Mausolée du Pape Clément XIII né Rezzonico à Saint Pierre de Rome sculpté par Canova.
Avant Canova, Bernin avoit déjà, au
mausolée d'Alexandre VII, fait voir le pontife à genoux, mais en
face du spectateur. Nulle comparaison à faire avec la figure
agenouillée aussi de Clément XIII, vue de profil au sommet de la
composition. Ce qui frappe avant tout, c'est l'extraordinaire
ressemblance du portrait, exprimée non seulement dans la tête et le
visage, mais dans la corpulence même de la personne. Il y a ensuite,
quant à l'aspect général de toute la figure, l'expression d'un
sentiment si vrai, si naturel, si religieux, et retraçant avec tant
de naïveté la piété du pontife, que le principal intérêt de
tout le reste du mausolée se reporte toujours vers lui. Ce sont-là
de ces mérites dont le discours ne sauroit faire, ni sentir, ni
comprendre la valeur. En descendant de la figure principale vers
celles qui accompagnent le sarcophage, il faut faire remarquer, comme
offrant un type et un aspect tout-à-fait nouveaux, la statue de la
Religion debout, tenant d'une main la croix, et portant l'autre sur
le couvercle du sarcophage. Tout, dans cette figure, dans sa pose,
son style et son aspect, porte un grand caractère de simplicité
religieuse. Son ajustement, qui consiste en trois draperies l'une sur
l'autre, paroîtroit avoir quelque chose de redondant, et qui,
peut-être, y donne lieu à une sorte de lourdeur. Qui sait si
l'intention de l'artiste, en formant cette représentation figurative
du christianisme, ne fut pas de s'éloigner tout à fait des costumes
et des apparences du paganisme, dans les habillements de ses déesses?
Or, ici la coiffure de la Religion, les rayons qui environnent sa
tête, sa ceinture, l'espèce de stola qui forme son principal
vêtement, tout concourt à en faire une figure très-différente des
statues païennes. Le sarcophage, quoique dans les formes des
tombeaux du paganisme, offre sur le champ de sa face antérieure, une
variété qui l'en distingue, par cette partie de cadre circulaire où
est l'épitaphe, et plus encore par deux petites figures en
bas-relief, adossées au cercle, dont l'une est la Foi et l'autre est
l'Espérance. C'est en pendant à la Religion décrite, que s'adosse
au sarcophage, ou s'y appuie, la figure assise d'un génie sous la
forme d'un jeune homme ailé, dont la tête exprime la douleur, et
qui tient un flambeau renversé, emblème comme on sait, fort ancien,
de la mort. Canova a pu faire dans la suite, et a fait d'autres
figures dans ce genre, peut-être d'une imitation plus ferme,
peut-être d'une exécution plus consommée; mais il n'en a point
fait dans une attitude plus heureuse, ni d'un sentiment plus noble à
la fois et plus expressif.
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Lion
couché éveillé, copie d'après le mausolée de Clément XIII à St Pierre de Rome sculpté
par Canova, Institut Marc Sangnier, ancien locaux du Sillon,38 blvd Raspail, VIe ardt.
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Le lion, comme on le sait, est le symbole
de Venise, et le pape Rezzonico étoit Vénitien. Canova ménagea
donc dans sa composition pyramidale, au-dessous des deux statues
qu'on vient de décrire, c'est-à-dire d'un côté et de l'autre de
la porte qui s'ouvre en ce local, deux massifs servant de piédestaux
à deux lions couchés, dont on ne se lasse point d'admirer la vérité
imitative, le travail hardi et la variété d'expression. L'un, en
effet, semble rugir ; et l'autre pleurer, tant son attitude manifeste
la sensation de la douleur. Ce grand ouvrage fut terminé et placé
dans Saint-Pierre, au commencement de 1795.
Canova
et ses ouvrages ou, Mémoires historiques sur la vie et les travaux,
par Quatremère de Quincy, 1834.
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Lion de Canova couché endormi, Dessin extrait de " Handbook of Ornament " New York, 1904.
L'année 1769 venait de
commencer : plus que jamais Clément éprouvait des spasmes et des
accès de toux ; il fut obligé de garder le lit et de renoncer au
soin de toute affaire. Le 2 février la suffocation devint si
fréquente, que dans la nuit du 2 au 3 il expira, âgé de soixante
quinze ans dix mois et vingt-six jours. Pendant son pontificat il
avait créé cinquante-deux cardinaux. Clément, bon, pieux, doux,
facile, n'attaquait personne, et presque toute l'Europe l'attaquait
avec obstination. Il résistait courageusement. ( …/... ) Nous
dirons, d'après Féa, quelques mots du tombeau que le sénateur
Rezzonico a fait élever à Clément XIII, son oncle, par l'illustre
Canova. « Quand on entre de la partie à droite de la grande
croix à Saint-Pierre, dans la nef transversale, on trouve le tombeau
du pape Rezzonico, Clément XIII. Cette sculpture du célèbre Canova
est singulièrement estimée. Le pape, à genoux, est en prière. «
A gauche, la Religion, de grandeur surnaturelle, tient une croix de
métal doré. A droite, un génie, assis et appuyé contre une urne,
tient un flambeau de la main droite. On voit la Charité et la Force,
de grandeur naturelle, assises près de l'urne ; enfin, sur les deux
grands socles, deux lions couchés. Un des lions dort ; l'autre,
éveillé, montre ses griffes. »
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Lion
couché endormi, copie d'après le mausolée de Clément XIII à St Pierre de Rome sculpté
par Canova, Institut Marc Sangnier, ancien locaux du Sillon,38 blvd Raspail, VIe ardt. |
Canova m'a dit que par les lions
il avait voulu montrer le fonds du caractère de Clément XIII. Le
lion qui dort est le symbole de la mansuétude, qui ne s'offense
d'aucune de ces injures que l'on peut supporter sans manquer aux plus
grands devoirs ; le lion qui veille est le symbole du courage que le
pape manifesta quand, assailli de tous côtés par ceux qui voulaient
arracher l'abolition des jésuites, il résista à tant de violences,
quoique dans un état de santé affaibli, et continuellement en proie
aux plus vives douleurs.
Histoire des souverains pontifes romains, Volume 7, Par Artaud de Montor,1849.
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Lion
couché endormi, copie d'après le mausolée de Clément XIII à St Pierre de Rome sculpté
par Canova, Institut Marc Sangnier, ancien locaux du Sillon,38 blvd Raspail, VIe ardt. |
TOMBEAU DE CLEMENT XIII ( REZZONICO ).
On donne pour certain que Rezzonico, riche banquier de Venise,
procura le chapeau de cardinal à son second fils, moyennant 3oo,ooo
francs, qu'il donna au cardinal Neri Corsini, neveu de Clément XIII.
Me voici devant un des plus grands et des plus beaux ouvrages de
Canova. Que de noblesse et de simplicité dans cette figure de la
religion, s'appuyant sur la croix ! En fait d'idéal moderne, quoi de
plus beau que ce génie dans l'attitude de la douleur ! Comme on voit
bien que cette figure a été inventée depuis la naissance de
l'Amour ! car cette passion céleste n'existait réellement pas du
temps d'Homère ; les Romains l'entrevirent ; mais elle n'apparut dans
tous son charme qu'au treizième siècle, du temps d'Héloïse et
d'Abeylard. Quel admirable contraste ce génie si beau, fait avec
les lions couchés près de l'entrée du tombeau ! l'un d'eux
sommeille, l'autre grince des dents et témoigne de la fureur.
Quelqu'un demandait à Canova ce qu'il avait entendu par ces deux
lions, et quel était le secret de sa pensée sur ces deux attitudes
différentes ; il répondit: « Le lion qui dort profondément est
la mansuétude du pape , qui n'attaque personne ; le lion qui rugit
est la force qui résiste à l'Espagne, dont les ministres ont
demandé si vivement la destruction des jésuites. » Cette
anecdote, rapportée un jour devant M. de Cevallos, le mit dans une
fureur qu'on ne put que difficilement apaiser.
Journal d'un voyage en Italie et en Suisse en 1828, par Joseph Romain Colomb.
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Bonjour, j'ai été très intéressé par votre article très complet. Je connais des œuvres semblables ailleurs. Si vous souhaitez échanger, je vous laisse mon mail : patin.camus@gmail.com
RépondreSupprimerIl y a aussi le même à l'hôpital ste anne dans le parc
RépondreSupprimerhttps://www.instagram.com/p/Cl6T0prNDf2/
Merci de votre visite et de votre signalement. Je ne connaissais pas cette autre version de ces lions très populaires.
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