L'estomac des Batignolles

Emblème du pharmacien Théophile Defresne. 96 blvd des Batignolles XVIIe ardt

Où le pharmacien Théophile Defresne, créateur de la pancréatine et de la peptone, ne digère pas sa condamnation

DEFRESNE (PANCRÉATINE DE)

Nous savons aujourd'hui, grâce aux travaux de Claude Bernard, Bouchardat, Sandras et Corvisart, que le suc pancréatique sécrété par le pancréas (v. ce mot), joue un rôle très important dans la digestion (v. ce mot). Nous savons que ce suc mis en présence du bol alimentaire dans l'intestin, reprend en sous-œuvre la digestion stomacale, liquéfie la masse alimentaire très incomplètement élaborée par la salive et la pepsine du suc gastrique, et jouit de la précieuse propriété de dissoudre tous les aliments quels qu'ils soient, tissu musculaire, pain, farineux, de digérer les graisses et le beurre et de les rendre assimilables.

Malheureusement le suc pancréatique ne se conserve pas, il s'altère et se décompose au bout de quatre ou cinq heures, et par suite il était impossible d'utiliser chez l'homme ses remarquables propriétés digestives.

C'est à M. Th. Defresne, pharmacien distingué, ancien interne des hôpitaux de Paris et lauréat de l'Ecole de pharmacie, que revient l'honneur d'avoir le premier isolé, à l'aide de procédés spéciaux fort ingénieux, la pancréatine du suc pancréatique dont elle est le principe actif, et d'avoir introduit ce médicament nouveau dans la thérapeutique des maladies des voies digestives.

Cornue et balance, symboles de la pharmacie. Immeuble construit en 1892. 95, rue de Montreuil, XIe ardt

La pancréatine de Defresne, absolument pure, se présente sous la forme d'une poudre jaune pâle, visqueuse, d'une odeur forte, d'une saveur franche, et se conserve indéfiniment sans altération. Elle est très soluble dans l'eau et jouit de la même puissance digestive que le suc pancréatique. 1 gramme de pancréatine de Defresne peut digérer simultanément 30 grammes d'albumine cuite ou 150 grammes de fibrine fraîche, 11 grammes de graisse, 10 grammes d'amidon.

Expérimentée dans les hôpitaux de Paris par le professeur Potain et le Dr Huchard dès 1874, la pancréatine Defresne y a été depuis employée avec succès par Guéneau de Mussy, Gubler, Moissenet, Callard, Delpech, Isambert, etc., dans les dyspepsies gastro-intestinales, les diarrhées chroniques, les dyssenteries, l'entérite, etc., dans tous les cas enfin ou la sécrétion et l'excrétion des sucs digestifs étant entravées ou taries ne peuvent suffire à la digestion générale.

Pour répondre à toutes les médications thérapeutiques et pour rendre l'emploi de la pancréatine facile et agréable aux personnes les plus difficiles, M. Defresne prépare une poudre, des pilules, un élixir et un sirop de pancréatine.

La poudre de pancréatine Defresne se prend à la fin du repas, pure dans un pain azyme ou bien mêlée aux aliments, à la dose de 2 à 4 petites cuillers-mesure dont chacune contient 0,25 centigrammes de poudre.

Les pilules de pancréatine Defresne, inaltérables à l'air, et cependant très facilement solubles, sont dosées à 20 centigrammes et dissimulent très bien le goût de la pancréatine. Elle se prennent à la dose de 3 à 5 à la fin de chaque repas.

L'élixir de pancréatine Defresne, qui contient 25 centigrammes de pancréatine par cuillerée à bouche, est préparé avec un vin tonique et généreux, agréable au goût. Il convient aux personnes qui avalent difficilement les pilules et se prend à la dose de 2 à 4 cuillerées à bouche à chaque repas. Quant au sirop de pancréatine, il est exclusivement réservé aux enfants du premier âge, auxquels on l'administre à la dose d'une cuillerée à café.


Dr C. SARRAN.

Dictionnaire populaire de médecine usuelle d'hygiène publique et privée. Volume 1 / par le Docteur Paul Labarthe,... ; avec la collaboration de plusieurs professeurs agrégés de la Faculté de médecine, de médecins , de chirurgiens,... MM. Baratoux, Beni-Barde, Albert Bergeron,... [et al.], 1887, Paris

Le Moniteur médical ["puis" et la Cote automobile...]. Journal des étudiants en médecine et des praticiens, 1897

TENTATIVE DE CORRUPTION

La vitrine de M. Th. Defresne, pharmacien specialiste à Paris, 56, rue de la Verrerie, qui avait exposé dans la classe 45 les produits de son industrie, pancréatine et peptone, a été fermée hier matin par ordre de l'administration. Cette mesure a été prise à la suite d'un fait très grave dont M. Defresne s'est rendu coupable. Cet exposant, désireux d'obtenir pour ses produits une haute récompense, a tenté de corrompre deux membres du jury de la classe 45.

Au commencement de la semaine, il a adressé à chacun de ces messieurs une lettre dans laquelle il offrait de les gratifier d'une somme de 5,000 francs si, après l'analyse de ses produits, ils lui faisaient décerner la médaille d'or.

Chaque lettre renfermait une somme de 1,000 francs pour solder, soi-disant, les frais de l'analyse.

Loin d'accepter ces propositions, les deux jurés s'empressèrent de faire parvenir à M. Berger les lettres et le billet inséré dans chacune d'elles. Le directeur de l'exploitation fit part de ces faits à M. Tirard, président du conseil et commissaire général de l'Exposition. Mercredi dernier, M. Tirard prenait, à l'égard de M. Defresne, un arrêté prescrivant les mesures suivantes

Art. 1er. M. Th. Defresne est déclaré déchu de ses droits d'exposant.

Art. 2. Toutes réserves sont faites au sujet des poursuites pénales et civiles à intenter, s'il y a lieu, contre le délinquant.

Art. 3. Le directeur général de l'exploitation est autorisé à faire publier le présent arrêté dans les journaux spéciaux de l'Exposition et à en faire afficher la copie à la place de l'exposition, de M. Defresne

Art.4. Ampliation du présent arrêté sera délivrée à M. le directeur général de l'exploitation et à M. le directeur général des finances. Sur l'ordre de M. Berger, cet affichage a été fait hier matin. Bien entendu, M. Defresne a vivement protesté contre cette mesure, et, hier, vers quatre heures du soir, il faisait coller au-dessous de l'arrêté ministériel, une petite affiche manuscrite dans laquelle étaient énumérés ses griefs contre l'administration.

La protestation de M. Defresne a été enlevée par les soins de M. Mouquin, commissaire de police.

Le matin, 23 juin 1889

Emblème du pharmacien Théophile Defresne. Les mûriers évoquent peut-être l'activité de ses ancêtres, cultivateurs d'Argenteuil. Immeuble de 1892. 95, rue de Montreuil, XIe ardt

Fiat Lux. Autre emblème du pharmacien Théophile Defresne. Immeuble de 1892. 95, rue de Montreuil, XIe ardt