vendredi 31 janvier 2014

Bacchanales d'enfants 4 : Jeux et Saisons 2





Jeux d'eau, les enfants s'ébattent dans une rivière ou un étang, ce qui peut symboliser l'été,  29 rue Bayen, XVIIe ardt, 1901.



Où nous retrouvons les Génies, les Esprits et les Amours, parents d’Éros et Cupidon et leurs frères les putti et satyreaux dans leurs aventures sculptées, peintes et gravées. Arrivés à ce quatrième billet, il faut bien avouer leur prolifération au cours des siècles, avec des hauts et des bas, mais sans totale discontinuité. Présents sous la forme d'une nombreuse population dans l'Antiquité, ils subsistent en pointillé au Moyen-Age, font un retour en force à la Renaissance, pour une apogée atteinte au XVIIIe siècle, au prix d'une édulcoration de leur nature initiale. Voici une moisson supplémentaire de bas-reliefs parisiens et banlieusards exposant leurs jeux, occupations, symbolisant les saisons. Et l'on peut penser à tous ces moulages où ils s'ébattent, encore cachés dans les cours et les couloirs des immeubles, répétant des modèles connus ou offrant de nouvelles compositions. La vie des putti au sein des bacchanales d'enfants est omniprésente et sans fin.








Figures de miniaturisation de l’humain

Des lolitos aux angelots
L´étrange aventure des putti

Les putti règnent, minuscules, sur l’art occidental. Que ce soit dans les tombeaux respectables des églises, dans les ascensions des Madones, des Christs ou des saints, dans les fontaines municipales ou les jardins bucoliques ou encore dans les monuments civiques les plus sévères, ces êtres miniaturisés, à mi-chemin de l’enfant et du nain, étalent avec complaisance leurs sexes décomplexés. Néanmoins, comme pour le nu féminin ou masculin, la composante érotique de leur représentation a été délibérément minimisée par une longue tradition de pruderie critique malgré les sourires narquois des « esprits forts » et des « connaisseurs » érotomanes. Ostracisé par le tabou croissant qui suit le nouveau culte (« vertueux », cette fois-ci) de l’enfance prôné par les sociétés bourgeoises, l’érotisme premier et originaire des putti entrerait désormais dans la catégorie médico-légale de la perversion.
Or on ne peut réduire le putto à une représentation de l’enfance. Témoignant néanmoins du sentiment de celle-ci (qui précède, comme le démontrèrent J. P. Néraudeau et d’autres, la construction moderne de l’enfance bourgeoise qu’a étudié P. Ariès et que l’on a trop vite généralisé), le putto s’en éloigne car il hérite d’une tradition sacrée allégorisée puis intellectualisée bien plus profonde. Créature véritablement fantastique, il incarne, oxymore vivant ou « concordia discors » somatisé, le rêve (impossible) d’une réconciliation entre innocence et sexualité. S’agit-il alors, reprenant une des plus célèbres incarnations du putto moderne – déjà teintée par le voile mélancolique de la perversité – d’un « peter-panisme » profondément occidental ? Il s’agira, dans cette modeste contribution au très vaste sujet de ces petites créatures fantastiques, de réfléchir à la puttomanie qui traverse l’art hellénistique jusqu’au christianisme puis l’art pré-moderne, de la Renaissance au rococo.
Revue d'étude culturelle en ligne, Figures de miniaturisation de l’humain , Des lolitos aux angelots : l’étrange aventure des putti, A. Dominguez Leiva.





Pour certains chrétiens pointilleux du XIXe siècle il ne fallait pas confondre les marmots vulgaires et les Anges :

C'est surtout les corps d'enfants employés dans leur entier, que nous aimons peu pour représenter les Anges. Si toutefois on doit les tolérer, qu'on leur applique du moins les mêmes observations qu'aux têtes ailées ; que, soit dans leurs formes, soit dans leur attitude, ils ne puissent être confondus avec le vulgaire des enfants. Cette confusion était arrivée à un tel point en Italie, dans les siècles derniers, que l'on ne savait plus si, sous le nom fort usité de putti, on devait entendre des Anges ou des enfants de fantaisie. Pour les Anges, les formes seront plus sveltes, elles auront plus de fermeté ; l'altitude sera celle que veulent la maturité du jugement et la dignité des habitudes, toujours associées à la grâce, à une joie non pareille. Il ne faut pas perdre de vue non plus que les Anges se servent de nos membres pour indiquer des actions analogues aux nôtres, mais que leur puissance s'exerce sans qu'ils aient besoin d'aucun effort musculaire. Observation qui sera développée lorsque nous nous occuperons plus spécialement des fonctions de ces esprits célestes.
Guide de l'art chrétien : études d'esthétique et d'iconographie, tome 3,  par le Comte de Grimoüard de Saint-Laurent, 1872-1875.




Dauphins.




Gravure du début du XIXe siècle d'une fresque de Herculanum, ville appelée anciennement Resina, maintenant Ercolano. Légende ci-dessous.





PLANCHE 89.
Deux Génies ailés, tirés par des dauphins, font le sujet de cette peinture, qui a été trouvée dans les fouilles de Résine, le 6 août 1748. L'ensemble de ce tableau est gracieux et plein de goût, et les détails ne manquent pas d'originalité. Les dauphins étaient dédiés à Vénus, et traînaient sur la mer le char de l'Amour : on connaît d'ailleurs la sympathie de ces animaux pour les hommes, et surtout pour les petits garçons et pour les jeunes filles ; ils sont ici attelés sous le joug, et produisent un effet agréable et pittoresque. Il y a de l'enjouement et de la gentillesse dans l'idée qu'a eue l'artiste de nous représenter un de ces deux petits Génies endormi et se laissant choir dans la mer.
On voit assez souvent sur des marbres ou sur des pierres fines des Génies pareils à ceux-ci, traînés dans des chars. Les ailes qu'on leur donne sont sans doute destinées à exprimer la rapidité de leur course, et c'est aussi dans ce but que les conducteurs des chars, dans les courses du cirque, se mettaient quelquefois des ailes au dos. Un jaspe rouge de l'Agostini nous montre un petit Amour traîné dans un char par deux dauphins, qu'il guide avec les rênes et qu'il stimule avec le fouet. Mais ils ne sont pas, comme ceux qu'on voit dans cette planche, attelés sous le joug.






Quatre bas reliefs parisien et banlieusards, variante d'une même composition :



Enfants et Dauphin, bas relief peu lisible à cause des couches de badigeon, 70 boulevard Voltaire, Asnières sur Seine, Hauts de Seine








Même composition, hall du 18 rue de Provence, IXe ardt.





La même composition ; on remarquera une nouvelle espèce : l' enfant sirène, ou "sireneau?" dont le bas du corps est une queue de poisson, 9 rue Sadi Carnot, Montrouge, Hauts de Seine





Une quatrième version en pierre, au relief bien lisible, place des États-Unis, angle avenue d'Iéna, XVIe ardt.












Nous retrouvons l'iconographie de l'Amour chevauchant un Dauphin. Planche de L'Antiquité expliquée et représentée en figures. Cupidon allias Éros, est aussi un Amour. 1719.
 






Gravure de F.A. David, dans "Statues et Médailles qui se trouvent à Florence", commentaire ci-dessous.
A remarquer : ce dessin est tiré du même modèle que la gravure en haut à gauche de la planche Cupidon précédente,








Planche LXX.

A M O R  A   D E L P H I N I S  V E C T U S.
L'AMOUR PORTÉ PAR DEUX DAUPHINS.

CHARMANTE allégorie pour montrer l'empire de l'Amour jusques sur les habitans de la mer.
« Dans un temple de Neptune ( dit Pierius Valerianus ) on voyoit faict d'or & d'ivoire, Palemon assis sur un dauphin ; les matelots adressent leurs vœux à Palemon, divinité protectrice des voyageurs sur mer.
Strabon écrit que les Asiatiques avoyent en leurs monnaies un enfant assis sur un dauphin.
Un jeune enfant tombé dans la mer & soutenu par un dauphin, ce qui aura donné le temps de le secourir, est vraisemblablement l'origine de cette espèce d'usage, de représenter l'Amour chevauchant sur un dauphin. Il n'en falloit pas plus pour exercer l'imagination des anciens amis du merveilleux.
Le même Pierius raconte qu'une jeune fille lesbienne ( De l'ile de Lesbos, N.d.r.), qui tomba en l'eau avec son amoureux, fut sauvée par des dauphins. Au demeurant, ce poisson estoit anciennement tant honoré qu'on pensoit être illicite de l’offenser. Ce qui dure encore de nostre temps. Car il y en a qui font conscience de tuer ou manger le dauphin, pour ce qu'il a quelque communauté avec l'homme, & qu'il est secourable envers les navigans.
Quant à ce que l'on met un dauphin avec l'image de Bacchus, c'est pour ce que le vin mêlé avec l'eau de la mer en est de meilleure garde, comme écrit Columelle.
On dédioit à Apollon des dauphins aussi bien qu'a Neptune & a Bacchus ( & surtout à l'Amour ). En Grèce, on voyoit plusieurs autels d'Apollon ornés de la figure d'un dauphin. Aucuns disent que ce dieu des poètes aborda en Delphe, sous la forme d'un dauphin. Et le nom du poisson devint bientôt celui de la ville. Apollon sortoit de l’ile de Crète.
Dans l'anthologie grecque, on lit une épigramme qui rend raison de ce que pour l’ordinaire on représente l'Amour ou Cupidon menant en laisse un dauphin. D'ailleurs, ce poisson est très léger ; c'est un nouveau rapport avec le dieu des amans et des femmes.
Aussi voit-on ( dit toujours Pierius ) cet enfant-amour en plusieurs statues de Vénus, assis sur un dauphin qu'il gouverne.

Le Muséum de Florence : Pierres antiques, par François-Anne David et S. Maréchal, An IX (1801).








Bibliothèque Paul Marmottan, 7 place Denfert-Rochereau, Boulogne Billancourt, Hauts de Seine. On retrouve l'exacte iconographie de la planche de l’Antiquité expliquée et représentée en figures reproduite un peu plus haut. Fin XIXe siècle.








Bibliothèque Paul Marmottan, 7 place Denfert-Rochereau, Boulogne Billancourt, Hauts de Seine. On retrouve l'exacte iconographie de la planche de l’Antiquité expliquée et représentée en figures reproduite un peu plus haut. Fin XIXe siècle.




Épisode des Métamorphoses d'Ovide gravé par Bernard Salomon, 1557 : " Bacchus, après avoir loué un bateau à des marins tyrrhéniens, s'aperçoit que ce sont des pirates. Le dieu remplit le bateau d'animaux fantômes et les marins, paniqués, sautèrent à l'eau où ils furent transformés en dauphin." Source BNF.







Avec le Lion


Amour chevauchant un lion,  Planche de L'Antiquité expliquée et représentée en figures 1719





Putti et Lion, plaque d’albâtre sculptée, XIXe siècle, Marché de l'Art.






Les temples de Bacchus étoient aussi fort fréquents chez les Grecs & chez les Romains. Il y en avoit un à Samos, touchant la fondation duquel Pline rapporte un fait fort singulier. Elpis Samien ayant abordé en Afrique, & étant descendu sur terre trouva un lion, qui la gueule béante sembloit le menacer : il s'enfuit, & monta sur un arbre après avoir invoqué Bacchus ; car on a ordinairement recours aux vœux, quand l'espérance est à bout. Le lion qui pouvoit facilement atteindre Elpis, ne courut pas après lui ; mais il vint ensuite se coucher sous l'arbre, ouvrant toujours sa grande gueule, non pour l'effrayer, mais plutôt pour l'exciter à compassion. C'est que mangeant avec trop d'avidité, un os s'étoit fiché entre ses dents ; & cela l'empêchant de manger, il étoit fort tourmenté de la faim. Ce lion regardoit Elpis, se tenant exposé à ses traits, s'il avoit voulu lui nuire ; & sembloit le supplier de lui tendre sa main officieuse. Elpis retenu par la peur, & encore plus par l'admiration, fut quelques temps sans se mouvoir : mais il descendit enfin, & le lion s'approchant de lui, & lui présentant sa gueule ouverte, il lui arracha l'os. On racontoit que pendant tout le temps que ce navire resta sur la côte, le lion ne manquoit pas de lui apporter souvent quelques pièces de venaison. Elpis de retour à Samos bâtit un temple à Bacchus, qu'on appela le temple de Bacchus à la gueule béante, par allusion à l'événement, qui fut la cause de sa fondation.
L'antiquité expliquée et représentée en figures: tome second, par Dom Bernard de Monfaucon, 1722.






Enfants et lion, un fauve plutôt bonasse. plâtre ou stuc, 9 rue Sadi Carnot, Montrouge, Hauts de Seine






Même composition, bas relief peu lisible à cause des couches de badigeon, 70 boulevard Voltaire, Asnières sur Seine, Hauts de Seine











Bas relief en plâtre encadré photographié aux Puces.








La Panthère


La Panthère de Bacchus défendant ses petits, stuc, 1782, par Clodion, musée du Louvre, élément de décor de la cour d'honneur de l'hôtel Bourbon-Condé à Paris





Dans l'opinion des anciens, les panthères passaient pour aimer beaucoup le vin. Les mythologues, et d'après eux les poètes, prétendaient que ces animaux avaient été originairement des femmes trop friandes de la liqueur de Bacchus, lesquelles, en châtiment de ce défaut, avaient subi la cruelle métamorphose. Les naturalistes et les chasseurs (Oppien, Cynég., liv. IV, v. 231 ) affirmaient que, pour prendre les panthères, le plus sûr moyen était de placer auprès de leurs retraites une jatte pleine de vin, et qu'elles ne manqueraient pas de venir s'y abreuver. C'est à de telles traditions qu'il faut rapporter l'usage adopté dans les monuments de la sculpture ou de la numismatique anciennes de représenter Bacchus monté sur une panthère ou lui versant à boire. 


La Panthère de Bacchus défendant ses petits, détail, stuc, 1782, par Clodion, musée du Louvre, élément de décor de la cour d'honneur de l'hôtel Bourbon-Condé à Paris. A noter : le profil d'un faune, à moins que ce ne soit Bacchus en personne, apparait dans le feuillage en haut à gauche.






Triomphe de Bacchus, Sarcophage Romain, IIIe siècle, Musée gallo-romain de Lyon, image Wiki Commons. Une panthère tire le char du Dieu.






Des lolitos aux angelots
L´étrange aventure des putti ( autres extraits ).
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Ainsi c’est pendant le « rococo hellénistique », alors qu’abondent les œuvres explicitement érotiques telles que le groupe d’Eros et Psyché ou Pan brutalisant une chèvre ou encore celui de l’hermaphrodite se débattant avec un satyre, que le putto triomphe sans conteste. Il est « partout dans l’art romain» comme le signale D. Strong. Il se substitue (par une loi de substitution des putti) à l’Eros adolescent mais se joint aussi (par une loi d’association) avec le cortège de Bacchus, parvenant même à prendre la place du dieu lui-même. Associé à Vénus, c’est lui qui s’occupe de désarmer Mars, devenant (loi de promotion des putti) un servant de plus en plus proche de sa maîtresse, jusqu’à usurper le rôle de Cupidon lui-même dans ses ébats incestueux avec la Génitrix.
Dans l’art funèbre il symbolise, si en pleurs, la mort, si souriant, la survie joyeuse dans l’au-delà. Il remplace aussi les Saisons et se diversifie (loi de la diversification) en aurige, athlète, voyageur, chasseur et toute autre activité propre aux scènes de genre, devenant souvent acteur principal de ce « réalisme bas » qui est de l’ordre de la rhétorique. Il est aussi un élément central des décorations maniéristes, emportant des guirlandes ou jouant au milieu des arabesques formées par des feuillages. C’est ainsi qu’il deviendra une figure ornementale majeure dans la grammaire des formes architecturales. Il passe ainsi du religieux au décoratif, du funèbre au festif, empruntant parfois le chemin inverse, accompagnant des motifs précis hérités des « scènes de genre » humoristiques. C’est dire la polyvalence incroyable de ce petit être sur lequel viennent se greffer, par la suite, quantité d’autres - de l’enfant au pygmée et au nain proprement dit.






Triomphe de Bacchus, où le dieu lui-même est un putto, où son char est tiré par les "traditionnelles" panthères et où il est accompagné de putti et de satyreaux. Version légèrement satirique en comparaison du bas-relief gallo-romain précédent. Hôtel Gouthière, conservatoire Hector Berlioz, 6 rue Pierre Bullet, Xe ardt.






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Tantôt ailés, tantôt aptères, d’abord volant (comme les daimones et d’autres divinités éoliennes dont il partage des attributs) tantôt « terrestres », couronnés par des coiffures « humanisées » qui suivent les modes des enfants romains, les putti virevoltent, marchent, courent, prennent leur élan, s’accroupissent, s’arrêtent pour regarder derrière eux ou se tiennent en équilibre sur une jambe selon une variété illimitée d’attitudes qui témoignent de leur vitalisme essentiel, à image de la force génésiaque dont ils sont le lointain avatar miniaturisé. Ils prolifèrent, se dédoublant jusqu’à constituer souvent une société lilliputienne qui singe les jeux des enfants, « représentants de cette classe d’âge dans la société divine » mais aussi les activités les plus sérieuses des adultes.
Ils circulent dans tous les supports, des lampes d’argile aux oscilli, des poignées de vase aux bibelots, fétiches et jouets les plus variés, des mosaïques aux fresques et aux sculptures, des autels aux sarcophages. Ils transitent aussi allègrement dans le tissu des mythes, selon une logique « expansionniste » et « annexionniste » qui semble illustrer le dictum ovidien « Omnia vincit Amor » : en tant qu’attributs de Vénus ils s’approprient l’Harpocrate égyptien ou encore la massue herculéenne et mènent le cortège de Dionysos triomphant de ses féroces panthères. Ils envahissent les maisons et les temples, annonçant leur monstrueuse prolifération dans l’art baroque puis rococo.
Ce succès va de pair avec un esprit de drôlerie sacrée qui caractérise l’encyclopédisme cosmopolite de l’âge hellénistique, fidèle à la maxime socratique du « serio ludere », que la Renaissance de M. Ficin, de Pico della Mirandola ou d’Érasme redécouvrira. L’humour ira de pair avec l’allégorisme hérité du traitement orphique de l’art et son mot d’ordre d’« entremêler les secrets divins dans le tissu des fables » ; les mythes, pour burlesques qu’ils paraissent, représentant des « mensonges figurant la vérité ».
Le putto bachique paraît à R. Stuvéras le moteur de l’évolution générale du motif, accompagnant l’expansion puis le déclin du culte dionysiaque. Rattachés au cortège hétérogène et orgiastique de Dionysos les putti chevauchent les animaux du dieu, jouent le rôle de serviteurs et de pages portant des amphores, des sacra, des thyrses ou des grappes et du lierre, écho probable d’une réalité cultuelle. Sacrifiant à Priape, rythmant par sa musique la danse du groupe des ménades et terrassant Pan dans une des fréquentes « guerres puériles » dont il est le héros - signe de son triomphe sur la chair ou bien sur la Natura naturans elle-même, le putto est une des figures structurelles du groupe dionysiaque, proche typologiquement du satyre, « compagnon prédestiné » auquel l’unissent des emprunts iconographiques mutuels aboutissant à un « type mixte entre les deux races, le satyreau »
Revue d'étude culturelle en ligne, Figures de miniaturisation de l’humain, Des lolitos aux angelots : l’étrange aventure des putti, A. Dominguez Leiva.








Autre cortège de Bacchus sur une panthère, à l'Hôtel Titon (du nom d'un des propriétaires, Jean-Baptiste Maximilien Titon), 10 cité Paradis, Xe ardt. L'hôtel, à l'origine du XVIIIe siècle, a été surélevé au XIXe siècle. Ce fronton a été créé à cette occasion et donnait sur des jardins maintenant disparus. Des enfants ont l'air très ivres, tandis que les satyreaux semblent avoir gardé leur lucidité. (Voir le reste de l’Hôtel Titon sur Paris Bise Art)










Encore des enfants mimant un cortège de Bacchus. Bas relief de plâtre ou de stuc, dessus de porte à l'Hôtel de Tessé, 1 quai Voltaire, VIIe ardt. Sa construction a été achevée en 1768. Cette bacchanale est peut-être l’œuvre de Pierre Fixon et (ou) de son fils Louis Pierre Fixon, sculpteurs ayant travaillé à la décoration de cet hôtel. Photo extraite de " Les vieux hôtels de Paris, tome 4, Le Faubourg Saint-Germain, par J. Vacquier, chez F. Contet, 1920 " Bibliothèque Forney. (Mise à jour du 23 novembre 2014)






SAISONS



De gauche à droite et de haut en bas on retrouve le printemps, l'hiver, l'été ?, l'automne. Ce qui peut sembler représenter l'été, un enfant portant une gerbe de blé, peut aussi bien se raccorder à la scène de l'hiver, par l'effet de répétition d'un papier peint : l'enfant à genoux souffle sur le feu tandis que l'autre a entre ses mains, non pas une gerbe de blé, mais une brassée de bois. La scène automnale ferait une sorte d'été-automne d'un bloc. Papier peint à motif répétitif en camaïeu, manufacture Duserre et Compagnie, 1799, document Gallica / B.N.F.









Moisson, été.




Une des parties de la fontaine des quatre saisons, pierre, 57 rue de Grenelle, VIe ardt, sculptée par Bouchardon vers 1744, sous le règne de Louis XV. La moisson et donc l'été ; un enfant abattu par la fatigue et la chaleur s'est endormi. Un lièvre est chassé de son gite par les moissonneurs.







Réduction en marbre du bas-relief de l’Été de la Fontaine de Grenelle,  51,4 x 85,7 cm, entre 1735 et 1745, Bouchardon ou/et son atelier, © Metropolitan Museum of Art, New-York. Exposé en intérieur, la conservation de ce marbre est excellente. (Mise à jour du 27 septembre 2016)








A propos des représentations des saisons dans l'Antiquité. ( Rappel : les Génies dont il est question sont un peu l'équivalent des Esprits, visuellement identiques aux Amours. )


Abandonnant un instant les mois, il est utile de jeter un coup d'œil sur cette représentation des saisons, dont la fortune a été immense dans le paganisme. En effet, contre six mosaïques antérieures au 1er siècle représentant les douze mois de l'année, et qui seront étudiées plus loin, quarante-huit représentations des saisons sont connues. En sculpture, sur les sarcophages, point de figures des mois mais les saisons y sont fréquemment symbolisées. De même aux fresques des catacombes chrétiennes. Sur les mosaïques, les sarcophages, les monnaies, etc., les quatre saisons meublent facilement les angles de la composition. Mais, rapidement, elles ont perdu tout caractère religieux ; ce n'est que par habitude qu'on les lie à Bacchus, à Apollon, à la terre, à un empereur, à une ville. Elles fournissent des motifs purement décoratifs, et c'est comme telles que le christianisme les acceptera d'abord. Plus tardivement, l'art chrétien fera voir en elles un symbole de la Résurrection et les placera autour du Bon Pasteur dont elles attesteront la puissance
Les saisons sont représentées de diverses manières tantôt par des femmes ou des jeunes gens, ou encore des génies, tenant des attributs plus ou moins bien déterminés ; tantôt par des oiseaux, tantôt simplement par des plantes : idée qui sera reprise, au XIVe siècle, dans les calendriers : du type du Bréviaire de Belleville. Les femmes ou les jeunes gens des mosaïques sont, en général, réduits à des bustes tenant un attribut, et plus ou moins drapés suivant la saison. La personnification est la règle de l'antiquité. La seule exception de Saint-Romain-en-Gal n'infirme pas cette règle.
Le Printemps tient habituellement des fleurs ou un oiseau (une hirondelle souvent), image qui sera reprise dans la mosaïque de Carthage pour le mois de Mars. Parfois il est couronné de feuillage ou de fleurs. L'Été tient une faucille et est couronné d'épis. L'Automne a la tête chargée de grappes de raisin et de feuilles (à Torre de Schiavi, par exemple), ou bien porte une fleur de lotus sur le front, par allusion aux fêtes d'Isis. L'Hiver, âgé, couronné de roseaux, s'enveloppe dans son manteau et tient une houe ou un roseau (sur la mosaïque de Lambèse, du IIIe siècle, par exemple), ou encore une oie.





La même composition peinte en trompe-l’œil, une grisaille exposée au musée des Arts Décoratifs de Paris.






Sur les sarcophages, les génies sont le plus souvent nus, ou bien ils portent une chlamyde jetée sur les épaules. Le Printemps tient une corbeille de fleurs ; l'Été une faucille et une corbeille d'épis ; l'Automne un lièvre ou une corne d'abondance ; l'Hiver un roseau ou une oie, un sanglier, un canard ou une biche, rarement un lièvre. Ces génies sont quelquefois accompagnés d'animaux : du reste, il y a des interversions, et parfois deux ou trois de ces figures tiennent des corbeilles de fruits et de fleurs semblables entre elles.
L'art chrétien des catacombes semble avoir ignoré la figuration des mois ; par contre, il a accepté les saisons de l'art antique. Ces représentations du cycle cosmique étaient une sorte de terrain neutre sur lequel païens et chrétiens se rencontraient sans hostilité, et qui se prêtait aux tentatives de conciliation. Le dogme n'y pouvait rien voir que d'orthodoxe. Purement ornementales, d'abord, comme au cimetière de Prétextat (IIe siècle), l'esprit chrétien anima leur indifférence et transforma leur sens. Le système iconographique nouveau leur attacha une signification symbolique : les textes nous le prouvent. Du reste, parmi les représentations si variées que nous offre l'art des catacombes; elles sont en petit nombre. Wilpert n'a relevé que huit fresques où se trouvent celles des saisons. Mais il y a une nouveauté importante : rompant, quand la place le permet, avec la personnification habituelle, l'art chrétien nous montre des scènes vivantes, animées de personnages agissants. C'est déjà, en germe, la conception, propre au moyen-âge chrétien, du travail représenté en action et glorifié. On ne saurait être surpris de voir le christianisme, d'origine orientale, montrer le même goût narratif que connaissait l'alexandrinisme. A San Gennaro, (IIe siècle), le printemps est figuré par des putti tressant des guirlandes de fleurs ; l'été par des putti moissonnant : l'un coupe le blé, un autre bottelle, un autre tasse les bottes, etc. (On a là l'avant-goût des scènes que l'on retrouvera seulement beaucoup plus tard, au XVe siècle.) En automne, c'est la vendange ; en hiver, la récolte des olives. Au-dessus de ces fresques,on trouve le curieux symbole dont le moyen âge connaîtra l'analogue dans les calendriers du type du Bréviaire de Belleville : le printemps est représenté par des buissons de roses contournés en volutes, l'été par des épis, l'automne par des ceps de vigne, l'hiver par des rameaux d'olivier. Le décor est à peu près semblable dans la grande crypte du cimetière de Prétextât.
Au cimetière de Saint-Pontien, on trouvera des personnifications à l'antique : ainsi l'Hiver est un jeune homme auprès d'un grand feu, portant dans la main gauche un poisson, et dans la droite un flambeau. Les deux conceptions existent donc dans l'art chrétien. Qui plus est, les attributs des saisons passeront, suivant les époques et suivant les pays, à l'un ou l'autre des trois mois qui correspondent à chacune d'elles. Le Printemps, à Saint-Pontien, cueille des roses comme fera Avril ou Mai au moyen âge; l'Été moissonne comme plus tard Juin.
Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, Tome XXXV, 1924.







Toujours la moisson d'été de Bouchardon, plâtre, bas relief neuf, 37 avenue du Président Franklin Roosevelt, Rond Point Guy Flavien, Sceaux, Hauts de Seine





1 rue du Vieux Colombier, VIe ardt, plâtre, la même composition de Bouchardon. Les mouleurs ont ajouté de curieux culs de lampe.





Une autre mouture de l’Été de Bouchardon, 2bis rue Caumartin, angle avec le boulevard des Capucines, IXe ardt. L'espace à occuper par le bas-relief étant plus allongé que les proportions de la composition originale, les mouleurs ont ajouté, assez maladroitement, des arbustes et un peu de feuillage. C'est un bon exemple d'une transformation pas très heureuse.






Une fois de plus l’Été est symbolisé par la moisson et la soif, avec ici l'accompagnement musical de deux amours  au 5 rue Le Tasse, XVIe ardt, sur la façade du bâtiment de l'ambassade du Maroc à Paris. Cette composition sculptée dans la pierre (1906) ne nous est connue qu'à cette adresse.  (Mise à jour du 2 avril 2015)








On remarquera l'erreur grossière de la légende originale, qui attribue à cette grisaille peinte par Jacob de Wit, le thème du printemps (Spring), alors que le buste de Cérès, le blé arrivé à maturité, le putto armé d'une faucille qui va le faucher, la corbeille qui servira à récolter le grain et peut-être le vanner et enfin des fruits comme le melon, indiquent sans risque d'erreur l'été. Huile sur toile, 217 x 145 cm, Stattlich Museen, Kassel.






Trumeau de cheminée, grisaille sur papier marouflé, auteur inconnu, fin XVIIIe siècle, marché de l'Art. On retrouve bien le thème de l'été et la moisson : à gauche en arrière plan, des putti coupent les épis de blé, au premier plan un autre réunit et fournit les tiges de blé, aux deux enfants qui manient le fléau afin de faire sortir les grains des épis. Ceux ci sont récoltés dans un panier par le groupe dont un puto est coiffé d'un chapeau, indication du soleil qui tape. Les deux derniers putti à droite se disputent  une gourde, altérés par l'été.









L'été ou la moisson, étude pour les jardinières de la villa du baron Vitta à Evian, dessin de Auguste Rodin, fin XIXe, début XXe siècle, musée Rodin.  A remarquer le blé à sa vraie taille par rapport aux enfants. On retrouve l'enfant endormi, sous l'effet de la chaleur, comme chez Bouchardon.









Bas-relief assez naïf (auteur local ?)  sur le thème de la moisson et de l'été ; ici le champ de blé est couronné de sapins, on utilise la faux, pas la faucille et les gerbes sont placées dans une charrette, 98 bis rue de Paris à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, Yvelines.






















Pêche, qui peut symboliser l'été.



Gravure du début du XIXe siècle d'une fresque de Herculanum, ville appelée anciennement Resina, maintenant Ercolano. Légende ci-dessous.







PLANCHE 88.
On voit ici deux petits Amours pêchant à la ligne. Leurs hameçons, plus heureux que ceux des pêcheurs vulgaires, ont déjà pris chacun un poisson, et vont sans doute, après avoir été débarrassés de leur proie, en saisir une nouvelle, qu'on aperçoit nageant à la surface. Sans énumérer, à propos de cette pèche à la ligne, les raisons données par Plutarque, pour et contre ce genre d'exercice, sans rapporter aussi le jugement de Platon qui conseille la chasse aux jeunes gens et leur interdit la pêche , nous dirons que le roseau et l'hameçon sont comptés par Pollux au nombre des instruments de pêche. Ovide parle également de l'hameçon :
Hi jaculo pisces, illi capiuntur ab hannis ;
Hos cava contexto retia fune trahunt.
D'autres monuments antiques nous avaient appris déjà que la pêche à la ligne était connue des anciens.









Des enfants pêchent des poissons, au filet, à la ligne, puis les mettent dans un baquet.  Connaissant les 3 autres bas-relief de ce lieu, ( deux billets précédents sur les bacchanales d'enfants ) nous sommes sur que cette partie de pêche symbolise l'été. 1 rue de Solférino, VIIe ardt, façade du musée de la légion d'honneur. ; cette partie a été édifiée entre 1922 et 1925 sur les anciennes écuries de l’hôtel de Salm, brûlé pendant la Commune. Le modèle initial de ce bas relief  serait signé  Simon Louis Boquet, en 1784.









Sur le même thème une autre composition récurrente, en haut au 8 rue Émile Deutsch de la Meurthe, en bas au 25 rue d'Alésia, tous deux XIVe ardt.





Même composition, un peu allongée, grâce à l'ajout de végétation à gauche et à droite, 77 rue de Lille, VIIe ardt.





Il ne reste que le centre de la composition, l'enfant pêcheur de gauche a été ôté, cour du 15 rue Jacques Bingen, XVIIe ardt, plâtre, stuc ou terre cuite.








Amours pêcheurs, détail d'une mosaïque de la Villa romaine du Casale, fin du IIIe siècle, près de la ville de Piazza Armerina, Sud Sicile.




Une Iconographie où l'Enfant rencontre le Puto.


Indépendamment des enfants mythologiques ou historiques, l'art a mis fréquemment en scène des enfants ayant un caractère allégorique, des génies accompagnés d'attributs et de symboles. C'est ainsi que les Arts, les Éléments, les Saisons, les Mois, les Jours, les Sciences, les Vertus, les Vices, etc., ont été symbolisés par des enfants nus, dont les occupations, les expressions, les attributs ont une signification plus ou moins claire des enfants portant des épis et une faucille, par exemple, désignent l'Eté ; d'autres jouant avec des crayons, des pinceaux, une palette, personnifient la Peinture, etc. Barthélémy Beham a symbolisé la brièveté de la vie par un Enfant dormant à côté d'une tête de mort; cette allégorie a été répétée par d'autres artistes. Souvent les enfants, les génies que l'on voit dans des tableaux, des estampes, des bas-reliefs, ou même des sculptures de ronde bosse, n'ont aucune signification précise ; ce sont des figures purement décoratives ; qui sont représentées tantôt déroulant une banderole où se lit une inscription, tantôt portant une guirlande de fleurs, une corbeille de fruits, une pièce d'armure, un vase ou un instrument quelconque, tantôt écartant une draperie ou soutenant un baldaquin, etc. Il nous reste à parler des compositions d'un caractère familier consacrées à l'enfance. Elles sont excessivement nombreuses ; nous nous contenterons d'en citer quelques-unes. Les artistes de l'antiquité excellèrent à rendre les formes gracieuses de cet âge. Du temps de Pline, on voyait à Rome, dans le palais de Titus, deux Enfants nus jouant aux osselets (astragalizantes) qui étaient l'œuvre du sculpteur Polyclète, et que l'on regardait comme un morceau achevé (quo opère nullum absolulius plerique judicant). Au Vatican, dans la Galerie des candélabres, se trouve une délicieuse petite statue de marbre antique représentant un Enfant jouant aux dés. Pline cite comme des œuvres magistrales deux Enfants peints par Aristide; l'un de ces tableaux, Enfant apprenant à jouer de la lyre, avait été placé dans le temple de la Foi, au Capitole. Un groupe dont le succès dut être très grand dans l'antiquité, à en juger par les nombreuses reproductions qui sont parvenues jusqu'à nous, est celui qui est connu sous le titre de l' Enfant à l'oie. Un charmant bambino, entièrement nu, serre de toutes ses forces le cou d'une oie qui ouvre le bec; l'attitude est d'un naturel parfait. Le musée du Capitole, le Louvre, la Galerie des offices, le musée Pio-Clémentin, le musée Chiaramonti possèdent des exemplaires de ce groupe. Suivant une conjecture de Winckelmann, ces exemplaires pourraient être des copies d'un groupe analogue de bronze que Pline dit avoir été exécuté par le sculpteur carthaginois Boethus. Quelques archéologues pensent que de tels groupes servaient à décorer des fontaines et que l'eau jaillissait du bec de l'oiseau. Au-musée des Études, à Naples, on voit des groupes de bronze qui avaient, à n'en pas douter, la destination dont il vient d'être parlé ; ils ont été découverts à Herculanum l'un représente deux Enfants nus avec un dauphin sous le bras; un autre, des Enfants soutenant une amphore sur l'épaule ; un troisième, un Enfant appuyant la main sur un masque. Au musée du Capitole est une charmante statue d'Enfant tenant un masque comique, qu'il élève en riant au-dessus de sa tête ; Poussin a imité cette gracieuse figure dans une de ses Bacchanales. Citons encore, parmi les antiques du Vatican un Enfant tenant une grappe de raisin, un Enfant effrayé à la vue d'une couleuvre qui le mord au bras, un Enfant effrayé par un petit chien, un Enfant assis à terre et caressant un canard, un Enfant portant un vase sur l'épaule, un Enfant menaçant un cygne de son pédum, un Enfant donnant à manger à un oiseau, un Enfant endormi, etc.
Les enfants qui figurent dans les compositions des artistes du moyen âge ne manquent ni d'ingénuité ni de grâce ; nous voulons parler de ceux qui sont vêtus, car, pour ce qui est des enfants nus, ils sont d'un dessin si sec, d'une anatomie si défectueuse, qu'on les prendrait plutôt pour des figurines de bois grossièrement taillées que pour des images copiées sur la nature vivante. Les peintres de la Renaissance revinrent à des formes plus exactes, plus pures ; mais, au XIVe et au XVe siècle l'art ne réussit à se dépouiller qu'à demi de sa sécheresse archaïque dans la représentation des enfants nus, du divin bambino, du petit saint Jean et des anges. Les enfants vêtus, copiés sur le vif, apparaissent, au contraire, pleins de mouvement, de candeur et de gentillesse dans les œuvres de certains maîtres, notamment dans les fresques admirables exécutées par Benozzo Gozzoli au Campo-Santo de Pise. Au XVIe siècle, la sculpture et la peinture créent à l'envi de délicieux types enfantins. Raphaël déploya en ce genre une perfection, une grâce inimitables. Nous ne dirons rien ici de ses représentations si délicates, si variées, si séduisantes du bambino et du jeune saint Jean ; mais comment passer sous silence les ravissants putti que, dans ses fresques et ses dessins, il a montrés occupés aux jeux et aux travaux les plus divers, cueillant des fruits, dansant, riant, jouant et luttant ensemble Perino del Vaga, le Fattore, Jules Romain ont peint avec succès des compositions analogues dans le goût de Raphaël, leur maître Fra Bartolommeo excella en ce genre. Le Corrége eut un talent particulier pour faire sourire les enfants et pour modeler leurs carnations fraîches et rebondies; le Parmesan fut son imitateur et son émule. Dans l'école vénitienne, le Titien doit être cité en première ligne; quelques amateurs n'ont pas craint de placer ses enfants (notamment ceux des Bacchanales, de l'Offrande à la Fécondité) au dessus de ceux de Raphaël il n'est pas moins gracieux et il est plus animé. L Arioste a fait l'éloge des délicieux bambini que le Padouan se plaisait à introduire dans presque toutes ses compositions. On voit aussi de fort beaux enfants bien naïfs et bien vivants, dans les tableaux de Paul Véronèse. A Bologne, le Dominiquin montra, dans ses Gloires d'anges, combien il avait le sentiment de la beauté enfantine; mais il fut dépassé par l'Albane, qui peignit une multitude d'amorini des plus gracieux. Ce dernier, qui n'avait pas moins d'une douzaine d'enfants trouva parmi eux des modèles que ses pinceaux ont immortalisés.
(…/...)
Peu de peintres ont peint des enfants nus plus souvent que Boucher. Cet artiste aimait a placer dans ses compositions, quel qu'en fut d'ailleurs le sujet, des bambins aux chairs rosés, aux formes rebondies ; il a créé ainsi des milliers de petits génies, d'Amours, de chérubins joufflus qu'on voit folâtrer sur les nuages ou égayer de leur présence des scènes pastorales. Diderot est convenu que ces petits êtres pétulants n'étaient pas déplacés dans les tableaux mythologiques, mais il ajoute qu'ils n'ont pas assez de naturel, d'ingénuité pour figurer dans la représentation de sujets réels. « Dans toute cette innombrable famille, dit-il, vous n'en trouverez pas un qui soit employé aux actions réelles de la vie, à étudier sa leçon, à lire, à écrire, à tailler du chanvre. Ce sont des natures romanesques, idéales ; de petits bâtards de Bacchus et de Silène. Ces enfants-là, la sculpture s'en accommoderait assez sur le tour d'un vase antique. Ils sont gras, joufflus, potelés. » Trop joufflus et trop potelés parfois, au point qu'ils paraissent lourds, massifs, incapables d'agir. Ces défauts furent encore exagérés par les nombreux imitateurs de Boucher. Cet homme (Boucher) est la ruine de tous les jeunes élèves en peinture, a dit encore Diderot. A peine savent-ils manier le pinceau et tenir la palette, qu'ils se tourmentent à enchainer des guirlandes d'enfants, à peindre des culs joufflus et vermeils, et à se jeter dans toutes sortes d'extravagances qui ne sont rachetées ni par la chaleur, ni par l'originalité, ni par la gentillesse, ni par la magie de leurs modèles
Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, par Pierre Larousse, Tome Septième, 1870







Vendanges, Automne.









Réduction en marbre du bas-relief de l'Automne de la Fontaine de Grenelle,  51,4 x 85,4 cm, entre 1735 et 1745, Bouchardon ou/et son atelier, © Metropolitan Museum of Art, New-York. (L'original de la fontaine est en tête du deuxième billet de ce blog sur les bacchanales d'enfants). L'intérêt de ces marbres est de donner une lecture parfaite de la composition d'origine, jamais exposés aux intempéries à l'inverse des bas-relief de la fontaine de Grenelle. (Mise à jour du 26 septembre 2016)










Étude de Bouchardon pour l'enfant renversé par le bouc, sanguine sur papier. Cambridge, The Horvitz collection. © The Horvitz Collection, Boston. (Mise à jour du 26 septembre 2016)











 Le modèle est un bas relief attribué à Pajou, ( voir Bacchanales d'enfants 3 ) créé vers 1765, pour l'Hôtel de la Chancellerie d'Orléans détruit en 1924. Les enfants du groupe de droite mettent le raisin dans une cuve pour l'écraser et fabriquer du vin. Nous sommes bien en automne.
En haut au 8 rue Émile Deutsch de la Meurthe, XIVe ardt., en bas 92 rue Saint Maur, XIe ardt.






Bacchanales avec deux enfants et un satyreau buvant, dessiné et gravé par Laurent de La Hyre, première moitié du XVIIe siècle, Nancy, Musée des Beaux-Arts.





Des lolitos aux angelots
L´étrange aventure des putti ( autre extrait ).

Intercesseurs qui accueillent les élus au terme de leur ascension glorieuse (triomphe du modèle céleste de l’après-vie après une longue concurrence avec celui, maritime, des Îles Fortunées), les putti peuvent aussi jouer à la référence antiquisante et tirer, more homerico, les morts sur des chariots attelés à des colombes - précédant, encore une fois, le symbolisme chrétien. Ou encore, jouant de leur qualité de pages dionysiaques, ils peuvent figurer comme des serviteurs du mort dans un Au-Délà « charmant » que ne menace aucun châtiment, avant la dichotomie chrétienne qui ne conservera les putti que dans le locus amœnus végétal du Paradis.
Cette assimilation agricole vient par ailleurs d’un autre motif hérité du cortège bachique, celui des putti vendangeurs : le symbole du vin comme destin de l’âme (le raisin, cueilli et pressé, devenant le vin) passe ainsi des rituels de fertilité agricoles à une spiritualisation croissante dont héritera le christianisme. Néanmoins ces petits corps réclament leur dû et ivres, ils titubent dans une allusion humoristique aux joies d’une outre-tombe à l’image du monde profane, avant l’« assombrissement » chrétien. Sous un « voile de poésie », comme le signale R. Stuvéras, subsiste « une conception matérialiste de l’Au-delà »
Revue d'étude culturelle en ligne, Figures de miniaturisation de l’humain , Des lolitos aux angelots : l’étrange aventure des putti, A. Dominguez Leiva.








Vendange, Automne, 1878, pierre, 2 rue Damrémont, XVIIIe ardt








Frise de putti vendangeurs d'après un bas-relief antique, par Étienne Duperac (1525-1604),  17,8 x 37,4 cm, Plume, encre brune, pinceau, lavis gris,  pierre noire. Musée du Louvre.








Mais d’autant plus que poète j’aime mieux
Le bon Bacchus que tous les autres dieux,
Sur tous plaisirs la vendange m’agrée,
A voir tomber cette manne pourprée
Qu’à pieds déchaux un gâcheur fait couler
Dedans la cuve, à force de fouler.

Sur les coteaux marche d’ordre une troupe ;
L’un les raisins d’une serpette coupe ;
L’autre les porte en sa hotte au pressouer,
L’un tout autour du pivot fait rouer
La vis qui geint, l’autre le marc asserre
En un monceau, et d’ais pressés le serre,
L’un met à l’anche un panier attaché,
L’autre reçoit le pépin écaché
L’un tient le muid ; l’autre le vin entonne ;
Un bruit se fait, le pressoir en résonne.

Voilà, La Porte, en quel plaisir je suis ,
Or que ta ville épouvanté je fuis,
Or que l’Automne épanche son usure,
Et que la Livre à juste poids mesure
La nuit égale avec les jours égaux,
Et que les jours ne sont ni froids ni chauds.

Je te promets qu’aussitôt que la bise
Hors des forêts aura la feuille mise,
Faisant des prés la verte robe choir,
Que d’un pied prompt je courrai pour revoir
Mes compagnons, et mes livres que j’aime

Plus mille fois que toi ni que moi-même.
Pierre de Ronsard, Gaietés, Les plaisirs rustiques, extrait.1553





Un satyreau a posé son tambourin de bacchanale, pour déguster directement les grappes de raisin automnales, 19 rue Gutemberg, Montrouge, Hauts de Seine.






Motifs alternés de putti, 37 avenue du Président Franklin Roosevelt, Rond Point Guy Flavien, Sceaux, Hauts de Seine. Dans la première scénette de libation à gauche un satyreau a été ajouté, l'autre groupe semble représenter trois putti jouant avec deux chiens.








Sujet indéterminé étude pour les jardinières de la villa du baron Vitta à Evian, dessin au lavis d'Auguste Rodin, fin XIXe, début XXe siècle, musée Rodin.







Vendange ou cueillette de raisin, étude pour les jardinières de la villa du baron Vitta à Evian, dessin au lavis d'Auguste Rodin, fin XIXe, début XXe siècle, musée Rodin.








A gauche cueillette de raisin, la vigne grimpant à l'arbre. A droite un enfant casse des branches mortes pour alimenter le feu. Dans cette scène naïve on a donc l'Automne et l'Hiver réunis, 98 bis rue de Paris à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, Yvelines








Hiver.




Les frileux, dessin de Jean Jacques Lequeu,  lavis, 17,7 x 25,4 cm, entre 1777 et 1824, document Gallica / B.N.F







Une des parties de la fontaine des quatre saisons, pierre, 57 rue de Grenelle, VIe ardt, sculptée par Bouchardon vers 1744, sous le règne de Louis XV. L'hiver. Les enfants tentent de s'abriter sous une tente de fortune, et font un feu qu'ils entretiennent au chalumeau. Un chien leur tient chaud tandis que le puto de gauche se chauffe les fesses. On peut penser qu'il a la mission d'aller renouveler le bois pour nourrir le foyer.








Réduction en marbre du bas-relief de l'Hiver de la Fontaine de Grenelle,  51,8 x 86 cm, entre 1735 et 1745, Bouchardon ou/et son atelier, © Metropolitan Museum of Art, New-York. Pas exposé aux rigueurs de l'hiver en extérieur, la composition de marbre est restée très nette avec tous ses détails. (Mise à jour du 27 septembre 2016)









La même composition peinte en trompe-l’œil, une grisaille exposée au musée des Arts Décoratifs de Paris. Il y a en  plus un personnage ramasseur de bois à gauche.







35 rue de Grenelle, VIIe ardt. Plâtre ou stuc. On voit les enfants se réchauffant autour d'un feu.








Composition ayant pour thème l'Hiver, dont c'est la seule version connue jusque ici. Elle est accompagnée sur la façade du 11 boulevard Bonne Nouvelle, Xe ardt, des trois autres saisons. L’Été et l'Automne sont les compositions de Bouchardon pour sa fontaine, voir un peu plus haut dans ce billet, tandis que le Printemps semble être un bricolage utilisant le personnage central de l’Été du même Bouchardon, l'enfant debout à la faucille. (Mise à jour du 21 mars 2015)






Une autre bacchanale d'enfants sur le thème de l'hiver au 5 rue Le Tasse, XVIe ardt, sur la façade du bâtiment de l'ambassade du Maroc à Paris. Cette composition sculptée dans la pierre (1906) ne nous est connue qu'à cette adresse.  (Mise à jour du 2 avril 2015)








Prochain chapitre ( et dernier ) sur ce sujet : Bacchanales d'enfants 5 : Arts, Sciences et Techniques



5 commentaires:

  1. Bonjour,
    Votre série est très intéressante. Auriez-vous plus d'informations sur le relief du 35 rue de Grenelle montrant des enfants se réchauffant ?
    Merci beaucoup
    Sophie

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    1. Bonjour Mlle Yin,
      Hélas non, nous n'avons pas plus d'informations. Ces bas-reliefs sont placés en hauteur, entre le haut des fenêtres du premier étage et le bas de celles du 2eme. Le bâtiment à la base semble dater du XVIIIe siècle. Et comme toujours dans les bacchanales d'enfants c'est difficile de connaitre les auteurs des compositions. Il y a 4 scènes qui représentent les 4 saisons, peu lisibles à cause des couches de badigeon. Nous n'avons rencontré jusque ici ces compositions qu'à cet endroit. A noter que les bas-reliefs ayant pour thème l'hiver sont les plus rares et les moins répandus.

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  2. Vous trouverez les même reliefs à l'hôtel de Marsilly et dans les salons du château de Pierre-de-Bresse. Un site de vente d'antiquités parle de relief "d'après un tableau de [François ?] Boucher" mais je ne retrouve pas l'inspiration.

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  3. J'ajoute une nouvelle information : c'est une copie des reliefs de Claude-François ATTIRET, qu'il exécuta vraisemblablement au début des années 1770 au-dessus des portes du vestibule du château de Pierre Joseph Désiré Richardot. Ces reliefs ont connu de nombreuses copies tout au long du XIXe siècle et au début du XXI siècle. Les originaux mentionnés ont malheureusement disparus. (source : Claude-François Attiret - Editions Musée de Dole ISBN 9782910598198). Cordialement, Raphaëlle RIVIERE

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    1. Merci Mme Rivière de vos informations. Mais pouvez-vous préciser de quels reliefs parlez-vous, sachant qu'il y en a déjà un certain nombre dans ce billet ?
      Je vais essayer de trouver vos références...

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