samedi 24 mars 2012

Postérité d'Antinoüs





Auteur inconnu actuellement, XIXe siècle, cour du 22 rue Dussoubs, IIe ardt
Mise à jour du 24 décembre 2012 : Il s'agit d'une décoration de fontaine créée par MATHURIN MOREAU ( 1822-1912 ) pour les fonderie du Val D'Osne, vers 1860.





Comment cette statue d'enfant égyptien porteur d'eau, rencontrée dans une cour parisienne, nous fait remonter jusqu'aux amours gréco-romaines de l'empereur Hadrien et d'Antinoüs.









L'empereur Hadrien et son favori Antinoüs, statues romaines, Vers 130 après J.C., British Museum, infographie de Fantelin









ANTINOUS, mignon de l'Empereur Hadrien, étoit natif de Bithyne, dans la Bithynie. On ne trouve rien touchant sa famille. Sa beauté embrasa de telle sorte le cœur d'Hadrien, qu'on n'a jamais vu de passion plus effrénée, ni plus extravagante, que celle de cet Empereur pour ce jeune homme. Cette passion ne se montra jamais plus furieuse, qu'après la mort d'Antinoüs, car il n'y eut point d'honneurs divins qu'Hadrien trouvât trop sublimes pour cet objet de son amour. Quelques uns disent qu'Antinoüs lui avoit donné la plus grande marque d'affection qu'on puisse donner ; c'est à dire, qu'il étoit mort pour lui. D'autres assurent qu'il se noya dans le Nil, pendant le séjour qu'Hadrien fit en Égypte, environ l'an 132 de l'ère chrétienne. Quoiqu'il en soit, cet empereur le pleura à chaudes larmes, & voulut qu'on lui bâtit des temples & des autels, ce qui fut exécuté avec tout l'empressement qu'on pouvoit attendre d'une nation accoutumée depuis longtemps aux plus honteuses flatteries. Il voulut même que l'on fût persuadé qu'Antinoüs rendoit des oracles. Il en courut quelques uns sur ce pied là ; mais on ne laissoit pas de croire qu'Hadrien les avoit forgés. Il fit rebâtir la ville où son mignon étoit mort, & il ordonna qu'elle portât le nom de ce favori. Il étoit bien aise qu'on lui vint dire qu'on voioit au ciel un nouvel astre, qui étoit l'âme d'Antinoüs, & il disoit lui-même qu'il voioit l'étoile d'Antinoüs.
Dictionnaire historique et critique, volume 1, par Pierre Bayle, 1740



L'Antinous Albani, musées capitolins de Rome, dessin à la sanguine et à la mine de plomb de François Baillairgé, vers 1778-1781, Musée des Beaux Arts du Canada.







ANTINOEIA, sacrifices offerts chaque année, & jeux célébrés tous les cinq ans en l'honneur d'Antinoüs. L'empereur Hadrien les établit à Mantinée dans l'Arcadie ; selon Pausanias, dans ses Arcadiques. On en célébroit aussi à Argos.
ANTINOIA. Les égyptiens voulant plaire à Hadrien, portèrent l'adulation jusqu'à donner le nom de son favori aux fleurs de Lotus, qu'ils appelèrent Antinoia. ANTINOUS, jeune Bithynien, favori de l'empereur Hadrien, qui se noya dans le Nil. Ce prince voulut le faire regarder comme un Dieu ; il bâtit en son honneur, une ville en Égypte, nommée Antinopolis ; & dans cette ville, un temple magnifique, avec cette inscription : A Antinoüs, Synthrone des dieux d’Égypte ; c'est-à-dire, partageant le même trône que les dieux de l'Égypte. Pour complaire à Hadrien, on assura qu'il rendoit des oracles ; & c'étoit Hadrien lui-même qui les composoit. Le culte de cette nouvelle divinité étoit encore en vigueur sous l'empire de Valentinien.
La passion d'Hadrien pour ce beau jeune homme fut si violente, que les Romains s'empressèrent d'en multiplier les représentations pour lui complaire.
On ne doit donc pas s'étonner du grand nombre qui subsiste encore, & que nous allons décrire d'après Winkelmann, dont nous copierons les savantes observations.








Antinous en Osiris, Marbre, après 130 après J.C., Musée du Louvre





Il faut remarquer d'abord, en général, que les représentations d'Antinoüs sont toutes faites dans le style égyptien, tel cependant que les Grecs le modifièrent sous les Lagides. Les égyptiens voulant obtenir d'Hadrien le pardon du malheur involontaire qu'avoit causé leur fleuve chéri, en engloutissant dans ses ondes le jeune Bithynien, le déifièrent les premiers, & lui rendirent un culte public. C'est pourquoi les statues d'Antinoüs sont exécutées sur le modèle des statues égyptiennes, & ressemblent à celle qui étoit honorée avec son tombeau dans la ville qui en prit le nom d'Antinoée. Elles ont toutes une position roide, & les bras pendants perpendiculairement, selon le style des anciennes figures égyptiennes. Hadrien, de son côté, voulant engager tous les habitants de l’Égypte à rendre un culte à la représentation de son favori, lui donna la forme que ce peuple sembloit avoir adoptée exclusivement.
Ce style est plus remarquable aux deux statues d'Antinoüs de granit rougeâtre, qui sont placées à Tivoli contre le palais épiscopal. Elles sont grandes presque deux fois comme le naturel, adossées, comme les anciennes statues des égyptiens, contre une colonne angulaire, & de plus, caractérisées par des hiéroglyphes. Elles ont les hanches & la partie inférieure du corps couvertes d'un tablier, & la tête couverte d'un bonnet avec deux bandes unies qui descendent en avant. Ces statues portent sur la tête une corbeille, comme les cariatides ; & la corbeille & la figure sont faites du même morceau. Comme elles ressemblent en général aux ouvrages égyptiens du premier style, soit pour l’attitude, soit pour la forme, il ne faut pas s’étonner de ce que la plupart des auteurs qui ont écrit sur l'art, les ont méconnues, & leur ont assigné la plus haute antiquité.
On s'est arrêté à la forme apparente, sans examiner en détail les parties qui pouvoient seules démontrer le contraire. La poitrine, qui étoit aplatie sous le ciseau des sculpteurs de l'ancien style égyptien, se trouve à celle-ci haute & imposante. Les côtes au-dessous de la poitrine, qui n'étoient point du tout apparentes, sont ici très fortement indiquées. Jadis, le corps étoit fort grêle au-dessus des hanches ; dans celles-ci, il paroit dans toute fa plénitude. Dans celles-ci, les articulations des genoux sont plus distinctes, que dans les anciennes, & les muscles des bras & des autres parties frappent d'abord les yeux. Les omoplates, à peine indiquées dans les anciennes figures, s'élèvent dans les dernières avec un arrondissement très prononcé ; & les pieds approchent de bien près de la forme grecque.
La plus grande différence se trouve dans le visage, dont le faire n'est absolument point égyptien, & dans les airs de tête qui ne ressemblent pas à ceux de cette nation. Les yeux ne sont point à fleur de tête comme dans la nature & dans les plus anciennes têtes égyptiennes ; ils sont, au contraire, très enfoncés, d'après le système grec, pour relever l'os de l'œil, & pour ménager un effet de lumière & d'ombre. Avec toutes ces formes grecques, on y voit encore une physionomie entièrement ressemblante à celle de l'Antinoüs sculpté dans le style grec ; ce qui a fait croire à Winkelmann que ces statues offroient une représentation égyptienne de ce beau jeune homme.





Antinoüs en Osiris, Marbre découvert dans la Villa d'Hadrien en 1738-39, Vers 130 après J.C. Musée Gregoriano Egizio, Cité du Vatican, source  Wikimedia Commons




L' Antinoüs égyptien du muséum capitolin, décèle encore mieux le style mêlé de l'égyptien & du grec ; cette statue étant détachée de tout côté, sans être adossée contre une colonne : elle est un peu au-dessus du naturel.


L’encyclopédie Méthodique, Antiquités, Mythologie, Tome Premier, édité par Diderot et d'Alembert, 1786.








Copie libre des Osiris-Antinous trouvés à la villa Hadriana de Tivoli
Collection Borghèse, Guillaume Grandjacquet (1731 1801), Musée du Louvre.












Fontaine du Fellah, Sculpture de Jean-François Théodore Gechter, d'après la statue initiale de Pierre Nicolas Beauvallet vers 1809, lui même reprenant  L'Antinoüs Osiris du musée Gregoriano Egizio, ou une variante similaire, 42 rue de Sèvres, VIIe ardt









Depuis François 1er jusqu'à nos jours, et surtout sous les règnes de Louis XIV et de Louis XV, Paris s'agrandissant chaque jour, on multiplia les fontaines et on les décora avec plus de magnificence. Cependant, malgré les soins et les dépenses de différents monarques, il s'en fallait de beaucoup que l'on possédât à Paris la quantité d'eau nécessaire à une ville aussi populeuse. On a évalué à un pouce d'eau, et cela en ne donnant rien au superflu, la consommation journalière de mille habitants. Or toutes les conduites, dans le meilleur état, n'en fournissaient pas cent, lorsque l'on comptait déjà plus de 600 mille citoyens.
Mais le puissant génie qui ne néglige rien de ce qui peut contribuer a la salubrité et à l'embellissement de la capitale de son vaste Empire, a ordonné, par un décret du 2 mai 1806, qu'à l'avenir toutes les machines hydrauliques seraient soigneusement entretenues, que l'eau coulerait jour et nuit dans toutes les fontaines, et qu'on en élèverait quinze, nouvelles sur les emplacements suivants, savoir:
Dans le marché des Jacobins ; au Château-d'eau , place du Tribunal ; au-dessus de l’égout de la place des Trois-Maries ; sur la place et en face du portail Notre-Dame ; à l'extrémité du Pont-au-Change ; au pied du Regard ; rue des Lions-Saint-Paul ; rue de Popincourt, vis-à-vis la caserne ; sur la place du Palais des Arts ; rue de Sèvres, près des Incurables ( La fontaine du fellah N.D.R. ) ; sur la place Saint-Sulpice ; au coin des rues du Regard et de Vaugirard ; à la façade du Lycée Bonaparte, rue de Caumartin ; rue Mouffetard, et au carrefour qui termine la rue du Jardin des Plantes.
Presque toutes ces fontaines sont déjà achevées, et l'on commence à jouir des avantages qu'elles procurent, tant pour la consommation domestique que pour la salubrité générale. Empressons-nous donc de témoigner ici, avec tous les citoyens de Paris, notre reconnaissance au gouvernement protecteur qui s'occupe si constamment du soin d'embellir et d'assainir cette grande ville. Nous lui devrons bientôt encore de nouvelles actions de grâces, car. en augmentant ainsi le nombre des fontaines, il a eu probablement l'intention d'accroître de beaucoup les moyens d'y amener de l'eau. L'embranchement du canal de l'Ourcq qui est destiné à l'irrigation d'un des quartiers les plus populeux, ne laisse même aucun doute à cet égard.
Mercure de France, Volume 44, octobre 1810
Fontaine du Fellah, Sculpture de Jean-François Théodore Gechter, d'après la statue initiale de Pierre Nicolas Beauvallet vers 1809, lui même reprenant  L'Antinoüs Osiris romain, 42 rue de Sèvres, VIIe ardt








EXTRAIT DES MINUTES DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT.
Au palais de Saint-Cloud, le 2 mai 1806.

Napoléon, Empereur des Français et roi d'Italie ;

Décret impérial qui ordonne l'érection de quinze nouvelles fontaines. 1806.
Sur le Rapport de notre ministre de l'intérieur, nous avons décrèté et décrétons ce qui suit :

TITRE Ier. Art. 1. A dater du 1er juillet prochain, l'eau coulera dans toutes les fontaines de Paris, le jour et la nuit, de manière à pourvoir non-seulement aux services publics et aux besoins particuliers, mais encore à rafraîchir l'atmosphère et à laver les rues.
2. Les vingt-neuf fontaines suivantes continueront d'être alimentées par la pompe Notre-Dame ; savoir :
( … )

TITRE II
Art. 7. Il sera érigé, dans la ville de Paris, quinze nouvelles fontaines dont les projets seront soumis à l'approbation de notre ministre de l'intérieur.
Elles seront établies dans les emplacements ci-après désignés ; savoir :
hors des barrières ;
Dans le marché des Jacobins, rue Saint-Honoré ;
Au château-d'eau de la place du Tribunat ;
Au-dessus de l’Égout, place des Trois-Maries ;
Sur la nouvelle place à l'extrémité du Pont-au-Change ;
Au pied du regard Saint-Jean-le-Bond, adossé à une des faces latérales de l'église Notre-Dame;
Au pied du regard des Lions-Saint-Paul ;
Rue de Popincourt, vis-à-vis la caserne ;
Rue Saint-Dominique, au Gros-Caillou, vis-à-vis la caserne ;
Sur la place du Palais des Arts ;
Rue de Sèvres, aux Incurables; ( celle dont il est ici question )
Sur la place du carrefour des rues de Vaugirard, d'Assas et de l'Ouest ;
Sur la place Saint-Sulpice ;
Sur la place au-devant du Lycée Bonaparte, rue de Caumartin ;
Rue Mouffetard, entre les rues Censier et Fer-à-Moulin ;
Au carrefour qui termine la rue du Jardin des Plantes.

8. Ces fontaines seront alimentées par les pompes à vapeur et par les établissements hydrauliques actuellement existant, et il sera fait tous les branchements et raccordements nécessaires à cet effet.

TITRE III.
Article 9. Les frais de premier établissement, branchements, raccordements, communications et autres, nécessités par les dispositions du présent décret, seront supportés par le trésor public.
Une somme de cinq cent quarante mille francs sera mise, pour cet objet, à la disposition de notre ministre de l'intérieur, sur les fonds particuliers de son ministère.
10. Tous les matériaux actuellement existants dans les magasins de la ville de Paris, et mis en réserve pour les établissements hydrauliques, seront exclusivement employés aux travaux ordonnés ci-dessus et autres y relatifs.
11. La ville de Paris supportera, à l'avenir, tous les frais d'entretien.
12. Nos ministres de l'intérieur, des finances et du trésor public, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret.

Signé NAPOLÉON.
Par l'Empereur:
Le secrétaire d'état, signé Hugues B. Maret.
Mémoires sur le canal de l'Ourcq et la distribution de ses eaux, Tome 2, P.-S. Girard, 1843.





 Moulage en plâtre de L'Antinoüs Osiris porteur d'eau, cour du18 bis rue Henri Barbusse, Ve ardt.













Serait-ce Antinoüs enfant ? Auteur inconnu actuellement, XIXe siècle, cour du 22 rue Dussoubs, IIe ardt
Décoration de fontaine créée par Mathurin Moreau vers 1860 pour les fonderies industrielles du Val d'Osne.











Catalogue N° 2 des fonderies du Val d'Osne, planche 514, 1861, auteur de la décoration : Mathurin Moreau







Catalogue N° 2 des fonderies du Val d'Osne, planche 582, 1864, auteur de la décoration : Mathurin Moreau











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