vendredi 30 novembre 2012

Vitraux du cloître du Charnier de Saint Etienne du Mont. 1 : Le miracle des Billettes




 " Le miracle des Billettes " Verrière de la galerie du cloître du Charnier, peinture à l'émail sur verre, premier tiers du XVIIème siècle, église St Étienne du Mont, rue de la Montagne Sainte Geneviève, Ve ardt.









Une série de 12 vitraux, ou plutôt de peintures à l'émail sur verre, du début du XVIIème siècle, dans la galerie du cloître du charnier de l'église St Étienne du Mont, sont peu connus, bien que très rares par leur style, leur qualité et leur technique. Afin d'attirer l'attention sur eux, voici un premier exemple, à travers une verrière narrant une sorte de légende urbaine médiévale : " Le miracle des Billettes ".











CARMES Billettes. ( les ) Le Couvent des Carmes qui est dans la rue de ce nom, est situé à l'endroit où étoit autrefois la maison d'un Juif, nommé Jonathas, ou le bon Juif. Une pauvre femme lui ayant donné en gage le meilleur de ses habits pour trente sols parisis qu'il lui avoit prêtés, & ne se trouvant pas en état de les lui rendre, elle le pria instamment de vouloir bien lui prêter cet habit pendant les fêtes de Pâques ; mais le Juif inflexible n'y consentit qu'à condition qu'elle lui apporteroit l'Hostie qu'elle recevroit à la Communion, & il lui promit que non-seulement il lui rendroit son habit, mais encore qu'il la tiendroit quitte de l'argent qu'il lui avoit prêté.






 " Le miracle des Billettes " détail, Verrière de la galerie du cloître du Charnier, peinture à l'émail sur verre, premier tiers du XVIIème siècle, église St Étienne du Mont, rue de la Montagne Sainte Geneviève, Ve ardt.







Cette malheureuse alla à Saint-Merry, où elle s'approcha de la Sainte Table, reçut la Communion & se retira aussitôt, ayant mis la Sainte Hostie dans un mouchoir, & l'alla porter au Juif. Ce perfide n'eut pas plutôt l'Hostie en sa disposition, qu'il la mit sur un coffre, prit un canif, la perça de plusieurs coups, & l'on dit qu'aussitôt il en découla du sang en abondance. Étonné de ce miracle, sans en être converti, il appella sa femme, nommée Belatine, & un fils & une fille qu'ils avoient, pour les en rendre témoins. Cet endurci continuant ses sacrilèges expériences prit ensuite un clou & un marteau, & perça de plusieurs coups la Sainte Hostie, & dans l'instant le sang recommença à couler ; puis il l'attacha, & lui déchargea des coups de fouet, comme avoient fait autrefois les Juifs sur le Corps de Jesus-Christ. Belatine frappée de ce qu'elle voyoit, ne put s'empêcher de lui reprocher son incrédulité & son impiété ; mais ce malheureux reprit encore l'Hostie miraculeuse, & la jeta dans un grand feu, & la voyant voltiger au-dessus des flammes, sans qu'elle en fût endommagée, il prit un couteau, avec lequel il fit des efforts inutiles pour la mettre en pièces.





 " Le miracle des Billettes " détail, Verrière de la galerie du cloître du Charnier, peinture à l'émail sur verre, premier tiers du XVIIème siècle,  D'après ce vitrail on peut penser que c'est la même femme qui a procuré l'hostie qui la récupère ensuite dans la jatte, sa robe étant identique. église St Étienne du Mont, rue de la Montagne Sainte Geneviève, Ve ardt.








Pour n'oublier aucun des tourmens que J. C. avoit soufferts en sa première Passion, il attacha cette Hostie, & la perça d'un coup de lance, qui fie encore ruisseler le sang. Enfin pour dernier trait de rage, il la jeta dans une chaudière remplie d'eau bouillante, qui changea de couleur, & devint rouge comme du sang, pendant que l'Hostie s'élevant au-dessus de la chaudière, parut visiblement être le Corps de J. C. crucifié. Son fils étant sorti dans le temps que les cloches appelloient le peuple à la grand Messe, & ayant rencontré des enfans de sa connoissance qui alloient à l'Eglise, il leur dit que c'étoit en vain qu'ils y alloient, puisque son père avoit ce matin si maltraité leur Dieu, qu'il l'avoit fait mourir.






 " Le miracle des Billettes " détail, Verrière de la galerie du cloître du Charnier, peinture à l'émail sur verre, premier tiers du XVIIème siècle, église St Étienne du Mont, rue de la Montagne Sainte Geneviève, Ve ardt.





Une bonne femme entendant ce discours, prit une jatte de bois, & courut à la maison du Juif, sous prétexte d'y aller quérir du feu, & s'étant approchée de l'âtre, vit voltiger la Sainte Hostie, qui vint se reposer dans le petit vaisseau qu'elle tenoit. Elle la reçut avec tout le respect possible, & la porta au Curé de Saint-Jean-en-Grève, où elle est encore actuellement. Au premier bruit de ce miracle, tout Paris accourut à la maison du Juif & à l’Église de Saint- Jean-en-Grève. On se saisit de ce Juif, on le mena en prison avec sa femme & ses enfans, & son procès ayant été instruit, il fut brûlé vif. Sa femme qui n'avoit point eu de part à ses impiétés, & qui même avoit été touchée des miracles réitérés que Dieu avoit opérés en sa présence, fut baptisée avec ses deux enfans.

La maison & les autres biens de cet abominable Juif furent confisqués au profit du Roi Philippe-le-Bel, & ce Prince donna une partie de cette maison à Reignier Flaminge, Bourgeois de Paris , qui y fit bâtir une Chapelle que l'on nomme la Chapelle des Miracles. Le même Prince voulant contribuer à l'agrandissement de cette Chapelle, & que le Service Divin s'y fit avec plus de régularité & de solennité, donna, l'an 1199, l'autre partie de la maison du Juif aux Frères de la Charité de Notre-Dame, qui, en 1286, avoient été institués par Guy de Joinville, pour desservir l'Hôpital qu'il avoit fondé à Boucheromont, dans le diocèse de Châlons-sur-Marne. Ce Seigneur engagea en même temps Reignier à céder à ces Religieux la Chapelle des Miracles , & par ce moyen ils furent mis en possession de toute la maison du Juif & de ses dépendances.

Les Lettres-patentes, par lesquelles Philippe-le-Bel donna cette maison aux Frères de la Charité de Notre-Dame , sont en original dans les archives du Couvent des Billettes , & rapportées par Dubreul dans son Théâtre des antiquités de Paris. Comme cette maison étoit dans la censive & seigneurie de la Bretonnerie de Paris , que l'on nommoit la Terre ou le Fiefs aux Flamands, les Frères de la Charité de Notre-Dame obtinrent de Jean Arrode , Seigneur de ce fief, des Lettres d'amortissement, qui font datées de l'an 1302, & du mercredi jour de la fête de Jehan Décolace. Elles font aussi rapportées dans les Antiquités de Dubreul. Le fief aux Flamands, dont plusieurs hôtels & grandes maisons dépendent, subsiste encore , & appartient aujourd'hui au Couvent des Billettes.

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L'an 1408 , la rue des Jardins avoit tellement changé de face, que le Couvent & l’Église des Billettes étoient comme enterrés, & que les Religieux qui l'occupoient furent obligés de bâtir non-seulement de nouveaux cloîtres, mais aussi une nouvelle Église. L'ancienne devint pour lors souterraine, & sert de cimetière aux Religieux & aux Bienfaiteurs du Couvent. Malgré tous les changements, la Chapelle du Miracle a toujours été conservée, & l'on voit auprès des restes des anciens cloîtres. Les Armes de France qu'on remarque aux voûtes du cloître, font des preuves de la protection que nos Rois ont accordée à cette Maison. L'Université de Paris lui donna aussi des marques de son estime ; car elle lui accorda droit de Collège, & par-là ses Religieux en devinrent Membres & Suppôts. Dans la suite des temps les Frères de la Charité de Notre-Dame déchurent tellement de l'estime & de la réputation qu'ils s'étoient acquise , qu'au commencement du XVIIe. siècle, on entreprit de les réformer ; mais le petit nombre de Religieux, qui n'étoit pour lors que de 40 dans tous les Couvents de l'Ordre, leur indocilité, leur division, & la ruine du temporel de leurs Maisons, rendirent inutile ce pieux dessein, & firent qu'on prit le seul parti qu'il y eût à prendre, qui étoit de laisser éteindre cet Ordre, & de permettre à ses Membres infortunés de traiter avec différents Ordres Religieux , pour s'assurer du pain & le nécessaire à la vie. En cet état, ceux des Billettes traitèrent de leur Couvent avec les Pères Feuillans, qui avoient dessein d'y établir leur Noviciat ; mais comme on donna à ces derniers deux jardins ou emplacements dans la rue d'Enfer au fauxbourg Saint-Michel, ils trouvèrent cette situation plus convenable, & renoncèrent aux droits qu'ils venoient d'acquérir sur le Couvent des Billettes.

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Sur la grand'porte de l’Église , au dehors, étoit peinte en lettres gothiques noires fur un fond blanc, cette inscription:
Ici est l’Église & Monastère aux Frères de l' Ordre de la Charité de Notre-Dame , fondée en l'honneur & révérence du S. Sacrement de l' Autel, où le précieux Sang miraculeux de la Sainte Hostie a été répandu.
Sur l'entrée de la Chapelle du Miracle, qu'on a toujours conservée, & dans laquelle on descend par un escalier entouré d'une balustrade , on lisoit encore en 1685, une inscription, dont voici les termes:
Ci-dessous le Juif fit bouillir
la Sainte Hostie.
Mais comme depuis quelque temps on a couvert une partie de cette Chapelle souterraine par une espèce de tambour de bois, on a mis à la place dé cette ancienne inscription , celle qui suit :
Cette Chapelle est le lieu où un Juif
outragea la Sainte Hostie.
L'on voit encore dans cette Église le canif dont le Juif se servit pour percer la Sainte Hostie , comme aussi l'écuelle ou jatte de bois, sur laquelle elle vint se reposer. L'un & l'autre font enchâssés dans des reliquaires , qui sont des statues de Saints, qui tiennent dans leurs mains les figures des instruments qui y font enchâssés, & qu'on expose assez souvent sur le maître-Autel.

Dictionnaire Historique de La Ville de Paris et de Ses Environs, Tome 2, par Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut,1779.








Le Cloître des Billettes, 24 rue des archives, IVe ardt







" La maison du cloître des Billettes, N° 18 rue des Billettes " Maintenant 24 rue des Archives, IVe ardt, dessin de Jules-Adolphe Chauvet.







Nota : La version suivante, récente, est celle d'un croyant.
Les peintures d'Uccello ( réalisées vers 1465 - 1469 ) seraient inspirées par ce " Miracle des Billettes " qu'elles raconteraient, peut-être par l'intermédiaire d'une pièce ou d'un Mystère.



Paris, le: Billettes, 1290
Au numéro 24 de la rue des Archives, à Paris, se trouve une église du XVIIIè siècle, appartenant à l'Église luthérienne, jouxtée par un magnifique cloître en style gothique. En1290, un important miracle eucharistique se produisit en ce lieu.
Il ne reste pas de reliques de cet événement. Tout a été perdu en raison de bien des vicissitudes, mais de nombreux documents écrits attestent de sa véracité. En 1290, dans ce qui s’appelait alors la rue des jardins, existaient que quelques habitations entourées d'espaces verts. Chaque maison avait un beau jardin. À l'endroit où se trouve aujourd’hui l'église luthérienne habitait un juif nommé Jonathas, un usurier. Il détestait les chrétiens et éprouvait une haine particulière envers le sacrement de l’Eucharistie. Celle-ci le poussa un jour à commettre une chose horrible.
Il y avait, parmi ses clients une chrétienne à laquelle il avait prêté de l'argent en échange de gages précieux. La femme désirait récupérer ces gages auxquels elle tenait beaucoup, mais elle ne possédait pas la somme nécessaire. Il lui fit alors cette proposition: « Si tu m’apportes une hostie consacrée, je te restituerai les objets engagés sans rien exiger d’autre. »





Une femme vend une hostie consacrée à un prêteur juif pour désengager son manteau. Prédelle le Miracle de l'Hostie, Paolo Uccello, 57,2 x 32 cm, Galleria Nazionale delle Marche, Urbino.


La femme, d'abord ébranlée, finit par céder au chantage. Cette année-là la fête de Pâques tombait le 2 avril. La femme alla communier, puis elle cacha l’hostie consacrée et la porta à Jonathas, obtenant ainsi la restitution de ses biens.
Jonathas commença à défouler sa haine et sa rage contre cette hostie, sachant bien que pour les chrétiens celle-ci était réellement le Christ. Et, comme il détestait le Christ, il détestait cette hostie.
Il prit un couteau et s’acharna sur le petit morceau de pain.Or, à sa grande surprise, du sang commença à couler des entailles qu'il infligeait à l'hostie. Cela ne calma pas sa fureur, mais, au contraire, l'excita. Il prit l'hostie et la jeta dans le feu de sa cheminée, mais l'hostie s'éleva au-dessus des braises et des flammes, en continuant à saigner.



L'hostie mise au feu se met à saigner, tandis que des soldats tentent d'entrer. Prédelle le Miracle de l'Hostie, Paolo Uccello, 57,2 x 32 cm, Galleria Nazionale delle Marche, Urbino.


Jonathas s'en saisit alors et la jeta dans une casserole d'eau qui bouillait sur le feu ;l'hostie, après avoir rougi l'eau, s'éleva en l'air, prenant l'aspect d'un crucifix. Elle resta ainsi pendant un certain temps, et Jonathas n'arrivait plus à l'attraper. Il commença alors à s'effrayer. Des membres de sa famille accoururent, et eux aussi prirent peur. Ils appelèrent à l'aide. La rumeur du prodige se répandit et d'autres personnes vinrent sur place et virent le phénomène. Finalement, l'hostie descendit toute seule et se déposa dans l'écuelle qu'une femme catholique présente dans le groupe des curieux tenait en main. Cette femme l'apporta au prêtre de sa paroisse, l'église Saint-Jean-de-Grève.



L'hostie est à nouveau consacrée à l'église. Prédelle le Miracle de l'Hostie, Paolo Uccello, 57,2 x 32 cm, Galleria Nazionale delle Marche, Urbino.



Après avoir écouté le récit des événements, le prêtre déposa l’hostie dans un tabernacle où elle resta pendant un certain temps. Puis un reliquaire fut construit pour la conserver et la proposer à la vénération des fidèles.
L'histoire rapporte que Jonathas, bouleversé par ce qui s’était produit chez lui, se convertit au christianisme avec sa femme et ses enfants, ainsi qu’avec d'autres juifs de ses amis. Sa maison fut appelée la « Maison du miracle » et un an plus tard, le roi Philippe IV le Bel voulut l'acheter pour en faire un lieu de culte. Il la confia à Reimer Fleming, qui la transforma en chapelle. Par la suite, un petit couvent fut édifié dans le jardin qui entourait la maison, avec un cloître en style gothique, pour être confié aux carmélites de Rennes. Vers 1756, la chapelle primitive fut agrandie, devenant l'église des Billettes. C'est après la Révolution française, et plus précisément en 1808, que Napoléon en fit don aux luthériens.
Ce miracle demeura très vif dans la mémoire des Parisiens. En souvenir de ce prodige, le peuple avait changé le nom de la « rue des jardins » en « rue où Dieu fut bouilli ». Ce nom se trouve cité dans de vieux documents.
En 1400 un long poème fut composé. Il comprenait un prologue et quatre actes, avec pour titre Mystère de la Sainte Horde. Des miniatures, des vitraux, des peintures rappellent cet événement. En l'église Saint-Jean-de-Grève où était conservée l'hostie, un « Office liturgique de la réparation » avait été composé expressément en souvenir du miracle qui s'était produit chez le juif Jonathas. Durant les célébrations du Corpus Domini, cette hostie était portée en procession avec les autres reliques relatives au miracle. Mais quand l'église des Billettes passa aux luthériens, les reliques furent égarées.
"Le Corps duChrist": Histoire des miracles eucharistiques, Renzo Allegri,2006.






La suite de l'histoire racontée en peinture par Paolo Uccello diffère de la version habituelle :
La femme pourvoyeuse de l'hostie est mise à mort et toute la famille de Jonathas est brûlée.

La femme qui avait procuré l'hostie consacrée au prêteur est amenée à l'endroit où elle doit être suppliciée, un ange apparaît. Prédelle le Miracle de l'Hostie, Paolo Uccello, 57,2 x 32 cm, Galleria Nazionale delle Marche, Urbino.



Le prêteur juif et sa famille sont brûlés. Prédelle le Miracle de l'Hostie, Paolo Uccello, 57,2 x 32 cm, Galleria Nazionale delle Marche, Urbino.



Deux anges et deux démons se disputent le corps de la femme fournisseuse de l'hostie. Prédelle le Miracle de l'Hostie, Paolo Uccello, 57,2 x 32 cm, Galleria Nazionale delle Marche, Urbino.






La curieuse relation du miracle de la sainte hostie paroit avoir été composée peu de temps après où l'on suppose que ce miracle arriva. Je vais en rappeler ici les principales circonstances : une femme de la paroisse Saint-Merry, ayant déposé, chez un juif ses derniers vêtements en gage, elle supplia son créancier de les lui rendre, afin qu'elle pût communier le lendemain. Le juif y consentit, à la condition, qu'en approchant de la sainte table elle garderoit l'hostie dans sa bouche et la lui remettrait en paiement. La malheureuse femme consentit, et le juif, maître de l'hostie, la frappa de son poignard, la flagella, et essaya de la brûler. Aussitôt, de l'hostie profanée le sang coula, puis quand elle fut exposée au feu elle voleta longtemps dans la chambre sans que le juif put la ressaisir. Ce miracle, devenu célèbre, entraîna le supplice du juif et l'élévation d'une chapelle, à la place occupée par sa maison, que les frères le la Charité Notre-Dame de Roignon furent appelés à desservir. Le peuple conserva la mémoire de ce miracle ; il fut représenté en détail sur les vitraux de l'église des Billettes, et sur des tapisseries de celle de Saint-Merry, un grand tableau divisé en neuf compartiments, attaché à la muraille de l'église Saint-Martin des Champs, offroit aux yeux des fidèles la représentation détaillée du miracle de l'hostie miraculeuse, enfin, plusieurs pièces de théâtre en ont perpétué la mémoire. L'hostie miraculeuse, demeurée, assure-t-on, entière, malgré les insultes du juif, fut exposée pendant plusieurs siècles, au dessus du maître-autel de l'église Saint-Jean en Grève.
Bulletin du bibliophile, CharlesNodier, 1844.



 " Le miracle des Billettes " détail,  Les évangélistes Saint Marc en haut et Saint Mathieu en dessous, Verrière de la galerie du cloître du Charnier, peinture à l'émail sur verre, premier tiers du XVIIème siècle, église St Étienne du Mont, rue de la Montagne Sainte Geneviève, Ve ardt.









II n'y a quasi point de Villes qui n'ait vu de ces Hosties miraculeuses. L'an 1571. il y en eût une à Laon, sur laquelle on a fait un livre approuvé par les Papes Pie V. & Grégoire XIII. L'an 1616. il se fit un grand miracle dans une Hostie à Besançon, & un Moine Observantin nommé le P. Etienne Barbier en a consacré l'histoire à la postérité. A Paris l'Hostie des Billettes est fameuse tous les ans, le Dimanche d’après Pâques on en fait la Fête, & à l'Octave du Saint Sacrement on la porte en procession dans la Paroisse de Saint Jean. Monsieur de Marolles Abbé de Villeloin nous apprend qu'il s'en voit une autre changée en un Christ crucifié dont les quatre extrémités de la Croix ont autant de mains. Celle du coté droit donne la bénédiction, celle du gauche tient un dard dont elle perce le triple corps de l’hérésie. Celle d'en haut tient une clef dont elle ouvre la Porte du Ciel & celle d'en bas délivre les âmes du Purgatoire & enchaîne le Diable & la mort. II ne nous dit pas où cela est arrivé, mais il faut avouer que l'esprit qui a fait ce miracle s'entendoit en emblèmes & en figures symboliques..
Préjugez légitimes contre le papisme: ouvrage où l'on considère l’Église Romaine dans tous ses dehors... Pierre Jurieu, 1685.





Le fanatisme de ce Nonotte était si parfait, que, dans je ne sais quel dictionnaire philosophique religieux ou antiphilosophique, il assure, à l'article Miracle, qu'une hostie, percée à coups de canif dans la ville de Dijon, répandit vingt palettes de sang ; et qu'une autre hostie, ayant été jetée au feu dans Dôle, s'en alla voltigeant sur l'autel. Frère Nonotte, pour démontrer la vérité de ces deux faits, cite deux vers latins d'un président Boisvin, franc-comtois :

Impie, quid dubitas hominemque Deumque fateri?
Se probat esse hominem sanguine, et igne Deum.

Ce qui signifie, en réduisant ces deux vers impertinents à un sens clair:

« Impie, pourquoi hésites-tu à confesser un homme
« Dieu ? Il prouve qu'il est homme par le sang, et Dieu
« par les flammes. »

On ne peut mieux prouver : et c'est sur cette preuve que Nonotte s'extasie, en disant, « Telle est la manière
« dont on doit procéder pour régler sa créance sur les
« miracles. »

Mais ce bon Nonotte, en réglant sa créance sur des injures de théologien et sur des raisonnements de Petites-Maisons, ne savait pas qu'il y a plus de soixante villes en Europe où le peuple prétend qu'autrefois les Juifs donnèrent des coups de couteau à des hosties qui répandirent du sang : il ne sait pas qu'on fait encore aujourd'hui commémoration à Bruxelles d'une pareille aventure ; et j'y ai entendu, il y a quarante ans, cette belle chanson :
Gaudissons-nous, bons chrétiens, au supplice
Du vilain juif appelé Jonathan,
Qui sur l'autel a, par grande malice,
Assassiné le très saint-sacrement.

Il ne connaît pas le miracle de la rue aux Ours à Paris, où le peuple brûle tous les ans la figure d'un Suisse ou d'un Franc-Comtois qui assassina la sainte Vierge et l'enfant Jésus au bout de la rue ; et le miracle des Carmes nommés Billettes, et cent autres miracles dans ce goût, célébrés par la lie du peuple, et mis en évidence par la lie des écrivains, qui veulent qu'on croie à ces fadaises comme au miracle des noces de Cana et à celui des cinq pains.
Œuvres de Voltaire, Tome 48, par M. Beuchot, 1832.
















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