lundi 11 avril 2016

Les eaux de Paris. 1 : Le temps des pompes





Décoration d'une fontaine privée. Passage Reilhac, Xe ardt.



Où, dressant un état des lieux de l'alimentation en eau au tout début du XIXe siècle, nous apprenons qu'on préférait l'eau de Seine à l'eau de source, mais qu'on la filtrait ; où nous voyons les premières machines emmagasiner le précieux liquide en hauteur afin de déployer à travers la ville un réseau de canalisations complet, capable d'atteindre jusqu'aux étages des immeubles ; où nous constatons enfin, qu'arrivé trop tôt, le progrès intéresse peu de monde.





Le problème de l'eau comporte 3 paramètres inextricablement liés : l'approvisionnement (rivières, puits, sources), la distribution (canalisations, fontaines, porteurs d'eau) et l'évacuation (les égouts) , qui doivent tous trois évoluer au même rythme. Le manque d'approvisionnement entraîne la disette, une distribution médiocre ne permet pas d'assurer l'hygiène, et les difficultés d'évacuation freinent l'expansion du réseau. Un autre problème est la concurrence entre l'eau gratuite des fontaines publiques et l'eau payante de réseaux qu'il faut bien financer.


Tout au long du 19e siècle, au fur et à mesure de la croissance formidable d'un service de l'eau qui débute avec les pompes à feu des frères Périer et s'achève avec l'eau à tous les étages, les préfets, les ingénieurs, les hygiénistes vont accomplir des prodiges pour mener à bien une œuvre que nul n'imaginait possible ni même nécessaire à la veille de la Révolution.




Pompe à coffrage de bois. 36, rue de Seine, VIe ardt. La nappe étant partout présente à faible profondeur
sous Paris --surtout rive droite vers le marais-- il suffisait de creuser pour obtenir un puits. Mais cette eau fut
assez tôt souillée des matières organiques des fosses de vidanges, des égouts et des cimetières.
Elle est restée néanmoins utilisée, au moins par les artisans, tout au long du 19e siècle : sur les 30 000
puits dénombrés lors du siège de 1870, 10 000 étaient encore en activité.



Puits. Entre le 12 et le 14 rue du Parchamp, Boulogne-Billancourt, Hauts-de-Seine.
Une présentation et un inventaire des puits et pompes parisiens se trouve sur ce site.






Au 18ème siècle, Paris est alimenté en eau par de très nombreux puits et par des fontaines publiques connectées aux sources du Nord ou aux eaux d'Arcueil. Mais c'est l'eau de la Seine, fort appréciée, qui assure l'essentiel de l'alimentation, tant pour l'eau potable que pour l'eau utile aux industries ou aux services de voirie.
Si quelques palais et monastères bénéficient de canalisations qui leur amènent à domicile l'eau des sources du Nord (Belleville) d'ailleurs décriées pour leur dureté, les bourgeois se contentent du services de porteurs d'eau. Ceux-ci s'approvisionnent à des fontaines où l'eau de Seine filtrée leur est vendue, et ils la montent si nécessaire dans les étages. Quant au peuple, il se fournit directement aux fontaines publiques et transporte lui-même ses seaux. Tout le monde dispose, pour la boisson, de fontaines filtrantes (il en existe de toutes les tailles, des plus simples aux plus sophistiquées) qui éliminent les plus volumineux éléments organiques ou minéraux.



La Fontaine, gravure de Nicolas Cochin d'après une peinture de Chardin. Chacun disposait chez soi de réservoirs, qui pouvaient être de simples cruches, équipés de filtres plus ou moins perfectionnés. De nombreux systèmes ont été conçus, utilisant du grès, du sable, du charbon, des éponges, certains faisant alterner filtrage, décantation et ascension de l'eau par capillarité. Cette fontaine de cuivre était équipée d'un filtre.



La vie de Paris sous la Régence

L'eau dont on se sert vient de la Seine ou du jardin du Luxembourg. La Seine traverse Paris quoique très grosse et très large, elle est insuffisante pour approvisionner toute la ville. De nombreux conduits distribuent l'eau de la Seine dans différents quartiers de la ville, ce qui n'empêche pas les porteurs d'eau de la vendre par seaux toute la journée. L'eau de Seine s'emploie pour tous usages on la boit, on la brasse, on s'en sert pour cuire les viandes, etc., et lorsqu'on a l'habitude d'en user, on la croit saine. Cependant elle donne souvent aux étrangers des maux de ventre et, selon l'expression des Français, on lui paie tribut. D'ailleurs, si elle est quelquefois claire, elle est souvent trouble et limoneuse, de sorte que pour peu qu'on soit un peu délicat, on n'en veut pas boire. L'eau du Luxembourg, que l'on nomme aussi eau d'Arcueil, de son lieu d'origine, est beaucoup plus claire et plus pure. La plus grande partie du faubourg Saint-Germain se sert de cette eau, on l'y porte dans des seaux, dont chacun se vend un sou. 

La vie privée d'autrefois : arts et métiers, modes, mœurs, usages des Parisiens, du XIIe au XVIIIe siècle. 21 / d'après des documents originaux ou inédits par Alfred Franklin,...
1887-1902
 




Les merveilles de l'industrie, 1877. L'article d'où est tirée cette illustration décrit les différents procédés de filtrage.
Les fontaines marchandes qui vendaient leur eau aux porteurs d'eau étaient toutes équipées de filtres, et ce dès le XVIIIe siècle, mais les porteurs pouvaient, légalement ou non selon les époques, se fournir aux fontaines gratuites, voire directement dans la Seine. Le trafic des porteurs d'eau ira croissant jusque vers 1850, et disparaîtra totalement dans les années 1890. Les immigrés auvergnats qui exerçaient cette profession se reconvertiront alors dans les fameux vins et charbon (charbougnat), le charbon étant lui aussi monté dans les étages.


Les qualités de l'eau de Seine


Il résulte de tout ce que renferme cette dissertation :

1°. Que dans tous les endroits de la rivière où il est permis de puiser l'Eau de la Seine, elle est la plus légère, la plus agréable, & la plus salubre de toutes celles avec lesquelles les chimistes l'ont
comparée ;

2°. Que moyennant certaines précautions simples & faciles à être employées par tous les citoyens, elle est toujours assez claire, assez limpide, pour ne jamais produire de pesanteur à l'estomac, ni aucun effet contraire à la santé ;

3°. Que toutes les substances jetées à la rivière, ou qui y sont entraînées par les issues d'une grande ville, sont bientôt noyées, décomposées, détruites dans une masse énorme de fluide renouvelé sans cesse, & agité par un courant très-rapide ;

4°. Que les avantages d'une Eau de grande rivière sont incontestables, & que les inconvénients réels d'une Eau de petite rivière ne disparaissent qu'autant qu'en changeant de lit, elle reçoit plus de mouvement, elle est mêlée, enfin, à une quantité considérable de liquide.

(…)

10°. Que l'Eau de la Seine, en un mot, puisée à quelques distances des bords, soit qu'on nous l'apporte par les fontaines publiques, par les pompes à feu, ou quelques machines hydrauliques établies sur la rivière, a un caractère de bonté, de salubrité, qu'il serait bien à désirer pour le royaume & pour le genre humain, que toutes les Eaux qui couvrent la surface du globe possédassent à ce degré.

Ce n'est donc point à tort que les Parisiens se regardent comme favorisés par la nature, s'ils ne tarissent jamais sur les éloges de la Seine, s'ils s'enorgueillissent du bonheur de la voir couper en deux leur enceinte, s'ils soutiennent enfin, avec assurance, que cette rivière est la plus admirable de toutes les rivières, & ses Eaux les meilleures de toutes les Eaux ; cet éloge tient, à la vérité, un peu de l'enthousiasme ; mais ne doit-on pas le pardonner en faveur du motif? Il est si naturel aux bons cœurs de publier le bienfait qu'ils éprouvent tous les jours au-delà même de sa valeur réelle.

Au reste, l'opinion sur la salubrité constante de l'Eau de la Seine, a trop de partisans aujourd'hui pour craindre qu'à l'avenir on puisse l'attaquer ou la combattre avec quelques succès ; d'ailleurs, il n'est guère possible que le plus parfait des aliments, comme la plus excellente des boissons, réunisse tous les suffrages.

Dissertations sur la nature des eaux de la Seine
/ Antoine Parmentier, éd,de 1787



Pompe de la Samaritaine. Cette première pompe, actionnée par le courant du fleuve,
est restée en activité (bien modifiée) de 1602 à 1813, rendue inutile par les eaux du
canal de l'Ourcq. Elle alimentait le Louvre et les Tuileries. La pompe Notre Dame a
fonctionné de 1671 à 1858. Ill. Gallica.bnf.fr



Pendant longtemps, l'eau en mouvement est réputée saine, le mouvement même assurant sa salubrité. Cette théorie peut conduire à des conclusion aberrantes. Une nouvelle citation d'Antoine Parmentier :


Supposons un instant qu'un animal, mort depuis long-temps, soit jeté à la rivière, & que l'on puise de l'eau à une très petite distance du lieu où il est tombé, comme de trois à quatre pouces ; eh bien, il est certain qu'elle n'en sera pas plus malsaine, par la raison que l'eau qui y aborde ne fait que lécher, pour ainsi dire, la masse putréfiée, à cause de son passage rapide & de son renouvellement continuel ; elle ne peut en retirer que des atomes déjà décomposés, & qui par conséquent n'ont rien des produits de la putréfaction.

Qu arrive-t-il en effet, lorsqu'un animal se corrompt à l'air libre ? Tout le monde sait qu'il répand au loin une odeur infecte, d'autant plus insupportable, que la masse corrompue augmente toujours ; mais il n'en est pas de même dans une rivière : ici l'odeur est emportée dans l'instant même de sa putréfaction, & bientôt détruite. Comme cette, opération se fait successivement, il s'ensuit que l'animal ne porte avec lui aucune des qualités putréfiées qu'il répandrait s'il se pourrissoit à l'air libre ou dans une eau stagnante : on pourroit rapporter à cette opération, toutes les matières susceptibles de se détruire d'exhaler des corpuscules mal-sains lorsqu'on les jette à la rivière. 

Dictionnaire universel de police... / Nicolas-Toussaint des Essarts, 1786-1790.
 



Vue D'une partie des Aqueducs d'Arcueil, Marchand, Cécile (17..-18..). Gravure parue en 1810. C'est en 1628 que l'aqueduc Médicis, situé à la limite actuelle d'Arcueil et de Cachan, a été reconstruit. Il amenait les eaux de Rungis jusqu'au Palais du Luxembourg (actuel Sénat). Le surplus était gratuitement disponible pour les habitants des environs. Ill. Gallica.bnf.fr




Regard sur l'aqueduc Médicis. Hôpital La Rochefoucauld, XIVe ardt.





Voici, en 1786, une description de l'origine des eaux parisiennes :


Eau clarifiée.

Une machine hydraulique placée à la pointe de l'île Saint Louis, du coté du levant, fournit cette Eau à une grande partie des habitants : voiturée dans tous les quartier, elle s'y débite sur le pied de la voie, contenant 66 pintes.

Eau épurée.

Cette Eau provient des fontaines épuratoires imaginées & construites quai des Miramiones, Port au Bled & quai de l’École, par M. de Charancourt, Ingénieur de cette ville. Elles procurent une eau salubre & déchargée de toutes parties hétérogènes.

Eau de la Seine.

Trois pavillons construits par MM. Gilleron & Vachette ; savoir,
Un place de la Bastille.
La 2ème place du palais de Bourbon
Et le 3ème quai de la Conférence
Contiennent des réservoirs où l'Eau de la Seine arrive par des moyens mécaniques placés sur ses bords.

Eau du roi.

Cette Eau dont Sa Majesté fait usage se prend à Ville-d'Avray, près du parc de Saint Cloud. La fontaine est cadenassée. Louis XV en ayant permis la distribution à Paris, on trouve cette eau saine & limpide dans différents dépôts de cette ville, à un prix modique.

Eaux de Paris.

MM. Perrier frères, aussi connus par leur habileté pour la mécanique que par leurs qualités personnelles, sont à la tête de la Compagnie des Eaux de Paris, & les bureaux sont dans leur maison rue de la Chaussée d'Antin.

La capitale leur est redevable du précieux avantage d'avoir à fort bon marché, dans tous les temps de L'année & sans interruption, de l'Eau saine & en telle quantité que l'on puisse désirer : ce qui fournit un secours toujours prêt pour arrêter un Incendie naissant, la facilité d’arroser abondamment les rues pendant les sécheresses de l'été, d'en verser l'hiver une assez grande quantité pour entraîner dans tes égouts les glaces à demi-fondues qui rendent les rues impraticables.

(…)

Partout où l'on a rencontré des égouts, on a placé des robinets pour faciliter les moyens de les nettoyer.

La Compagnie des Eaux donne gratis toute l'eau nécessaire pour les Incendies et à cet effet, elle a établi dans les différents quartiers où des conduites principales ont passé des robinets dont M. le Commandant des Pompiers a la clef, & qui, dans tous les temps, peuvent fournir une quantité d'Eau si abondante & si prompte qu'en une demi-minute la plus grande voiture des Pompiers peut être remplie. Dans le cas où les incendies se trouveraient à la portée de ces robinets, ils fourniront un jet d'une très grande élévation, qui à lui seul suffira pour éteindre le feu le plus violent sans le secours des pompes.

(…)

Les fontaines de distribution pour les porteurs d'Eau à bricoles & les conducteurs d'Eau à tonneau, sont placées, à Chaillot, au Roule, porte Saint Honoré, chaussée d'Antin, porte Saint-Denis & rue du Temple. Dans tous les temps, les porteurs d'Eau peuvent aller remplir leurs tonneau & l'on a pris toutes les précautions nécessaires pour la facilité du service public.

La bonne qualité de ces Eaux a été reconnue par l'analyse qui en a été faite par MM. de la Société Royale de Médecine. Cette Compagnie, après avoir embrassé tout le boulevart du nord, se propose de former un pareil établissement sur le boulevart du midi, & de ceindre par ce moyen toute la ville.






Fontaine Maubuée. Angle de la rue Saint-Martin et de la rue de Venise, IVe ardt. Mentionnée dès 1392. Mau buée signifiait mauvaise lessive, car les eaux des sources du Nord étaient séléniteuses (chargée en gypse). La fontaine actuelle date de 1733. Elle a été placée ici lors de la construction du Centre Pompidou.




Regard des Maussins. Boulevard Sérurier, XIXe ardt. Déplacé ici au XIXe siècle lors de la construction du réservoir de Belleville. L'eau de Saint-Gervais alimentait l'enclos Saint-Lazare, celle de Belleville plusieurs fontaines jusqu'aux Halles.




Mercier, comme toujours, montre de l'intérieur le changement qui s'accomplit, partageant à la fois l'ironie des parisiens accoutumés à boire l'eau de Seine et les préoccupations toutes nouvelles des savants.



Eau de la Seine clarifié.




De quoi ne faisons nous pas marchandise dans cette ville extraordinaire ! Une compagnie se forme pour nous vendre l'eau de Seine. La compagnie en fait une espèce de liqueur dont elle vante la dépuration, à l'aide de trente mille imprimés qu'elle distribue. Elle étale des décrets de la faculté de médecine & des certificats de l'académie des sciences ; il ne manque plus que des lettres patentes, Elle établit des inspecteurs, des charretiers distributeurs de l'eau unique, un bureau, des commis. De quoi ne s'avise-t—on pas pour faire de l'argent dans ce séjour magique, puisqu'on nous y vend l'eau de la Seine, avec toute la pompe & l'éclat d'une merveilleuse entreprise!

(...)

On buvoit l'eau il y a vingt ans sans y faire beaucoup attention ; mais depuis que la famille des gaz, la race des acides & des sels ont paru sur l'horizon immédiatement après les pantins et les silhouettes, on réfléchit sur les annonces des Chymistes ; on s'est aperçu que tous les ruisseaux & les égouts souterrains allaient droit à la rivière : alors on s'est armé de toutes parts contre la méphytisme, Ce mot nouveau a retenti comme un tocsin formidable ; on a vu partout des gaz malfaisans, & les nerfs olfactoires sont devenus d'une sensibilité surprenante.

(...)

On a donc commencé par analyser l'eau ; & l'on réfléchit aujourd'hui, quand on en boit un verre, ce que ne faisaient pas nos ancêtres insoucians. On a analysé ensuite l'air, que ci-devant on respirait en tout lieu, sans s'enquérir du reste.
 

Tableau de Paris / Louis-Sébastien Mercier, 1783
 



La distribution exige un stockage en hauteur et un réseau de canalisations. Les sources du Nord alimentent les fontaines de la rive droite, les eaux de Rungis une partie de celles de la rive gauche. Les machines hydrauliques de la Samaritaine et de Notre Dame peuvent monter l'eau à une vingtaine de mètres et alimenter quelques fontaines, mais ce sont les machines à feu, c'est à dire les pompes activée par la vapeur, de Chaillot puis du Gros Caillou qui amorcent la révolution du réseau.


Les pompes à feu des frères Périer furent les premières machines à vapeur installées
en France. La première était un modèle de James Watt. L'énorme retard avec
l'Angleterre ne sera rattrapé qu'à la fin du Second Empire. Ill. CNAM.



Ces pompes à vapeur peuvent en effet fournir une quantité d'eau bien supérieure et, pour la pompe de Chaillot, la stocker à 55 mètres au dessus du niveau de la Seine, dans le réservoir de Passy d'où elle peut alimenter une grande partie de la rive droite. Un premier projet de canalisations générales à travers la ville, pour les besoins de la voirie, la fourniture des fontaines marchandes, la lutte contre les incendies et la fourniture à domicile par abonnement est mis en place, inspiré du modèle déjà réalisé de la ville de Londres. L'eau, qui est livrée de manière intermittente dans des réservoirs particuliers, est bien moins chère que celle livrée par les porteurs d'eau, et la pression permettrait au téméraire qui laisserait installer des tuyaux chez lui de la monter jusqu'au premier étage.
Les personnes qui voudront la faire monter dans les étages supérieurs, peuvent se procurer, comme on le fait à Londres, de petites machines peu dispendieuses, qui, recevant leur mouvement de l'eau versée dans le réservoir de l'abonnement, en remonteront une partie aussi haut qu'on le voudra. Les sieurs Perrier fourniront ces machines à tous ceux qui en désireront. Dictionnaire Universel de police...
Ce sera un échec puisque ce système prometteur n'obtiendra au final que 47 abonnés.



La première esquisse de réseau moderne est un échec commercial. Certes, nous aimons beaucoup le
progrès ; mais nous l'aimons à notre manière. C'est une passion fort ardente en paroles et très calme
dans les actes. Nous ne sommes jamais pressés d'en finir avec nos vieilles habitudes
écrira Hausmann
en 1858. Ill. Gallica.bnf.fr



Il a été victime de l'opposition et de la concurrence des porteurs d'eau, de la présence des fontaines publiques, de la peur des propriétaires, justement effrayés par la perspective des fuites entraînées par l'installation de tuyaux sous pression dans leurs immeubles (le plâtre parisien étant autrement sensible à l'humidité que la brique londonienne), et enfin de spéculations boursières. De plus, obligée par l'accord conclu avec la ville de fournir aussi des fontaines marchandes réservées aux porteurs d'eau, la Compagnie des eaux de Paris freinait elle-même son extension aux particuliers. Les machines et l'embryon de réseau fut acheté par la ville en 1788.




Fontaine dite de Neptune, 86 rue du Cherche Midi, VIe ardt. 2e moitié du XIXe siècle ? Il ne reste sans doute
plus aucune trace des premières arrivées d'eau dans les cours des immeubles des 47 abonnés à la Compagnie
des eaux de Paris. On ne sait si elles avaient cet aspect monumental...



ou s'il s'agissait d'installations modestes, comme on en trouvera par la suite dans presque toutes les cours d'immeubles. Borne-fontaine en fonte de fer, modèle de la Société du Val d'Osne (n° 11955 bis pour être précis), dans une cour des années 1840-1850. 41-47 rue des Martyrs, IXe ardt. Si l'on en croit Beaumarchais : "A l'égard de la dépense des réservoirs, & des tuyaux de distribution dans l'intérieur des maisons, elle varie suivant le local & la volonté des particuliers & plusieurs des abonnés n'ont dépensé que trente francs : ils ont pris un tonneau pour réservoir & l'ont placé près de la rue pour épargner la longueur du tuyau de plomb qui conduit l'Eau chez eux."


Pour aller plus loin, on peut se reporter, outre les nombreux liens inclus dans ce billet, à :

-Les eaux de Paris, leur état présent, leur passé, leur avenir / Louis Figuier, 1862

-Paris, ses organes, ses fonctions / Maxime du Camp, 1875, ou cet extrait

-L'article Fontaines publiques du Dictionnaire universel de police de Nicolas-Toussaint des Essarts compile une mine d'informations sur l'alimentation en eau avant et pendant la Révolution  

-Et l'indispensable L'eau à Paris au 19e siècle / Philippe Cebron de Lisle, 1991

Et attendre la suite de ce billet

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