dimanche 14 novembre 2010

Nivellement des Eaux







Sur la façade de la Maison d'Armande Béjart, 11 rue des Pierres, Meudon.




Le nivellement des eaux exige autant de connoissances physiques que celui des terres. Archimède découvrit une des principales lois de l'Hydrostatique, lorsqu'étant un jour entré dans le bain, il s'aperçut que l'eau, s'élevoit & refluoit sur les bords, en proportion du volume de son corps. Il fut si enchanté de cette découverte, qui nous paroît simple, mais qui avoit jusque-là échappé aux Physiciens, que transporté il sortit tout nud du bain public, & courut sur la place en s'écriant : Je l'ai trouvé, je l' ai trouvé. La connoissance de cette premiere vérité conduisit ce grand homme à la connoissance de plusieurs autres axiomes d'hydrostatique.

DE LA MANIÈRE DE NIVELER la pente des eaux.
On a déjà trouvé dans la seconde Partie de cet Ouvrage la méthode de niveler & de dresser les terres suivant une ligne de niveau ou de pente. Il s'agit ici du nivellement des eaux qui est infiniment plus difficile. Cette opération est de si grande conséquence que c'est d'elle que dépend la réussite d'une entreprise. Si l'on a mal nivelé, on ne connoîtra point exactement l'élévation du lieu où la source peut monter pour donner de la hauteur aux fontaines d'un jardin. Il convient donc, avant que d'entreprendre un ouvrage, de bien réfléchir sur les règles suivantes, & de recommencer un nivellement deux ou trois fois, tant pour le vérifier que pour corriger les erreurs inséparables de l'opération.
Niveler n'est autre chose que trouver avec un instrument deux points également distants du centre de la terre, & l'objet du nivellement est de savoir précisément combien un endroit est élevé ou abaissé au dessus de la superficie de la terre.
Une ligne véritablement de niveau parcourant le globe de la terre, est réputée courbe, à cause que tous les points de son étendue sont également éloignés du centre de la terre. Dans la pratique ordinaire on prend le niveau apparent, c'est-à-dire une ligne droite, pour le vrai niveau qui doit être une courbe. Quand la distance ne passe pas 100 toises, la différence du niveau apparent au vrai niveau, est insensible; mais à 300 toises il y a un pouce d'erreur selon la table des haussements du niveau apparent par-dessus le vrai niveau. Il se trouveroit une différence considérable dans un grand nivellement, si l'on ne corrigeoit l'excès du niveau apparent par-dessus le vrai niveau, il y a près d'un pied dans un nivellement de 1000 toises ; l'on donne rarement des coups de niveau de 300 toises de long d'une seule opération, la portée de la vue est trop faible pour s'étendre si loin, à moins qu'on n'applique au niveau une lunette à longue vue, ce qui facilite dans les grandes distance, mais l'imperfection des verres rend cette opération peu exacte ; la vue seule est encore moins sujette à se tromper.

Admirez ici, relativement à cette loi de la tendance des fluides à niveler leur surface, ce grand système de montagnes, de collines et de vallées, qui détermine le perpétuel écoulement des eaux, selon une pente ménagée avec tant d'art, de l'intérieur des continents jusqu'aux rivages de la mer. Voyez de quelles innombrables harmonies une si belle disposition est l'origine, et quelle somme de jouissance il en résulte pour l'homme et les animaux. Suivez ces sinuosités, ces détours, ces méandres sans nombre des rivières et des fleuves, le long des vallées, entre deux rives tapissées de gazon et de fleurs ombragées par de frais bosquets, animées par le chant des oiseaux, le murmure des eaux, le mugissement des troupeaux qui bondissent au sein des fertiles herbages, par la navigation fluviale, devenue pour l'homme un puissant instrument de sociabilité et d'industrie (1). Sur les coteaux voisins se déroulent les grands bois, ou fleurissent les plus belles productions de la culture, des vergers, des vignobles, des champs de blé ; puis ce sont des maisons de plaisance, de jolis villages groupés au bord des eaux ou sur le penchant des collines d'alentour, des fabriques, des moulins à demi-cachés sous le feuillage des hauts peupliers et des saules argentés ; de toutes parts enfin la fertilité et l'abondance, la beauté et la fraîcheur des sites, l'éclat et la variété des perspectives.
C'est encore sur cette propriété, en vertu de laquelle les fluides cherchent toujours à prendre leur niveau, qu'est fondé l'art de distribuer l'eau dans les grandes villes. On amène l'eau, au moyen d'un système de tuyaux, jusqu'à un réservoir qui domine, par sa hauteur, tous les lieux où elle doit se distribuer. Ce travail une fois terminé, la gravité fait tout le reste, et l'eau va remplir tous les réservoirs situés au-dessous du premier ; elle descend dans les lieux profonds, remonte sur le flanc des coteaux, et arrive enfin au centre des principales divisions de la ville : là, les tuyaux conducteurs se ramifient en une infinité d'autres qui vont parcourant toutes les rues, et ceux-ci se divisent encore pour porter dans chaque maison une substance si nécessaire à la vie (1). « Les rivières sont des chemins qui marchent », a dit Pascal.

Annales de philosophie chrétienne-volume 24-1842




13 bis, avenue Jacqueminot-Meudon.

1 commentaires:

  1. MJ, Porto - Portugal21 novembre 2010 à 15:06

    Mais uma vez “Parismyope” nos transporta a um interessante mergulho no passado e, quase obrigatoriamente, a vislumbrar um futuro que lançará um sorriso condescendente e irónico sobre muitos dos aspectos fundamentais do nosso viver actual.
    Um dia, os que viverem por nós (imagino que Brassens acrescentaria, se estivesse vivo: com grande vantagem para eles e muito, muito grande desvantagem para nós) sorrirão ao ver fotografias das nossas estimáveis figuras com óculos. Na realidade, já actualmente é possível substituí-los, nalguns casos, por cirurgias ao globo ocular.
    “Toise” (seis pés, cerca de um metro e oitenta centímetros) e “pouce” (próximo da polegada actual), medidas antigas com valor muito variável segundo a região, fazem-me sorrir. Mas, ao olhar para os grandes aquedutos fornecedores de água às cidades naquelas épocas, como o que transporta água para Lisboa, lembro-me, com grande respeito e admiração, dos seus construtores.

    MJ, Porto - Portugal
    20 novembre 2010 12:43

    Traduction:
    Une fois de plus Paris Myope nous fait faire un plongeon dans le passé et, quasi mécaniquement, nous fait entrevoir un futur qui jettera un sourire condescendant et ironique sur beaucoup d'aspects fondamentaux de notre façon de vivre actuelle.
    Un jour, ceux qui vivront après nous (J'imagine que Brassens ajouterait, si il était vivant: à leur grand avantage et notre très très grand détriment) souriront en voyant les photos de nos estimables visages chaussés de lunettes. En fait, déjà actuellement, il est possible de les remplacer, dans certains cas, par une intervention chirurgicale sur le globe oculaire.
    « Toise » (six pieds, près d'un mètre quatre vingt) et « pouce » (proche du pouce actuel), mesures anciennes avec des valeurs très variables selon la région, me font sourire. Mais, en voyant les grands aqueducs qui fournissaient l'eau aux villes de cette époque, comme celui qui amène l'eau à Lisbonne, je me rappelle de leur constructeurs avec beaucoup de respect et d'admiration.

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