fixant l’heure et le jour de sa prochaine visite.
Au cas où les parents de la jeune fille ne trouvent pas satisfaisantes les réponses du jeune homme, ils ne font pas connaître le chiffre de la dot, et demandent quelque temps pour réfléchir.
Le jeune homme ne doit pas insister, ni par lui-même, ni par des amis : il doit attendre qu’on le rappelle, si les réflexions lui ont été plus favorables.
Si au contraire sa demande est agréée immédiatement, il doit venir fort exactement faire sa visite à l’heure qui lui a été fixée.
Une toilette trop cérémonieuse est de mauvais goût, une toilette trop négligée décèlerait un manque absolu de savoir-vivre.
VISITES
La famille de la jeune fille a dû choisir, pour cette entrevue, un jour et une heure où la visite d’aucun étranger n’est attendue. La jeune fille est au milieu de ses parents : sa toilette est simple, mais très-soignée.
La jeune fille doit avoir été prévenue de la demande du jeune homme, mais aucune allusion ne doit être faite à ce sujet pendant cette première entrevue.
Si cette première entrevue paraît satisfaisante au jeune homme, il doit faire adresser une demande par sa famille à celle de la jeune fille, pour être admis dans la maison à titre de prétendu.
Cette démarche est faite par le père du jeune homme, ou à son défaut par sa mère, un proche parent, ou même un ami.
Dès que l’agrément des parents de la jeune fille a été obtenu, le jeune homme va immédiatement faire, à la famille de sa prétendue, une visite de remerciement ; mais il écrit d’abord pour demander l’heure à laquelle il peut être reçu.
La jeune fille ne doit pas se trouver avec sa famille au moment de l’arrivée du jeune homme ; on la fait appeler après l’échange des paroles de remerciement et d’acceptation.
On lui présente alors le jeune homme comme son futur mari.
Mais cette présentation est une chose de forme seulement ; car la jeune fille doit être préalablement prévenue, afin d’éviter, soit la surprise, soit le mécontentement, soit le chagrin.
A dater de ce moment, le jeune homme est reçu intimement, mais non familièrement dans la maison. Cette distinction est délicate, nous allons l’expliquer. Ce serait, par exemple, manquer absolument de savoir-vivre que de ne pas se présenter toujours dans une toilette soignée. La jeune fille ne peut, de son côté, recevoir son prétendu en négligé.
Les prétendus ne doivent pas s’appeler simplement par leur nom de baptême ; ils doivent toujours ajouter à ce nom, monsieur, mademoiselle, soit qu’ils s’adressent l’un à l’autre, soit qu’ils parlent à des tiers.
Si, après avoir été admis dans une maison comme prétendu, des raisons graves vous donnent le désir de vous retirer, vous devez apporter dans cette rupture les plus grands ménagements.
Le plus ordinairement, on prétexte soit une maladie, soit un voyage qui vous obligent à suspendre vos visites ; puis on écrit directement au père ou au tuteur de la jeune fille une lettre respectueuse dans laquelle on exprime tous ses regrets d’être forcé de se retirer par des raisons qui tiennent à des affaires de famille impossibles à expliquer, etc.
A dater de ce jour, on doit cesser d’aller dans toute maison où l’on est exposé à rencontrer soit la famille, soit la jeune fille qu’on a été obligé de refuser.
Si, à la première visite que le jeune homme a faite à la famille de la jeune fille, les conditions, soit comme dot, soit comme espérances futures de la jeune fille n’ont pas satisfait le jeune homme, il doit le lendemain écrire à la famille, non une lettre de refus, mais une lettre où il annonce un petit voyage, le privant du plaisir de faire la visite à laquelle il avait été autorisé, etc.
Une fois admis dans la maison comme prétendu, le jeune homme doit y venir très-souvent ; mais toujours en cérémonie, et, chaque jour de sa visite, il doit se faire annoncer par un bouquet qu’il envoie à sa fiancée.
Si c’est une demoiselle d’un âge mûr ou une veuve qu’on désire épouser, c’est-à-dire une femme n’ayant plus sa famille, et par conséquent maîtresse de sa main, ce n’est pas à elle qu’on doit s’adresser pour connaître ses intentions ; c’est à son notaire, ou à une de ses amies intimes ; on s’abstient de toute visite chez elle jusqu’à ce que réponse vous soit rendue.
Si votre demande est acceptée, vous envoyez aussitôt un bouquet, avec un billet pour demander à quelle heure vous pouvez être reçu.
En cas de refus, il faut continuer à rendre des visites ; mais seulement on les fait de loin en loin, et on ne se présente qu’aux heures où on est assuré de rencontrer d’autres visiteurs. Enfin, si on a le désir de rompre toutes relations, on le fait peu à peu et avec ménagement.
Il est du plus mauvais goût de parler à une femme de son refus, soit franchement, soit par voie détournée.
Il est bien entendu qu’on ne doit jamais discuter d’affaires d’intérêt avec sa prétendue, on charge de ce soin un notaire ou un ami commun.
Un mariage doit se garder secret jusqu’au moment où le contrat est parfaitement arrêté, et c’est seulement quelques jours avant sa signature, qu’on l’annonce officiellement à ses amis.
Dès qu’un mariage est officiellement annoncé, une jeune fille ne doit plus se montrer en public, c’est-à-dire dans le monde ou au théâtre ; de plus, le père et la mère de la jeune fille ferment leur maison, c’est-à-dire qu’ils ne reçoivent plus que les membres de leur famille, ceux de la famille du jeune homme et leurs amis les plus intimes
CHAPITRE VIII
MARIAGE DES VEUFS & DES DEMOISELLES MAJEURES
DÉLAIS LÉGAUX — DEUIL — ÉTIQUETTE LETTRES DE FAIRE PART — VISITES — INVITATIONS — RÉUNIONS — TOILETTE DÉLAIS LÉGAUX D’après la loi, une veuve ne peut pas se marier avant dix mois révolus depuis la mort de son premier mari.
Un veuf peut se remarier aussitôt après la mort de sa femme, la loi ne prescrivant pour lui aucun délai.
DEUIL
Mais, suivant les usages de la bonne compagnie, une veuve doit attendre deux ans, c’est-à-dire que son deuil soit terminé avant de se remarier ; et un veuf doit attendre six mois au moins.
ÉTIQUETTE
Il est contraire aux usages de convier du monde au mariage d’une veuve.
Si c’est un veuf qui épouse une jeune fille, l’étiquette est la même que pour les autres mariages.
Une veuve doit se marier le matin, de bonne heure, sans aucune pompe, avec ses témoins et ceux de son futur mari.
Sa toilette doit être simple, d’une couleur peu voyante ; cependant une robe noire serait de mauvais goût.
En sortant de la messe de mariage, la nouvelle mariée donne chez elle un déjeuner aux témoins qui l’ont accompagnée ; mais aucune autre personne ne doit être conviée à ce déjeuner.
LETTRES DE FAIRE PART
On envoie des lettres de faire part dans la quinzaine qui suit le mariage, en y joignant des cartes portant la nouvelle adresse des époux..
VISITES
Une veuve qui se remarie ne fait pas de visites de noces.
Ce sont les personnes qui ont reçu les lettres de faire part et les cartes qui doivent en faire aux nouveaux mariés
Si les personnes qui ont reçu ces cartes et ces lettres de faire part ne veulent pas établir de relations avec les nouveaux mariés, elles se contentent d’envoyer leur carte.
On a un mois pour ces visites et ces envois de cartes.
Quand une demoiselle se marie après avoir passé l’âge où on se marie ordinairement, le mariage doit se faire très-simplement pour ne pas entraîner le ridicule.
La messe de mariage a lieu de bonne heure sans aucune pompe, à un autel qui ne soit ni le maître-autel, ni celui de la Vierge.
Cette dernière observation s’applique aussi au mariage des veuves.
INVITATIONS
On ne convie personne à la messe de mariage d’une demoiselle âgée de plus de trente ans, si ce n’est les deux familles, et encore cette invitation ne doit pas se faire par des lettres imprimées, mais verbalement ou par écrit.
RÉUNIONS
Il ne doit y avoir ce jour-là ni bal, ni réunion, ni fête.
Si la mariée tenait pourtant à réunir ses amis, elle peut le faire le jour du mariage à la mairie, qui doit avoir lieu un ou deux jours avant le mariage à l’église.
TOILETTES
La toilette de la mariée doit être blanche ou bleue, si elle a gardé encore un peu de jeunesse ; dans le cas contraire, elle peut choisir la couleur qui lui plaît, à l’exception du noir.
Une demoiselle qui n’est plus jeune ne met pas le voile. Elle porte un chapeau blanc où elle doit faire mettre quelques boutons de fleur d’oranger mélangés avec d’autres fleurs.
Les lettres de faire part s’envoient ensuite comme pour les autres mariages.
Si la demoiselle qui vient de se marier n’a plus ni son père ni sa mère, ni son grand-père ni sa grand-mère, c’est en son nom propre qu’elle fait part de son mariage. Elle doit faire des visites de noces comme toute jeune mariée aux personnes de sa connaissance.
A la messe de mariage d’une veuve et d’une demoiselle sur le retour, le poêle est tenu par deux témoins.
Une veuve et une demoiselle sur le retour entrent à l’église en donnant le bras à leur futur mari ; et les mariés se rendent ensemble à la sacristie avec leurs témoins pour signer leur acte de mariage
Code du Cérémonial, Guide des Gens du Monde dans toutes les circonstances de la vie, par Mme la Comtesse de Bassanville, 1867.
DEMANDE EN MARIAGE
PRÉSENTATION — VISITES
DEMANDE EN MARIAGE
La demande en mariage est une des démarches les plus délicates de la vie ; et le jeune homme qui désire se marier doit s’attacher, avec le plus grand soin, à ne commettre aucune de ces erreurs, dont la moindre peut quelquefois empêcher le bonheur de toute sa vie.
Si vous avez rencontré dans le monde une jeune personne qui vous plaise et que vous désiriez épouser, vous devez charger des amis communs de s’adresser à la famille de cette jeune fille, pour savoir si votre demande sera agréée.
Il est absolument contraire aux usages de faire soi-même cette démarche. Si les amis que vous avez chargés de cette demande vous apportent un refus, vous devez au moins pendant quelque temps rester, à l’égard de la jeune fille, sur le pied que vous occupiez avant cette démarche.
Toute allusion au refus encouru serait, on le comprend, du plus mauvais goût.
Si l’on ne connaît personne qui soit en rapport avec la famille de la jeune fille, on peut s’adresser au curé de sa paroisse, si cette famille est catholique, ou au pasteur si elle est protestante, ou encore au rabbin, si elle est israélite, et le prier de vouloir bien se charger de cette démarche. Souvent encore on confie cette mission au notaire de la famille.
Mais, soit que l’on s’adresse au notaire, au pasteur, au curé ou au rabbin, il est indispensable de se faire d’abord recommander à eux par quelque personne respectable et dont le témoignage soit indiscutable.
Si la réponse de la famille est favorable, vous demandez alors à lui être présenté.
3 rue Louis Boilly, XVIe ardt, 1912 |
PRÉSENTATION
Cette présentation a lieu ordinairement sans que la jeune fille soit présente.
C’est habituellement dans cette première visite que doivent se traiter les affaires d’intérêts.
Le père ou le tuteur de la jeune fille questionnent le jeune homme sur sa position, sa fortune, ses occupations, etc.
Ces détails ayant déjà été communiqués aux parents de la jeune fille par le mandataire que le jeune homme a choisi, le père ou le tuteur déclarent ses réponses satisfaisantes, et font connaître le chiffre de la dot de la jeune fille, ses espérances, etc.
Puis ils invitent le jeune homme à revenir, en fixant l’heure et le jour de sa prochaine visite.
Au cas où les parents de la jeune fille ne trouvent pas satisfaisantes les réponses du jeune homme, ils ne font pas connaître le chiffre de la dot, et demandent quelque temps pour réfléchir.
Le jeune homme ne doit pas insister, ni par lui-même, ni par des amis : il doit attendre qu’on le rappelle, si les réflexions lui ont été plus favorables.
Si au contraire sa demande est agréée immédiatement, il doit venir fort exactement faire sa visite à l’heure qui lui a été fixée.
Une toilette trop cérémonieuse est de mauvais goût, une toilette trop négligée décèlerait un manque absolu de savoir-vivre.
Ces enfants semblent déjà faire partie de la bonne société au 23 rue Brunel, XVIIe ardt, 1903, Paul Roussel sculpteur. |
VISITES
La famille de la jeune fille a dû choisir, pour cette entrevue, un jour et une heure où la visite d’aucun étranger n’est attendue. La jeune fille est au milieu de ses parents : sa toilette est simple, mais très-soignée.
La jeune fille doit avoir été prévenue de la demande du jeune homme, mais aucune allusion ne doit être faite à ce sujet pendant cette première entrevue.
Si cette première entrevue paraît satisfaisante au jeune homme, il doit faire adresser une demande par sa famille à celle de la jeune fille, pour être admis dans la maison à titre de prétendu.
Cette démarche est faite par le père du jeune homme, ou à son défaut par sa mère, un proche parent, ou même un ami.
Dès que l’agrément des parents de la jeune fille a été obtenu, le jeune homme va immédiatement faire, à la famille de sa prétendue, une visite de remerciement ; mais il écrit d’abord pour demander l’heure à laquelle il peut être reçu.
La jeune fille ne doit pas se trouver avec sa famille au moment de l’arrivée du jeune homme ; on la fait appeler après l’échange des paroles de remerciement et d’acceptation.
On lui présente alors le jeune homme comme son futur mari.
Mais cette présentation est une chose de forme seulement ; car la jeune fille doit être préalablement prévenue, afin d’éviter, soit la surprise, soit le mécontentement, soit le chagrin.
Mon enfance : album à colorier par Henriette Delalain, 1928. © Gallica. |
A dater de ce moment, le jeune homme est reçu intimement, mais non familièrement dans la maison. Cette distinction est délicate, nous allons l’expliquer. Ce serait, par exemple, manquer absolument de savoir-vivre que de ne pas se présenter toujours dans une toilette soignée. La jeune fille ne peut, de son côté, recevoir son prétendu en négligé.
Les prétendus ne doivent pas s’appeler simplement par leur nom de baptême ; ils doivent toujours ajouter à ce nom, monsieur, mademoiselle, soit qu’ils s’adressent l’un à l’autre, soit qu’ils parlent à des tiers.
Si, après avoir été admis dans une maison comme prétendu, des raisons graves vous donnent le désir de vous retirer, vous devez apporter dans cette rupture les plus grands ménagements.
Le plus ordinairement, on prétexte soit une maladie, soit un voyage qui vous obligent à suspendre vos visites ; puis on écrit directement au père ou au tuteur de la jeune fille une lettre respectueuse dans laquelle on exprime tous ses regrets d’être forcé de se retirer par des raisons qui tiennent à des affaires de famille impossibles à expliquer, etc.
A dater de ce jour, on doit cesser d’aller dans toute maison où l’on est exposé à rencontrer soit la famille, soit la jeune fille qu’on a été obligé de refuser.
Si, à la première visite que le jeune homme a faite à la famille de la jeune fille, les conditions, soit comme dot, soit comme espérances futures de la jeune fille n’ont pas satisfait le jeune homme, il doit le lendemain écrire à la famille, non une lettre de refus, mais une lettre où il annonce un petit voyage, le privant du plaisir de faire la visite à laquelle il avait été autorisé, etc.
Une fois admis dans la maison comme prétendu, le jeune homme doit y venir très-souvent ; mais toujours en cérémonie, et, chaque jour de sa visite, il doit se faire annoncer par un bouquet qu’il envoie à sa fiancée.
Si c’est une demoiselle d’un âge mûr ou une veuve qu’on désire épouser, c’est-à-dire une femme n’ayant plus sa famille, et par conséquent maîtresse de sa main, ce n’est pas à elle qu’on doit s’adresser pour connaître ses intentions ; c’est à son notaire, ou à une de ses amies intimes ; on s’abstient de toute visite chez elle jusqu’à ce que réponse vous soit rendue.
Si votre demande est acceptée, vous envoyez aussitôt un bouquet, avec un billet pour demander à quelle heure vous pouvez être reçu.
En cas de refus, il faut continuer à rendre des visites ; mais seulement on les fait de loin en loin, et on ne se présente qu’aux heures où on est assuré de rencontrer d’autres visiteurs. Enfin, si on a le désir de rompre toutes relations, on le fait peu à peu et avec ménagement.
Il est du plus mauvais goût de parler à une femme de son refus, soit franchement, soit par voie détournée.
Il est bien entendu qu’on ne doit jamais discuter d’affaires d’intérêt avec sa prétendue, on charge de ce soin un notaire ou un ami commun.
Un mariage doit se garder secret jusqu’au moment où le contrat est parfaitement arrêté, et c’est seulement quelques jours avant sa signature, qu’on l’annonce officiellement à ses amis.
Dès qu’un mariage est officiellement annoncé, une jeune fille ne doit plus se montrer en public, c’est-à-dire dans le monde ou au théâtre ; de plus, le père et la mère de la jeune fille ferment leur maison, c’est-à-dire qu’ils ne reçoivent plus que les membres de leur famille, ceux de la famille du jeune homme et leurs amis les plus intimes
Un couple qui parait bien fatigué, au 3 rue Bizerte, XVIIe ardt, par Marthe Baumel-Schwenck 1935 |
CHAPITRE VIII
MARIAGE DES VEUFS & DES DEMOISELLES MAJEURES
DÉLAIS LÉGAUX — DEUIL — ÉTIQUETTE LETTRES DE FAIRE PART — VISITES — INVITATIONS — RÉUNIONS — TOILETTE DÉLAIS LÉGAUX D’après la loi, une veuve ne peut pas se marier avant dix mois révolus depuis la mort de son premier mari.
Un veuf peut se remarier aussitôt après la mort de sa femme, la loi ne prescrivant pour lui aucun délai.
DEUIL
Mais, suivant les usages de la bonne compagnie, une veuve doit attendre deux ans, c’est-à-dire que son deuil soit terminé avant de se remarier ; et un veuf doit attendre six mois au moins.
ÉTIQUETTE
Il est contraire aux usages de convier du monde au mariage d’une veuve.
Si c’est un veuf qui épouse une jeune fille, l’étiquette est la même que pour les autres mariages.
Une veuve doit se marier le matin, de bonne heure, sans aucune pompe, avec ses témoins et ceux de son futur mari.
Sa toilette doit être simple, d’une couleur peu voyante ; cependant une robe noire serait de mauvais goût.
En sortant de la messe de mariage, la nouvelle mariée donne chez elle un déjeuner aux témoins qui l’ont accompagnée ; mais aucune autre personne ne doit être conviée à ce déjeuner.
LETTRES DE FAIRE PART
On envoie des lettres de faire part dans la quinzaine qui suit le mariage, en y joignant des cartes portant la nouvelle adresse des époux..
VISITES
Une veuve qui se remarie ne fait pas de visites de noces.
Ce sont les personnes qui ont reçu les lettres de faire part et les cartes qui doivent en faire aux nouveaux mariés
Si les personnes qui ont reçu ces cartes et ces lettres de faire part ne veulent pas établir de relations avec les nouveaux mariés, elles se contentent d’envoyer leur carte.
On a un mois pour ces visites et ces envois de cartes.
Quand une demoiselle se marie après avoir passé l’âge où on se marie ordinairement, le mariage doit se faire très-simplement pour ne pas entraîner le ridicule.
La messe de mariage a lieu de bonne heure sans aucune pompe, à un autel qui ne soit ni le maître-autel, ni celui de la Vierge.
Cette dernière observation s’applique aussi au mariage des veuves.
INVITATIONS
On ne convie personne à la messe de mariage d’une demoiselle âgée de plus de trente ans, si ce n’est les deux familles, et encore cette invitation ne doit pas se faire par des lettres imprimées, mais verbalement ou par écrit.
RÉUNIONS
Il ne doit y avoir ce jour-là ni bal, ni réunion, ni fête.
Si la mariée tenait pourtant à réunir ses amis, elle peut le faire le jour du mariage à la mairie, qui doit avoir lieu un ou deux jours avant le mariage à l’église.
" Aux Buttes Chaumont " affiche signée Jules Chéret, 1888, lithographie. en couleur, 176 x 123 cm. © Gallica |
TOILETTES
La toilette de la mariée doit être blanche ou bleue, si elle a gardé encore un peu de jeunesse ; dans le cas contraire, elle peut choisir la couleur qui lui plaît, à l’exception du noir.
Une demoiselle qui n’est plus jeune ne met pas le voile. Elle porte un chapeau blanc où elle doit faire mettre quelques boutons de fleur d’oranger mélangés avec d’autres fleurs.
Les lettres de faire part s’envoient ensuite comme pour les autres mariages.
Si la demoiselle qui vient de se marier n’a plus ni son père ni sa mère, ni son grand-père ni sa grand-mère, c’est en son nom propre qu’elle fait part de son mariage. Elle doit faire des visites de noces comme toute jeune mariée aux personnes de sa connaissance.
A la messe de mariage d’une veuve et d’une demoiselle sur le retour, le poêle est tenu par deux témoins.
Une veuve et une demoiselle sur le retour entrent à l’église en donnant le bras à leur futur mari ; et les mariés se rendent ensemble à la sacristie avec leurs témoins pour signer leur acte de mariage
Code du Cérémonial, Guide des Gens du Monde dans toutes les circonstances de la vie, par Mme la Comtesse de Bassanville, 1867.
Un père " de bonne famille " aux prises avec ses enfants. La dinette, illustration de Émile Bayard, pour Le livre de Maman, par Julie Gouraud, 1876. © Gallica |
Au même moment où les " Gens du Monde " se doivent de suivre une étiquette stricte " dans toutes les circonstances de la vie ", le docteur Monot dénonce " Un mal profond (qui) exerce ses ravages dans le Morvan." :
Un mal profond exerce ses ravages dans
le Morvan. Pratiquant la médecine dans cette contrée, j'ai depuis
dix ans suivi sa marche, ses progrès, je me suis scrupuleusement
attaché à ses pas.
Maire d'une commune du canton de Montsauche, chargé du service des Enfants assistés du département de la Seine placés dans ce canton, et médecin cantonal, j'ai réuni un très-grand nombre de faits authentiques relatifs à l'influence fâcheuse de l'émigration des nourrices à Paris, au triple point de vue de la mortalité des petits enfants, de la morale et de l'agriculture.
(…)
Tout le monde sait de quelle renommée jouissent à Paris, où elles sont connues sous les noms de nourrices Bourguignonnes ou Bourguignottes, les nourrices du Morvan.
Il y a quarante ans, c'est à peine si, chaque année, deux ou trois nourrices par commune du Morvan se rendaient à Paris pour y nourrir sur lieu, et encore ces nourrices se recrutaient-elles dans les familles les plus nécessiteuses.
A cette époque, les dames riches seulement, ou bien celles que la maladie ou la faiblesse mettaient dans l'impossibilité d'allaiter elles-mêmes leurs enfants, prenaient chez elles des nourrices.
Il n'en est plus de même aujourd'hui : presque toutes les familles qui jouissent de quelque aisance, veulent avoir dans leur propre maison une nourrice. Aussi l'industrie de nourrice sur lieu a pris depuis quelques années une extension incroyable, c'est le commerce le plus important du Morvan.
Toutes les femmes, même les plus aisées de ce pays, spéculent sur leur lait qu'elles vont vendre à Paris, après avoir quitté leur mari, leurs enfants, leur famille. - Il y a deux ans, une jeune femme vint me demander une lettre de recommandation destinée à faciliter son placement comme nourrice sur lieu. Je lui objectai que, ne la connaissant point, j'étais obligé de la lui refuser. « Quoi, s'écria-t-elle, mais ne voyez-vous point que je suis Madame R., votre voisine. » Un examen plus attentif et l'indication qui venait de m'être fournie me la firent bientôt reconnaître. Cette personne, femme d'un des principaux commerçants de la localité, qui ordinairement avait une mise élégante et même recherchée, s'était travestie en paysanne afin de pouvoir se placer comme nourrice. « Les dames de Paris, disait-elle, ne voudraient point de moi, si je portais crinoline et bonnets à rubans. »
C'est un métier si commode! La femme tombe, en effet, quelquefois de la plus affreuse indigence dans une vie de délices. Bien vêtue, bien nourrie, on lui passe tous ses caprices ; elle a à sa disposition tous les serviteurs de la maison et, pour gagner ses bonnes grâces, la mère se fait souvent la domestique de la nourrice.
Quant au mari, il n'aura plus qu'à se croiser les bras, à vivre des rentes que lui gagnera sa femme. Son sommeil ne sera plus troublé par les cris importuns de ses enfants qu'il fera élever par quelques voisins ou par ses parents, moyennant une légère rétribution. Il ne travaillera plus, sa femme lui gagnera assez d'écus pour lui permettre de passer son temps au cabaret; pourquoi donc se priverait-il, pendant que son épouse est gorgée de bon pain, des viandes les plus succulentes, pendant qu'elle repose dans un bon lit bien moelleux.
(…)
Comme on peut s'en convaincre, celles que la vue de leur enfant leur souriant et leur tendant leurs petits bras, a pu attendrir, celles qui ont conservé des entrailles de mère, forment exception, car, disons-le dés maintenant, le départ de la mère pour Paris est souvent l'arrêt de mort de l'enfant.
J'ai déjà indiqué les causes principales de cette émigration, appât du gain, amour du luxe, de l'oisiveté, brillante métamorphose et récits merveilleux des voisines qui reviennent de Paris, et, il faut le dire, ces récits ont une puissance d'attraction inimaginable. Il y a quelques mois, je fus requis à l'effet de constater la mort par pendaison d'une jeune femme accouchée récemment. Une cause inconnue lui avait fait perdre son lait : le chagrin qu'elle ressentit de ne pouvoir aller à Paris fut assez puissant pour la déterminer à se suicider.
Il est bien d'autres causes qui déterminent cette émigration, et parmi elles une des plus puissantes est l'amour-propre. -Un homme auquel j'exprimais tout mon étonnement à l'occasion du départ de sa femme pour Paris, en considération de sa position aisée et surtout des travaux que nécessitait son exploitation agricole, me répondit qu'il n'avait consenti au départ de sa femme que pour faire comme tout le monde et pour éviter les quolibets de ses voisins qui auraient taxé son refus de jalousie, ou qui auraient supposé quelque maladie cachée à sa femme.
Souvent il arrive que la femme, méprisant les observations du mari, part contre sa volonté. Elle trouve à se placer, et au moment où la famille parisienne compte le plus sur elle, et où l'allaitement ne peut être cessé ou changé sans porter gravement atteinte à la santé du nourrisson, le mari arrive, l'emmène de vive force, ou bien impose à la famille des exigences d'argent. Je ferai observer toutefois que ce qui peut être une vérité n'est souvent qu'une ruse imaginée par le mari et sa femme.
Il arrive quelquefois aussi que le mari, abusant de son autorité, arrache une mère aux caresses de ses enfants, la force à les quitter pour vendre ses services. - Il y a peu de temps, je fus témoin d'une scène navrante : Un mari, après avoir épuisé auprès de sa femme qui ne voulait point se séparer de son enfant, tous les arguments possibles pour la déterminer à nourrir à Paris, eut l'outrageante audace de lui rappeler qu'il avait apporté cinq bons mille francs en mariage, quand elle-même n'avait pour toute fortune que sa jeunesse et ses beaux yeux, et qu'il comptait bien sur ces avantages pour lui faire gagner sa dot, ainsi que leurs parents en avaient fait l'observation en réglant les conditions du mariage. Cet argument ne comportait point réplique, il fallait s'exécuter, partir, abandonner son pauvre petit enfant ou subir les brutalités de son mari. Les scènes de ce genre sont fréquentes dans le Morvan
(…)
Je rencontrai un jour une femme partant pour Paris ; son enfant avait cinq semaines, il faisait froid, la neige couvrait la terre : « Vous allez nourrir à Paris, lui dis-je, la rigueur de la saison, le sevrage prématuré vont tuer votre enfant, soyez-en convaincue.- Je ne dis pas non, me répondit-elle, mais j'enverrai un ange au ciel. »
Je m'éloignai l'âme navrée ; mes prévisions étaient fondées, quelques jours après le petit enfant succombait.
A quelle époque cependant doit-on cesser l’allaitement ? la nature elle-même a soin de nous indiquer ce terme. C'est à l'époque où les premières dents sont sorties, et permettent à l'enfant de diviser les aliments, et encore faut-il que le sevrage ne soit point fait subitement; il faut ménager avec le plus grand soin la transition entre l'allaitement et le nouveau régime, sous peine de provoquer chez l'enfant les crises les plus fâcheuses.
Examinons maintenant ce qui se passe dans notre Morvan. Comme je viens de le dire, aussitôt qu'une femme se sent suffisamment rétablie de ses couches, elle part pour la ville à l'effet d'y vendre ses services. Sans avoir égard à la saison, sans se préoccuper de la faiblesse de son jeune enfant, de sa constitution plus ou moins délicate, elle lui fait faire le voyage de Paris.
Elle va ensuite se placer dans un de ces établissements connus sous le nom de bureau de nourrices, établissements destinés à mettre en rapport les familles qui désirent faire allaiter leurs enfants et les nourrices qui veulent vendre leur lait, car le bureau est un vrai marché où la mère et l'enfant sont soumis à un examen que je ne puis mieux comparer qu'à celui qui se fait pour la vente des esclaves, dans les pays où cet infâme trafic est encore en honneur. Malheureusement cet examen ne porte le plus souvent que sur les qualités physiques et apparentes; des qualités morales, on s'en inquiète peu.
Malgré toutes les précautions dont les familles parisiennes semblent cependant s'entourer avant de louer une nourrice, qu'elles sachent bien qu'elles sont souvent dupes d'infâmes supercheries.
L'enfant que la nourrice présente comme échantillon de la qualité de son lait, est toujours frais et dodu. Ne croyez pas que celle qui aurait un enfant maladif vous le présenterait. Elle trouve moyen de s'en procurer un qui sera irréprochable ; une voisine obligeante lui prêtera le sien moyennant salaire. Il arrive souvent que le même enfant fait le voyage de Paris deux et même trois fois, si la mort n'est venue couper court à ses pérégrinations. — Le prix de la location varie entre 30 et 40 francs; et n'allez point croire que ce fait qui paraît incroyable, et que je signale, soit de pure invention.- Il y a quelques années, une femme loua son enfant à une voisine, moyennant 30 francs ; il arriva que l'emprunteuse n'ayant pu trouver à se placer, fut obligée de revenir. Elle refusa alors de payer le prix convenu, et voulut faire subir une réduction de 40 francs ; de là procès et assignation devant la justice de paix du canton de Château-Chinon
De l'industrie des nourrices et de la mortalité des petits enfants, par le docteur Monot, de Montsauche, Nièvre, 1867.
Maire d'une commune du canton de Montsauche, chargé du service des Enfants assistés du département de la Seine placés dans ce canton, et médecin cantonal, j'ai réuni un très-grand nombre de faits authentiques relatifs à l'influence fâcheuse de l'émigration des nourrices à Paris, au triple point de vue de la mortalité des petits enfants, de la morale et de l'agriculture.
(…)
" Louise Cattel, Nourrice " par Alfred Roll, 1894, musée des Beaux-Arts de Lille. |
Tout le monde sait de quelle renommée jouissent à Paris, où elles sont connues sous les noms de nourrices Bourguignonnes ou Bourguignottes, les nourrices du Morvan.
Il y a quarante ans, c'est à peine si, chaque année, deux ou trois nourrices par commune du Morvan se rendaient à Paris pour y nourrir sur lieu, et encore ces nourrices se recrutaient-elles dans les familles les plus nécessiteuses.
A cette époque, les dames riches seulement, ou bien celles que la maladie ou la faiblesse mettaient dans l'impossibilité d'allaiter elles-mêmes leurs enfants, prenaient chez elles des nourrices.
Il n'en est plus de même aujourd'hui : presque toutes les familles qui jouissent de quelque aisance, veulent avoir dans leur propre maison une nourrice. Aussi l'industrie de nourrice sur lieu a pris depuis quelques années une extension incroyable, c'est le commerce le plus important du Morvan.
Toutes les femmes, même les plus aisées de ce pays, spéculent sur leur lait qu'elles vont vendre à Paris, après avoir quitté leur mari, leurs enfants, leur famille. - Il y a deux ans, une jeune femme vint me demander une lettre de recommandation destinée à faciliter son placement comme nourrice sur lieu. Je lui objectai que, ne la connaissant point, j'étais obligé de la lui refuser. « Quoi, s'écria-t-elle, mais ne voyez-vous point que je suis Madame R., votre voisine. » Un examen plus attentif et l'indication qui venait de m'être fournie me la firent bientôt reconnaître. Cette personne, femme d'un des principaux commerçants de la localité, qui ordinairement avait une mise élégante et même recherchée, s'était travestie en paysanne afin de pouvoir se placer comme nourrice. « Les dames de Paris, disait-elle, ne voudraient point de moi, si je portais crinoline et bonnets à rubans. »
C'est un métier si commode! La femme tombe, en effet, quelquefois de la plus affreuse indigence dans une vie de délices. Bien vêtue, bien nourrie, on lui passe tous ses caprices ; elle a à sa disposition tous les serviteurs de la maison et, pour gagner ses bonnes grâces, la mère se fait souvent la domestique de la nourrice.
Quant au mari, il n'aura plus qu'à se croiser les bras, à vivre des rentes que lui gagnera sa femme. Son sommeil ne sera plus troublé par les cris importuns de ses enfants qu'il fera élever par quelques voisins ou par ses parents, moyennant une légère rétribution. Il ne travaillera plus, sa femme lui gagnera assez d'écus pour lui permettre de passer son temps au cabaret; pourquoi donc se priverait-il, pendant que son épouse est gorgée de bon pain, des viandes les plus succulentes, pendant qu'elle repose dans un bon lit bien moelleux.
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" Enfant tétant sa mère " estampe, 3e état, par Camille Pissarro, 1882. © Gallica. |
Comme on peut s'en convaincre, celles que la vue de leur enfant leur souriant et leur tendant leurs petits bras, a pu attendrir, celles qui ont conservé des entrailles de mère, forment exception, car, disons-le dés maintenant, le départ de la mère pour Paris est souvent l'arrêt de mort de l'enfant.
J'ai déjà indiqué les causes principales de cette émigration, appât du gain, amour du luxe, de l'oisiveté, brillante métamorphose et récits merveilleux des voisines qui reviennent de Paris, et, il faut le dire, ces récits ont une puissance d'attraction inimaginable. Il y a quelques mois, je fus requis à l'effet de constater la mort par pendaison d'une jeune femme accouchée récemment. Une cause inconnue lui avait fait perdre son lait : le chagrin qu'elle ressentit de ne pouvoir aller à Paris fut assez puissant pour la déterminer à se suicider.
Il est bien d'autres causes qui déterminent cette émigration, et parmi elles une des plus puissantes est l'amour-propre. -Un homme auquel j'exprimais tout mon étonnement à l'occasion du départ de sa femme pour Paris, en considération de sa position aisée et surtout des travaux que nécessitait son exploitation agricole, me répondit qu'il n'avait consenti au départ de sa femme que pour faire comme tout le monde et pour éviter les quolibets de ses voisins qui auraient taxé son refus de jalousie, ou qui auraient supposé quelque maladie cachée à sa femme.
Souvent il arrive que la femme, méprisant les observations du mari, part contre sa volonté. Elle trouve à se placer, et au moment où la famille parisienne compte le plus sur elle, et où l'allaitement ne peut être cessé ou changé sans porter gravement atteinte à la santé du nourrisson, le mari arrive, l'emmène de vive force, ou bien impose à la famille des exigences d'argent. Je ferai observer toutefois que ce qui peut être une vérité n'est souvent qu'une ruse imaginée par le mari et sa femme.
Il arrive quelquefois aussi que le mari, abusant de son autorité, arrache une mère aux caresses de ses enfants, la force à les quitter pour vendre ses services. - Il y a peu de temps, je fus témoin d'une scène navrante : Un mari, après avoir épuisé auprès de sa femme qui ne voulait point se séparer de son enfant, tous les arguments possibles pour la déterminer à nourrir à Paris, eut l'outrageante audace de lui rappeler qu'il avait apporté cinq bons mille francs en mariage, quand elle-même n'avait pour toute fortune que sa jeunesse et ses beaux yeux, et qu'il comptait bien sur ces avantages pour lui faire gagner sa dot, ainsi que leurs parents en avaient fait l'observation en réglant les conditions du mariage. Cet argument ne comportait point réplique, il fallait s'exécuter, partir, abandonner son pauvre petit enfant ou subir les brutalités de son mari. Les scènes de ce genre sont fréquentes dans le Morvan
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" Nourrices et enfants dans un parc public ", par Édouard Vuillard. © Wahoo Art.com. |
Je rencontrai un jour une femme partant pour Paris ; son enfant avait cinq semaines, il faisait froid, la neige couvrait la terre : « Vous allez nourrir à Paris, lui dis-je, la rigueur de la saison, le sevrage prématuré vont tuer votre enfant, soyez-en convaincue.- Je ne dis pas non, me répondit-elle, mais j'enverrai un ange au ciel. »
Je m'éloignai l'âme navrée ; mes prévisions étaient fondées, quelques jours après le petit enfant succombait.
A quelle époque cependant doit-on cesser l’allaitement ? la nature elle-même a soin de nous indiquer ce terme. C'est à l'époque où les premières dents sont sorties, et permettent à l'enfant de diviser les aliments, et encore faut-il que le sevrage ne soit point fait subitement; il faut ménager avec le plus grand soin la transition entre l'allaitement et le nouveau régime, sous peine de provoquer chez l'enfant les crises les plus fâcheuses.
Examinons maintenant ce qui se passe dans notre Morvan. Comme je viens de le dire, aussitôt qu'une femme se sent suffisamment rétablie de ses couches, elle part pour la ville à l'effet d'y vendre ses services. Sans avoir égard à la saison, sans se préoccuper de la faiblesse de son jeune enfant, de sa constitution plus ou moins délicate, elle lui fait faire le voyage de Paris.
Elle va ensuite se placer dans un de ces établissements connus sous le nom de bureau de nourrices, établissements destinés à mettre en rapport les familles qui désirent faire allaiter leurs enfants et les nourrices qui veulent vendre leur lait, car le bureau est un vrai marché où la mère et l'enfant sont soumis à un examen que je ne puis mieux comparer qu'à celui qui se fait pour la vente des esclaves, dans les pays où cet infâme trafic est encore en honneur. Malheureusement cet examen ne porte le plus souvent que sur les qualités physiques et apparentes; des qualités morales, on s'en inquiète peu.
Malgré toutes les précautions dont les familles parisiennes semblent cependant s'entourer avant de louer une nourrice, qu'elles sachent bien qu'elles sont souvent dupes d'infâmes supercheries.
L'enfant que la nourrice présente comme échantillon de la qualité de son lait, est toujours frais et dodu. Ne croyez pas que celle qui aurait un enfant maladif vous le présenterait. Elle trouve moyen de s'en procurer un qui sera irréprochable ; une voisine obligeante lui prêtera le sien moyennant salaire. Il arrive souvent que le même enfant fait le voyage de Paris deux et même trois fois, si la mort n'est venue couper court à ses pérégrinations. — Le prix de la location varie entre 30 et 40 francs; et n'allez point croire que ce fait qui paraît incroyable, et que je signale, soit de pure invention.- Il y a quelques années, une femme loua son enfant à une voisine, moyennant 30 francs ; il arriva que l'emprunteuse n'ayant pu trouver à se placer, fut obligée de revenir. Elle refusa alors de payer le prix convenu, et voulut faire subir une réduction de 40 francs ; de là procès et assignation devant la justice de paix du canton de Château-Chinon
De l'industrie des nourrices et de la mortalité des petits enfants, par le docteur Monot, de Montsauche, Nièvre, 1867.
Deux jours après la parution de ce billet, un musée des nourrices vient d'ouvrir à Aligny-en-Morvan, à une dizaine de km de Montsauche, commune de la Nièvre dont il est question dans le texte précédent !
Au 6 avenue de la Porte de Montrouge, XIVe, bas-relief signé Georges SAUPIQUE sur la façade d'un H.B.M., ancêtre de l'HLM. Vers 1933. |
L'attraction exercée sur les populations rurales par les villes, dépasse le seul exercice de la fonction de nourrice que notre texte précédent relate. Tout au long du XIXe siècle une population venue de toutes les provinces françaises vient tenter sa chance à Paris, grossissant aussi les rangs des habitants les plus pauvres de cette cité.
« Émigration des campagnes.- Ce n'est pas, hélas, sur les poissons de la mer, mais sur nos si belles populations rurales françaises, que le génie malfaisant dont je viens de parler, a exercé sa funeste influence. Depuis une cinquantaine d'années surtout, nous avons vu nos paysans abandonner la terre bienfaisante qui leur convient et qui les avait faits ce qu'ils étaient : des hommes capables de soutenir pendant vingt-cinq années les guerres continuelles de la Révolution et de l'Empire, pour venir sur l'asphalte et les pavés, entre des séries de murailles ajourées de portes et de fenêtres, en des habitations veuves de soleil et de verdure, dans une atmosphère meurtrière, même aux plantes, essayer de créer une race humaine supérieure, dont le superhomme serait le type et le parisien aborigène l' échantillon, si le parisien aborigène, le parisien issu d'aïeux parisiens, n'était pas un mythe ! »
Cette désertion en masse des campagnes dont le Dr Lancry nous expose les dangers d'une façon si pittoresque, nous est également révélée, dans toute sa cruelle réalité, par les statistiques publiées pendant ces soixante dernières années.
Comparons, en effet, comme l'a fait le Dr Boureille, les données fournies par les recensements de 1832 et de 1891. En 1832, c'est la France de Louis-Philippe : les routes sont rares et très mal entretenues, les moyens de communications lents et coûteux, aussi le provincial reste-t-il chez lui ; son horizon est borné à son département, souvent à son arrondissement. Le paysan reste attaché à la terre qui le nourrit, sort rarement de sa commune. Aussi, c'est à peine si les départements les plus voisins de Paris donnent quelques immigrants. La Normandie, l’Île de France, la Champagne, font tous les frais du mouvement vers la grande ville.
Mais en 1891, tout est changé : les chemins de fer, le télégraphe, le téléphone font communiquer constamment des régions qui jadis s'ignoraient ; les distances sont supprimées ; Paris n'est plus qu'à 12 heures de Marseille ; Paris et les grandes villes ont attiré la France, aussi la première zone d'immigration s'est-elle étendue aux provinces les plus reculées.
Zoniers d'Ivry, photographie de presse de l'agence Rol, 1913. © Gallica. |
Cette venue à Paris, dit le Dr Boureille, est montée du simple au double, au triple, au quintuple. Dans certains cas, elle a décuplé et plus. L'ensemble de la Bretagne (5 départements) passe de 11.500 à 88.100 en 60 ans. Les Pyrénées (6 départements) fournissent à Paris 32.500 habitants en 1891, contre 5.600 en 1832. Le Berry et le Nivernais, 82.000 contre 7.900. Enfin, en un demi-siècle, 21 départements décuplent leur exode vers Paris : 270.000 en 1891 contre 32.000 en 1832.
Cette immigration continue s'étend naturellement à toutes les grandes villes de France. « En 1846, en France, écrit Vanderwelde, 24 % de la population totale habitaient dans les villes, aujourd'hui la proportion est de 37 %, et on calcule que, tous les cinq ans, près de 300.000 Français viennent, de la campagne, s'établir dans les villes. » Pour loger tous ces nouveaux arrivants, les villes ont dû s'agrandir, se doubler, se tripler; malheureusement, l'espace étant restreint, et le terrain étant revenu fort cher, c'est en hauteur qu'elles se sont développées. Des maisons de 6 et 7 étages se sont dressées sans que les rues se soient élargies proportionnellement, de sorte que, la moitié au moins des appartements ne peuvent recevoir la lumière bienfaisante du soleil, et, à peine, la quantité d'air suffisante.
Qui ne s'est senti ému en parcourant les rues noires, au relent de moisi, de certains quartiers ouvriers? Qui ne s'est senti le cœur serré, en entrant dans ces logements, dans ces chambres obscures, donnant sur des courettes humides, étroites, que n'a jamais égayés un rayon de soleil ?
Les physiologistes ont calculé qu'il fallait à l'homme environ 10 mètres cubes d'air pur, par heure, pour vivre. Où les trouver ces 10 mètres cubes d'air pur dans ces milliers de petits logements, où vivent entassées 5, 6 et parfois 10 personnes, où il n'y a place que pour 3 ou 4 ? Cet encombrement, uni à la misère, est un des facteurs les plus puissants de mortalité. Dans les quartiers riches de Paris, percés de larges boulevards (Champs-Élysées), la mortalité pour 10. 000 habitants est de 10, tandis que, dans les quartiers pauvres (Plaisance), elle atteint le chiffre fantastique de 104 ! ! !
Le manque d'air pur est encore aggravé par cette détestable habitude qu'a l'ouvrier, de n'ouvrir presque jamais les fenêtres de son logement. L'atmosphère y est irrespirable, surchauffée, empoisonnée par des poêles de fonte ou des fourneaux mal joints, qui laissent échapper à jet continu, de l'oxyde de carbone. Comme nous le verrons plus loin pour l'alimentation, le chauffage est irrationnel au dernier point. On cherche à produire le maximum de chaleur avec un minimum de combustible, problème qui ne peut se résoudre sans augmenter beaucoup la production d'oxyde de carbone. Les poêles mobiles donnent 15 à 16 % de ce gaz essentiellement meurtrier, puisque l'air qui en contient seulement un millième à 1/10.000 est déjà toxique. Que d'empoisonnements lents ont causés tous ces engins à combustion lente (phares, calorifères à air chaud), dont la canalisation n'est jamais et ne peut jamais être étanche !
Il y a déjà dix ans qu'Henri Moissan dénonçait à l'Académie de médecine ce nouveau péril urbain ; mais, sourd aux avertissements de la science, on se chauffe toujours davantage, on dépense de moins en moins, on s'intoxique de plus en plus, et tout le monde est satisfait.
Un autre élément de déchéance physique, c'est la mauvaise alimentation, ou plutôt l'alimentation irrationnelle de la classe ouvrière.
Le lecteur nous excusera d'insister un peu longuement sur ce sujet, car l'alimentation défectueuse nous paraît constituer un facteur de prédispositions aussi important, sinon plus que le précédent. On a écrit des milliers et des milliers de brochures contre l'alcoolisme, on semble avoir tout dit, tandis que la campagne en faveur de l'alimentation bien comprise semble à peine ébauchée.
La santé par le grand air, docteur Adolphe Bonnard, 1906
2 rue Balny d'Avricourt, XVIIe, sculpture de Jules Rispal, immeuble de 1910. Ce serait vraisemblablement une de ses dernières œuvres puisque il disparait en 1909. |
Pour toute cette population des campagnes qui vient s'installer et travailler à Paris, souvent pauvre, que peut-on faire concernant les jeunes enfants d'un couple dans lequel la femme et l'homme sont employés toute la journée, incapables de prodiguer les soins élémentaires à leur progéniture ? Payer une nourrice bourguignonne est au dessus de leurs moyens. Dès 1844 des mouvements philanthropiques, entre autre sur l'impulsion de Firmin Marbeau (1798-1875), créent des crèches ouvertes à tous.
A Plaisance, quartier considéré comme pauvre dans le texte précédent, nous rencontrons la crèche de l'actuelle rue Jules Guesde, toujours en activité bien que créée en 1898.
A Plaisance, quartier considéré comme pauvre dans le texte précédent, nous rencontrons la crèche de l'actuelle rue Jules Guesde, toujours en activité bien que créée en 1898.
- Au moment où, pour la dernière fois sans doute, je prépare ce compte rendu annuel, je suis heureux de constater que notre œuvre est en pleine prospérité. Les difficultés qui jadis ont si longtemps arrêté ses progrès contre lesquelles le fondateur des crèches eut à soutenir des luttes étranges et incessantes n'existent plus. Désormais, non seulement la France, mais tous les pays reconnaissent que la crèche, comme l'école, comme la salle d'asile, est une institution rendue indispensable par l'état actuel de la civilisation. Partout la crèche est réclamée par les populations ouvrières; partout elle est encouragée par les gouvernements ; partout elle est en faveur auprès de l'initiative privée qui lui apporte son dévouement désintéressé, ses souscriptions, ses dons généreux, ses libéralités testamentaires.
Cette sympathie unanime, la crèche la justifie à tous égards. L'objet de ses secours, c'est le petit enfant et sa mère, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus touchant au monde. Œuvre éminemment sociale, elle rapproche auprès du berceau la femme qui a besoin d'aide et celle qui peut l'aider.
Elle est le secours en travail, secours efficace et moralisateur, au lieu d'être l'aumône stérile. Elle permet à l'ouvrière de se suffire à elle-même par son salaire. Par la petite rétribution qu'elle exige, elle respecte la dignité de la mère vis-à-vis de son enfant comme vis-à-vis de la Société.
Elle est essentiellement éducatrice. A la mère, elle enseigne les soins qu'il faut donner à l'enfant pour préserver sa santé et pour former son cœur. A l'enfant, elle apprend dès le berceau à vivre avec d'autres enfants, à leur laisser leur part à côté de la sienne, à comprendre et à sentir qu'il n'est pas seul sur la terre, que tout ne gravite pas autour de sa petite personne.
" Le bonheur des parents " par Jean-Eugène Bulland, 1903, huile sur toile, Neumeister Kunstauktionen, 97,5 x 129 cm. Source Wikimedia Foundation. |
Dans ces malheureuses familles ouvrières où la nécessité de gagner le pain de chaque jour oblige le père et la mère à aller, chacun de son côté, travailler loin du logis, la crèche fait de l'enfant que la mère reprend le soir le lien qui rapproche les parents, l'attrait, la raison d'être, la joie du foyer.
Mais, pour conserver sa valeur sociale et moralisatrice, la crèche doit rester une œuvre désintéressée. Elle perdrait toute autorité morale si ceux qui la dirigent prétendaient en faire un moyen d'action politique ou d'influence personnelle.
Dans notre pays où elle est née, elle avait dû jadis attendre près de vingt ans avant de conquérir le droit de cité par la réglementation officielle, brevet indispensable chez nous pour attester l'utilité d'une institution; désormais cette protection de l'autorité lui est complètement acquise. Si nous avions une crainte pour les crèches, ce que nous redouterions pour elles ne serait plus l'indifférence des pouvoirs publics, mais au contraire un intérêt trop sympathique qui se traduirait par une ingérence trop minutieuse. Le désir de la perfection est certes louable en lui-même, mais il pourrait devenir funeste si, par une réglementation trop étroite, il rendait le fonctionnement de la crèche trop difficile; s'il décourageait les bienfaiteurs, race ombrageuse et jalouse, qui, avant toute chose, veut rester indépendante, libre de ses dons, de ses idées, de sa manière de comprendre et de faire le bien.
(…)
Crèche laïque de Plaisance au 14 rue Jules Guesde, (à l'origine, en 1898, 14 rue Schomer), XIVe ardt . Actuellement, c'est toujours une crèche. |
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Deux crèches ont été ouvertes à Paris en 1897 : l'une rue François-Millet, l'autre rue Bolivar. Toutes deux ont été construites avec de larges subventions municipales et sont très bien aménagées sous le rapport de l'installation matérielle et hygiénique. Toutes deux ont eu le grand honneur de voir leur inauguration présidée par Mme Félix Faure.
Plusieurs autres crèches sont en voie de construction et ne tarderont pas à être ouvertes, notamment avenue Mac-Mahon et rue Schomer. (actuelle rue Jules Guesde, ndr). Celle-ci est destinée à remplacer la crèche actuellement établie rue de l'Ouest.
La Revue philanthropique Masson et Cie (Paris), 1897
En plus des crèches le mouvement philanthropique crée aussi des dispensaires où tout le monde peut venir se faire soigner.
La Crèche Furtado-Heine fut inaugurée le 7 juin 1896. Elle est au voisinage du Dispensaire d'enfants également fondé par la généreuse femme dont il porte le nom ; elle fut ouverte le 15 juin. L'établissement occupe une superficie de 4000 mètres.
La construction, en pierres de taille et en briques, a une façade de 67 mètres. Les travaux de premier établissement ont dépassé le chiffre de 600 000 francs. Mme Furtado-Heine a affecté à cet établissement une dotation de 45000 francs de rente sur l'État.
Le bâtiment a été construit sur les plans de M. Blondel, l'architecte du Louvre. Il comprend deux étages élevés sur de vastes sous-sols. Au rez-de-chaussée, une galerie vitrée, sur laquelle donnent cinq vastes dortoirs de vingt lits chacun, a accès sur un jardin exposé au Midi. Pour éviter les agglomérations dangereuses, les enfants sont répartis, suivant leur âge, dans des salles tout à fait distinctes. Les lavabos, la salle de bains avec ses baignoires en porcelaine, la salle d'attente des parents, les vestiaires, la lingerie, les cuisines, les salles réservées à la stérilisation du lait, les réfectoires, le séchoir, etc., sont très bien installés et offrent un bel aspect. Le mobilier est très pratiquement composé et l'hygiène est parfaite.
10 rue Delbet, XIV e ardt. C'est tout ce qu'il reste du dispensaire et de la crèche Furtado-Heine originale construits par Blondel. Il y a maintenant une maison de retraite, mais aussi, il y encore une crèche en activité. (Voir le dessin de l'architecte) |
On le voit, depuis plusieurs années, grâce aux efforts du Conseil municipal de Paris, auquel les pouvoirs publics ont apporté un appui précieux en modifiant le décret et l'arrêté relatifs aux Crèches, un progrès considérable a été accompli. En accordant aux œuvres laïques de larges subventions et en réclamant d'elles, en échange, une sorte d'obéissance aux conseils et aux indications des hygiénistes, on est parvenu à obtenir des constructions pratiques et saines, des soins plus attentifs, une alimentation rationnelle; le personnel va aussi se transformer : aux berceuses routinières et ignorantes se substituent peu à peu des femmes plus instruites des soins à donner à l'enfance. Un mouvement d'émulation a gagné les autres œuvres qui peuvent se passer des subventions municipales ; quelques-unes d'entre elles ont voulu faire grand. Faut-il s'en plaindre ?
Mais la tâche que s'est donnée le Conseil municipal n'est pas achevée : il va la compléter en créant un établissement-type où toutes les applications hygiéniques seront faites et sans cesse améliorées en raison des progrès constants de la science, et où les jeunes filles des classes supérieures des Écoles de la Ville de Paris, les mères de famille, les femmes qui se destinent à servir de berceuses dans les Crèches recevront un enseignement qui leur permettra de donner aux enfants des soins intelligents et qui aidera, nous en sommes convaincus, à combattre les fléaux destructeurs qui frappent l'enfance et font diminuer notre population.
Alfred Breuillé.La Revue philanthropique, Masson et Cie (Paris), 1898-11
Affiche exposition de l'enfance, au Petit Palais-Champs-Elysées : l'enfant à travers les ages, avril-juin 1901, par Clémentine-Hélène Dufau. © Gallica. |
CRÈCHES
Depuis 1844, époque à laquelle, sous l'inspiration de Marbeau, la première crèche fut fondée, ce mode d'assistance à la première enfance s:est répandu dans le monde entier et, en France, il a pris une extension immense. Il n'est presque plus de ville qui ne possède un ou plusieurs établissements de ce genre. A Paris, qui en compte déjà 90, il s'en fonde chaque année plusieurs et il n'est pas une personne charitable qui ne s'intéresse de près ou de loin à quelqu'une d'entre elles. C'est cependant un mode d'assistance qui présente des difficultés de réalisation très réelles et les médecins sont là pour nous dire qu'il ne manque pas d'établissements de ce genre qui, malgré qu'ils soient fondés dans l'intention la plus irréprochable, sont loin, par les défectuosités qu'on y constate, de représenter des institutions dignes de louange. C'est donc un grand bien de trouver réunies dans une partie de l'Exposition un certain nombre de ces crèches; elles peuvent, par les innovations mises en pratique, et plusieurs, par le soin que leurs administrateurs apportent à prémunir l'enfant contre les dangers de l'élevage en commun et de l'allaitement artificiel, servir de comparaison et quelques-unes de modèle.
(...)
De l'autre côté de la salle, la crèche Furtado-Heine attire les regards par sa maquette extrêmement remarquable. Cet établissement qui porte le nom de sa fondatrice est situé à Montrouge, rue Jacquier (Cette partie du XIVe faisait partie de Montrouge jusqu'en 1860, aussi en 1900, dans cet article, le souvenir de la commune d'origine se conserve encore. n.d.r.) ; elle a été construite assez récemment par M. Blondel, architecte. Un panneau tout entier reçoit les photographies et les plans donnant le détail de l'organisation intérieure. C'est un établissement considérable; dans ces trois dernières années, jusqu'au 31 mai 1899, on a compté 19078, 20300, 21 705 journées de présence. Quant au régime financier, il s'établit facilement, la fondatrice ayant doté l'œuvre d'une rente annuelle de 45000 francs. La crèche Furtado-Heine a été reconnue d'utilité publique le 21 avril 1896.
Les crèches municipales de Paris sont largement représentées par la Société des crèches du Ve arrondissement qui a deux établissements, la crèche Monge et la crèche Sadi-Carnot, la crèche du XVIIe, la crèche du VIe arrondissement, la crèche du 1er arrondissement, qui occupe un bien grand panneau pour son importance, la Société des asiles laïques du premier âge du XIe arrondissement, la Société municipale des crèches du XIVe arrondissement, les crèches du XIXe arrondissement, qui, nouvellement construites, présentent certains perfectionnements intéressants. Partout on peut constater l'activité qui règne dans ces établissements et le souci constant de créer des crèches à peu de berceaux, bien aérées, d'y instituer une stérilisation parfaite du lait, une asepsie rigoureuse des bouteilles et des tétines, une prophylaxie rigoureuse de tous les cas suspects, et surtout de faire continuer à la mère, pendant les moments où l'enfant rentre chez elle, la mise en pratique des conseils médicaux.
Un peu plus loin nous trouvons des crèches qui exposent concurremment avec un dispensaire d'enfants, la société qui les administre ayant lié les deux œuvres; c'est ainsi que l'on voit la crèche et le dispensaire laïques du XVe arrondissement, qui expose une verrière éclairée à l'électricité, et la crèche et le dispensaire laïques de la Maison Blanche. Signalons aussi, dans les œuvres doubles, la crèche Sainte-Amélie à Charonne et sa succursale la crèche du Grand Air à Vaucresson, intelligente innovation que l'on doit surtout à M. Marcel Guillet.
La Revue philanthropique, Masson et Cie (Paris), L'Assistance et la bienfaisance à l'exposition de 1900, CH. Séguy, 1900-05
Du côté des laïcs on a tenté, un temps, de répondre à cette déferlante d’œuvres privées ou chrétiennes. Municipalisée en 1895 et transférée en 1898-1899 dans de nouveaux locaux, 14 rue Schomer, la crèche laïque de Plaisance fait l’objet de certaines critiques de l’Inspection générale des crèches. Au départ considéré comme un « bel établissement, vaste, aéré », le local est ensuite estimé comme insuffisamment aéré et éclairé, voire malodorant, parfois sale. Cependant les rapports soulignent que les enfants sont bien nourris avec un lait de bonne qualité, stérilisé, que l’hiver l’établissement est chaud et que la crèche est « parfaitement organisée sans être cependant un établissement modèle ». L’ensemble donne l’impression d’une crèche satisfaisante, sans plus.
Plaisance près Montparnasse, Jean-Louis Robert, Chapitre 4, La« Belle Époque », peut-être (1898-1914), Publications de la Sorbonne, 2012.
" La nouvelle couveuse " en 1885, © Gallica / BIU Santé. |
LE REPOS DES FEMMES EN COUCHES
En 1906. le député Engerand déposait une proposition selon laquelle la suspension du travail pendant huit semaines consécutives dans la période qui précède et qui suit l'accouchement, ne pouvait être une cause de rupture, pour l'employeur, du contrat de louage de services. En bref. il posait le principe du droit au repos des femmes en couches.
Le père, la mère et l'enfant, par Henri Bouchard, sculpteur omniprésent à Paris, 132 rue de Courcelles, XVIIe ardt, 1907.
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Pour vaincre les résistances a la Chambre, le député du Calvados dut utiliser l‘argument suprême : la mère comme le soldat n'a-t-elle pas « un devoir patriotique dont il convient de protéger l'accomplissement contre les intérêts personnels égoïstes ? ». Il faut, dit-il, « étendre aux femmes enceintes et accouchées les dispositions de la loi du 18 juillet 1901, qui garantit leur emploi aux réservistes et territoriaux appelés à accomplir leur période d’instruction militaire ». Peupler la patrie, la défendre : deux tâches qui nécessitent l'une comme l’autre des sacrifices financiers pour la collectivité publique.
La loi fut adoptée le 27 novembre I909. Demi-mesure. position de principe puisqu'il n'était pas prévu d’allocation « de maternité », elle était pourtant un pas en avant notable dans une discussion qui était née des la fin des années 1870 au Parlement. Par ailleurs, comme l'avait soupçonné Jules Simon en 1891, elle annonçait des prolongements inéluctables.
(…)
Éducation par la musique, 132 rue de Courcelles, XVIIe ardt, 1907. Henri Bouchard sculpteur.
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Les allocations familiales
Parallèlement à l’assistance, mais avec un temps de décalage, se développa en France un système original d'aide à la famille fondé sur l'exercice d’un travail. Le système consistait à compléter les ressources d'un ménage dès que celui-ci s'agrandissait par la naissance des enfants successifs.
Les allocations familiales sont le fruit de la rencontre de deux thèmes, celui de la défense de la famille d'une part, celui du juste salaire d'autre part. La famille ? Il faut la protéger des périls de l'individualisme, la renforcer de façon a éviter la prolifération des familles «instables» (F. Le Play). Par ailleurs esquissée dans l'encyclique Rerum Novarum publiée en 1891 par le pape Léon XIII, la théorie du juste salaire repose sur l'idée que l'ouvrier doit recevoir pour salaire, non seulement le prix de son travail (prix fixé conforment à un contrat), mais encore la somme nécessaire à l‘entretien d'une famille «normale». Très éloigné de celui des libéraux, le raisonnement des chrétiens sociaux se rapproche de la théorie socialiste de la rémunération selon les besoins. Sans aller jusque-là, des patrons de l'industrie comme des dirigeants de la fonction publique créèrent un sursalaire familial, ou salaire supplémentaire proportionnel au nombre d'enfants.
132 rue de Courcelles, XVIIe ardt, 1907.
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Le rôle du patronat de l‘industrie privée est certainement fondamental mais on ne saurait passer sous silence l’initiative de l’État en ce domaine. Du reste l'Administration comme le patronat eurent, ce faisant un même objectif : stabiliser la main-d’œuvre, l‘attacher a l'entreprise, notamment en ce qui concerne les métiers les plus qualifiés. Il fallait lutter contre l’absentéisme, contre une mobilité excessive. Par quel moyen ? En donnant aux chefs de famille des avantages. En nature, en créant des écoles, des crèches, des magasins, en espèces, par l'intermédiaire de prestations spéciales. A l'origine, le supplément de salaire fut parfois fixé en fonction du nombre de personnes de la même famille travaillant dans l’entreprise ; plus tard, c’est la taille de la maisonnée qui compta. Une autre motivation guida aussi les dirigeants d’entreprise : celle d’éviter par cette mesure partielle, des augmentations générales des salaires. Ces différentes raisons expliquent pourquoi, jusqu’à une époque avancée, celle de l‘obligation légale, les syndicats ouvriers, sauf exception (CFTC) se montrèrent hostiles aux allocations familiales.
(…)
Avant d'en terminer sur la composante familiale d‘une politique en faveur de l'enfant, un mot d'un aspect maintes fois souligné du travail des «Caisses», l’aspect éducatif et médico-social. La plupart des Caisses, dont la plus grosse, celle de la Région parisienne développèrent tout un secteur de services d’hygiène et d’éducation. Elles ne voulurent pas seulement faire office d’organes de distribution, elles tentèrent de prévenir, d’éduquer.
Éducation par la couture, 132 rue de Courcelles, XVIIe ardt, 1907. Henri Bouchard sculpteur.
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Ainsi elles créèrent a l'intention des familles, des mères, des nourrissons, des enfants plus âgés, des dispensaires (prévention et soins), des colonies de vacances, des consultations prénatales et de nourrissons, des visites d’infirmières-visiteuses, des cours d'enseignement ménager (coupe, couture, tricot...) etc. Recourant aux services de personnes averties des questions sociales et très compétentes, les Caisses de compensation mirent a la disposition de leurs allocataires des services de grande qualité. Ceux-ci furent ils inspirés par l’idéologie paternaliste de l'aides sociale qui veut que l'on oriente, que l'on vérifie l'usage des dons ? Sans doute,mais sans exagérer la spécificité patronale ou privée de cette politique puisque médecins, fonctionnaires, pouvoirs public en général prirent manifestement la même orientation. Sans doute s'agit-il d'une optique spécifique d'un monde et d’une époque qui croient en la vertu de l'éducation, qui espèrent une « révolution culturelle » sur le mode de culture bourgeois.
La politique à l'égard de la petite enfance sous la IIIe République, Volume 1, Catherine Rollet-Echalier, P.U.F. 1990.
Voiture-auto
pour bébé, une mère promenant son enfant dans un landau motorisé, 1922.
Photographie de presse de l'agence Rol, © Gallica. |
Décor d'un H.B.M. (Habitations à bon marché) 10 rue Barrault, XIIIe ardt. Vers 1934. |
Or, hygiène et moralité vont toujours de pair : le logis
spacieux, aéré et ensoleillé, on ne saurait trop l'affirmer, est
par cela même moralisateur. En effet, les habitants y sont à leur
aise et ils y sont gais, donc, ils ne cherchent pas à le quitter. En
même temps que l'air et le soleil détruisent les bacilles de la
tuberculose, ils luttent contre l'alcoolisme, parce que préservant
de la tristesse qui se dégage du taudis étroit et sombre, ils font
moins obsédante la hantise du cabaret consolateur. Aussi les
hygiénistes comptent-ils sur l'influence morale du logis ouvrier
dans la lutte contre l'alcoolisme, et les résultats obtenus à Ulm
et à Stockholm, par exemple, leur donnent raison.
Décor d'un H.B.M. (Habitations à bon marché) 12 rue Barrault, XIIIe ardt. Vers 1934. |
« Il faut encore finir par cette vérité, écrivait naguère le professeur Courmont, que toute prophylaxie antialcoolique repose sur les modifications de notre état social. Rien ne sera fait si l'ouvrier continue à vivre dans un taudis. il faut améliorer le logement. Comment reprocher au prolétaire qui sait quel spectacle lamentable l'attend au logis, de se laisser entraîner dans le salon du pauvre, derrière les vitres ruisselantes de lumière du cabaret tentateur ? ».
Au 8 avenue de la Porte de Montrouge, XIVe, bas-relief signé Georges SAUPIQUE sur la façade d'un H.B.M., ancêtre de l'HLM. Vers 1933. |
Indépendamment de l'impression de confort et de gaîté qui se dégage du « home » spacieux et clair, celui-ci permet d'obtenir sans efforts les avantages suivants : ordre et harmonie dans la disposition des objets du ménage, si à chaque chose une place spéciale peut être affectée ; possibilité, pour la maîtresse de maison, de vaquer aux soins domestiques sans être positivement entravée dans cette besogne par la présence des siens ; possibilité pour elle de surveiller ses enfants après l'école avant ou après l'heure qu'elle consacre à les promener, en les laissant cependant jouer et s'ébattre dans une autre pièce que celle où elle travaille, et mieux encore, dans la galerie extérieure, couverte et protégée que la plupart des constructeurs de maisons ouvrières collectives réservent aujourd'hui à chaque logement ; possibilité, par suite, pour le père qui rentre fatigué de son travail, de se reposer dans son coin, sans que de jeunes enfants, fatalement turbulents, l'irritent et s attirent des observations injustes. Enfin, lorsque le moment du sommeil est venu, les enfants peuvent être séparés des parents, et les grands enfants des petits. Ainsi, dès que le surpeuplement est évité, le foyer exerce son influence moralisatrice en assurant le contact des parents et des enfants aux heures où ce contact est utile et bienfaisant, et en les séparant au contraire les uns des autres lorsque cette séparation est également nécessaire. Trop souvent, dans les conditions actuelles, les enfants sont dans la rue entre la fin de l'école et le repas du soir ; tout a été dit sur les conséquences de ce défaut de surveillance. Trop souvent aussi, ils ne rentrent au logis que pour avoir sous les yeux, faute de place, jusqu'à l'heure où ils s'endorment, le spectacle dangereux d'un père pris de boisson, irritable ou manquant de retenue.
Décor d'un H.B.M. (Habitations à bon marché) 10 rue Le Dantec, XIIIe ardt. Vers 1934. |
Lorsque, dans la classe ouvrière, les logis salubres et vastes, par suite de l'intervention communale, seront non plus l'exception, mais la règle, on a le droit d'attendre que, sans grands efforts de la part des parents, les enfants aient ordinairement sous les yeux des spectacles d'ordre et de bonne tenue. Par suite, leur éducation morale deviendra meilleure, et ils seront moins exposés à s'étonner du contraste entre ce qu'on leur conseille et ce qu'ils observent.
Décor d'un H.B.M. (Habitations à bon marché) 3 rue Le Dantec, XIIIe ardt. Vers 1934. |
Mais il serait périlleux de tout attendre de cette influence moralisatrice spontanée, et pour ainsi dire passive, que le logis vaste, clair et sain tient de son charme et de sa commodité : une telle influence suffira peut-être à retenir les meilleurs sur la pente de l'alcoolisme et du vice, mais d'autres y resteront insensibles, et pour ne pas décourager les bons, la société devra continuer et accentuer l'effort qu'elle oppose à l'exemple des mauvais. Il faut que l'instituteur et le médecin continuent avec énergie la propagande anti-alcoolique dont ils sont les champions naturels : il faudrait que nos représentants dans tous les corps élus les y aidassent, quoi qu'il pût leur en coûter, lors des plus proches consultations du suffrage universel.
La Revue philanthropique, Masson et Cie (Paris), 1912-11
Décor d'un H.B.M. (Habitations à bon marché) 10 rue Barrault, XIIIe ardt. Vers 1934. |
Le rappel des oiseaux :
Une allégorie de la famille et de son
foyer assez répandue sur les façades des maisons parisiennes est la
représentation d'oiseaux dans leur nid, scène où souvent un adulte
apporte la becquée aux oisillons, exprimant ainsi le labeur des
occupants et leur souci de protection de leur progéniture. Cette
image a un caractère poétique diffus, par l'introduction d'un
sentiment de fragilité : on songe à la phrase « Vivre
comme un oiseau sur la branche » qui colore ce symbole aviaire d'un
aspect de précarité, ajouté à la faiblesse des oisillons,
remplaçant les enfants joufflus habituels. L'idée de passage de
témoin entre générations devient plus léger, mais aussi plus
naturel, comme échappant à toute tentation de rappeler l'opération
immobilière qu'est la construction d'un immeuble. Ensuite viendront
les noms donnés aux villas de villégiature dans les années 1920,
1930 comme « Mon nid douillet ». Est-ce que les cigognes présentées ici évoquent la légendaire venue des enfants apportés par ces oiseaux ? Elles sont aussi symboles de piété filiale, ce qui est idéal pour évoquer une " famille parfaite ", et même porte bonheur. Qui dit mieux ?
56 rue Compans, XIXe ardt, 1913. |
Voici une explication religieuse de l'utilisation de ces nichées d'oiseaux comme symboles de la famille idéale, mais aussi qui nous montre la gent aviaire sous son aspect bâtisseur, ce qui n'est pas sans rapport avec la construction des immeubles sur lesquels sont apposés ces décorations.
Mais , pour revenir à mon propos de l’éducation des petits animaux , la façon dont les pères font leurs nids pour les élever, est fort admirable ; car ils sont faits avec tant de proportion et
si ajustés, que Quintilien prit cela pour une espèce et une image de
raison, surtout lorsqu’il venoit à considérer la mollesse de ces petites
couches qu’ils mettoient par-dessus le nid,
afin que la dureté n’offensât point les membres douillets et tendres
de leurs petits. Mais Aristote s’étonne et non sans cause, de l'adresse
d’une hirondelle à faire son nid. Et
cela, qui a été capable de donner de l'admiration à un si grand
philosophe, ne pourra pas exciter la même chose dans nos esprits ! N’est-ce point parce que nous avons cet objet tous les jours devant nos
yeux, ou plutôt parce que nous sommes privés d’yeux, et ne pouvons nous
servir de la vue pour admirer et contempler les œuvres de Dieu ? Car
qui est-ce qui pourroit croire sans le voir, qu’un si petit oiseau sût
dresser un nid, comme s’il étoit de bon
mortier ; qu’il sût l'attacher contre une paroi, sans aucun appui pour le
soutenir en l'air, où il est suspendu ; qu’il mêlât les pailles avec le
mortier, afin de bien lier les matériaux, comme font les meilleurs
maçons, lorsqu’ils veulent enduire une
muraille de torchis ; qu'après cela il allât chercher de petites plumes,
ou d’autres choses également délicates, afin que ses petits ne fussent
point offensés de la dureté du nid ? Mais je voudrois bien que les hommes me pussent dire avec toute leur raison, quels moyens ce petit oiseau pourra trouver pour bâtir son nid,
lorsqu’il le faudra faire en un lieu où il n’y aura ni bois, ni
mortier ; j’avoue pour moi que je ne saurois pas me l'imaginer, et
toutefois ce petit oiseau en a trouvé l'invention, parce qu’il est
conduit par une intelligence plus parfaite que la mienne ; c’est celle de
son créateur et le mien, qui lui a donné l’industrie de faire du ciment
où il n’y en a pas. Et pour le faire, il va mouiller ses ailes dans
l’eau et se plonge dans la poussière, et fait de cette sorte son ciment ;
ainsi réitérant souvent la même chose, peu à peu il vient à bout de son
ouvrage. Comme il est sage et prudent, il fait son nid dans
nos maisons, parce que ce sont des lieux, (comme saint Ambroise a fort
bien remarqué) où ses petits sont moins exposés aux injures des autres
oiseaux qui lui sont contraires. En revanche il nous en paye le louage
par son chant, qui nous sert d’horloge pour nous éveiller le matin. Mais
en ceci, comme dans tout le reste, dont nous avons parlé, nous pouvons
employer cette belle sentence de l’Apôtre : Peut-dire que Dieu se
soucie fort du bœuf et de l'hirondelle. Car il est certain qu’il n’a fait
tout cela que pour se faire connoitre aux hommes, afin qu’ils l'adorassent et le glorifiassent.
Cette tendresse et cette sollicitude ne se bornent pas aux soins
prodigués aux jeunes cigognes, elles s'étendent encore aux cigognes
vieilles ou blessées et dès lors incapables de se procurer la nourriture
qui leur est nécessaire. Toutes celles qui sont valides se disputent le
soin de venir en aide à celles qui souffrent, et une nourriture
abondante et choisie est fournie à ces dernières par la colonie toute
entière dont elles font partie, et surtout par les descendants des
infirmes. Aussi, dans les hiéroglyphes, l'emblème de la cigogne signifiait-il
« piété filiale et bienfaisance », et la loi grecque, qui faisait aux
enfants une obligation de nourrir leurs parents vieux ou malades,
était-elle désignée sous le nom de cet oiseau : « Lex pelargonia, » du mot grec PELARGOS signifiant « cigogne. » L'expression PELARGOS était
très caractéristique; composée de PELOS « brun livide, noirâtre » et
d'ARGOS «blanc», elle indiquait les deux couleurs qui se partagent les
nuances du plumage de la cigogne, dont
l'extrémité des ailes et de la queue est d'un brun noirâtre et le reste
du plumage, d'un blanc uniforme. Voici comment Belon exprime cette
croyance : « La cigogne a le bruit d'avoir enseigné que les enfants nourrissent les pères en vieillesse. » (Liv. IV, p. 201.)
Même immeuble que l'image précédente, où le choix de la cigogne est affirmé. Décor de Georges Gardet, sculpteur animalier, 12 avenue Elisée Reclus, VIIe ardt, 1910. |
Le coq annonce par son chant les heures de la nuit & la pointe du
jour. Les gens de campagne n'ont souvent point d'autres horloges, &
les Mythologistes le regardent, pour cette raison, comme le symbole de la
vigilance. Les Naturalistes ont observé que, de tous les oiseaux de
chant, le rossignol & le coq sont les seuls qui chantent pendant la
nuit.
(...)
Quand les poulets sont parvenus à l'âge de cinq ou six semaines, on les abandonne aux soins & à la tendre vigilance de leur mère, qui, toujours attentive sur tout ce qui environne sa chère famille, prend le soin de les faire manger, les appelant sans cesse, dès qu'elle aperçoit quelque chose de propre à aiguiser leur appétit, les couvrant de ses ailes, au premier danger qui les menace. Personne n'a mieux dépeint cette sollicitude maternelle, que M. Pluche dans le Spectacle de la nature.
Tout le monde connoît, dit M. Pluche, jusques où va
la tendresse des mères pour leurs petits ; elle va jusqu'à changer leur
naturel : de nouveaux devoirs amènent de nouvelles inclinations. Il
n'est pas seulement question de nourrir ; il faut veiller, il faut
défendre, prévenir, faire tête à l'ennemi, & payer de sa personne en toute rencontre. Suivez une poule devenue mère de famille ; elle n'est plus la même : l'amitié
change ses humeurs, & corrige ses défauts. Elle étoit auparavant
gourmande & insatiable ; présentement elle n'a plus rien à elle.
Trouve-t-elle un grain de bled, une mie de pain, ou même quelque chose
de plus abondant, & qu'on pourroit partager, elle n'y touche pas ; elle
avertit ses petits par un cri qu'ils connoissent. Ils accourent bien vite, & toute la trouvaille est pour eux ; la mère se borne
frugalement à ses repas
Cette mère, naturellement timide, ne savoit que fuir auparavant : à la
tête d'une troupe de poussins, c'est une héroïne qui ne connoît plus de
danger, qui saute aux yeux du chien le plus fort. Elle affronteroit un
lion , avec le courage que fa nouvelle dignité lui inspire. (...)
Quand les poulets sont parvenus à l'âge de cinq ou six semaines, on les abandonne aux soins & à la tendre vigilance de leur mère, qui, toujours attentive sur tout ce qui environne sa chère famille, prend le soin de les faire manger, les appelant sans cesse, dès qu'elle aperçoit quelque chose de propre à aiguiser leur appétit, les couvrant de ses ailes, au premier danger qui les menace. Personne n'a mieux dépeint cette sollicitude maternelle, que M. Pluche dans le Spectacle de la nature.
Au 28 rue des marronniers, XVIe ardt, ce couple d'oiseau vit dans un éden fleuri ou une vasque peut étancher la soif. |
18 rue du Mont-Cenis, XVIIIe, 1926. |
Rare composition de deux oiseaux posés sur des pots de cheminée, au 24 rue du Mont-Cenis, XVIIIe ardt, donc tout près de la nichée précédente. 1926. Est-ce une scène de ménage ? |
Voici l'ensemble de ce travail en fer forgé de 1928. Au 32 bis rue Pérignon, XV e ardt. |
Voir aussi dans ce blog :
le document vient d'arriver, mais à première vue, c'est passionnant et riche de découvertes Merci
RépondreSupprimerMerci Mr Perchet!
SupprimerVous avez deux réalisations en fer forgé qui se rapprochent de votre " spécialité ".