Moulage du médaillon en bas relief de Michel Ange connu
sous le nom de Tondo Pitti, représentant la Vierge, l'enfant Jésus et
Saint Jean Baptiste, 19 rue de Fontenay, Sceaux, Hauts-de-Seine. |
A cette époque, un ami de Michel-Ange
le pressa de se rendre à Florence, où il pouvait obtenir du
gonfalonier Pier Soderini un énorme bloc de marbre, que possédait
l'œuvre de Santa-Maria-del Fiore, et qui avait été gâté jadis
par la maladresse de Simone de Fiesole. Soderini balançait dans son
choix entre Léonard de Vinci et Andrea Contucci de Monte-Sansovino,
habile sculpteur, lorsque Michel-Ange se présenta, en promettant
d'extraire du bloc une figure, sans qu'il fût besoin d'un seul
morceau de rapport. Simone de Fiesole avait tenté de faire de ce
marbre, haut de neuf brasses, une statue colossale; mais comme il ne
put en tirer qu'une ébauche estropiée, il fut forcé d'abandonner
son projet. Michel-Ange vit sa demande facilement accueillie, et
commença aussitôt un modèle en cire représentant le jeune David,
armé de sa fronde. Il se renferma dans un atelier qu'il se fit
construire, à Santa-Maria-del-Fiore, et y acheva sa statue, sans
permettre que l'on vînt visiter son travail. Le marbre manqua en
certains endroits où l'on remarque encore plusieurs coups de ciseau
de Simone. Michel-Ange fit là un véritable miracle, car il donna
l'existence à un mort. Giuliano et Antonio San-Gallo, à l'aide
d'une machine fort ingénieuse, transportèrent sans danger, en 1504,
ce colosse sur la place dei Signori. Quelque temps après,
Michel-Ange était occupé à opérer de légères retouches, lorsque
survint le gonfalonier Pier Soderini, qui se mit à critiquer la
grosseur du nez de David. Michel-Ange voyant que Soderini regardait
son ouvrage de bas en haut, et que ce point de vue défavorable ne
lui permettait pas de bien juger la chose, monta sur son échafaud,
et ramassa adroitement de la poussière de marbre, qu'il laissa
tomber sur son critique pendant qu'il faisait semblant de corriger le
nez avec son ciseau; puis, se retournant vers le gonfalonier, il lui
dit : « Eh bien! «qu'en pensez-vous maintenant? - Admirable! «
répondit Soderini, vous lui avez donné la vie. » Michel-Ange
descendit de son échafaud, en riant de ce docte magistrat, semblable
à tant d'autres parfaits connaisseurs, qui parlent sans savoir ce
qu'ils disent. Ce chef-d'œuvre éclipsa la renommée de toutes les
statues modernes et antiques, grecques et latines, sans excepter le
Marforio de Rome, le Tibre et le Nil du Belvédère, ou les Colosses
de Monte-Cavallo ; car il offre un ensemble divin de grâce, de
beauté, de perfection et d'élégance, que l'on ne saurait trouver
ailleurs. Michel-Ange reçut quatre cents écus de récompense du
gonfalonier, qui lui commanda un autre David en bronze, qui fut
envoyé en France. Dans le même temps, il ébaucha deux bas-reliefs
circulaires en marbre ; l'un, pour Taddeo Taddei, chez lequel on le
voit aujourd'hui ; et l'autre, destiné à Bartolommeo Pitti, fut
donné à Luigi Guicciardini, par Fra Miniato Pitti de Monte-Oliveto,
amateur distingué et savant cosmographe.
Vie des peintres, sculpteurs et architectes par Giorgio Vasari, édition de 1841.
Vie des peintres, sculpteurs et architectes par Giorgio Vasari, édition de 1841.
Médaillon en bas relief de Michel Ange connu sous le titre de Tondo Pitti, 1503, 85 cm de diamètre,musée du Bargello, Florence, Italie. |
… dans le tondo Pitti, la tête de
chérubin insérée dans la coiffure de la Vierge ( cet ornement
symbolise la prophétie ). Or il se peut que Michel-Ange, plus mûr
entre vingt-cinq et trente ans qu'à l'époque où il sculptait la
Madonna della Scala, ait introduit à dessein ces petits motifs
culturels pour faire admettre l'extraordinaire, la scandaleuse
froideur avec laquelle il traitait un thème que les Italiens ne
conçoivent que dans un climat de tendresse, de douceur, d'intimité
chaleureuse. Ne devait-il pas justifier l'étrange monotonie de son
obsession ? Reste que cette obsession éclate partout, que ces
mères sont des fantômes qui errent hors de portée de ces enfants,
dans la zone blême du néant sans retour. On remarquera en outre que
quatre de ces œuvres ont été exécutées presque la même années,
comme si une impulsion irrésistible avait contraint l'artiste à
exorciser sa hantise ; et qu'après 1521, à l'âge de
quarante-six ans ( il devait en vivre encore quarante-trois ), il
semble avoir renoncé à ce thème, soit que l'exorcisme ait réussi,
soit qu'ayant rencontré à Rome vers 1536 Vittoria Colonna ( née en
1490, elle était plus jeune que lui de quinze ans mais avait l'âge
et joua pour lui le rôle d'une mère ), il ait pu satisfaire auprès
d'elle un besoin de sécurité affective depuis toujours
inassouvi.
L'arbre jusqu'aux racines, Psychanalyse et création,Dominique Fernandez, Grasset, 1972.
L'arbre jusqu'aux racines, Psychanalyse et création,Dominique Fernandez, Grasset, 1972.
Bas relief de Michel Ange aux Musée des Offices, photo, épreuve sur papier albuminé, 41,5 cm de hauteur sur 31,8 cm de largeur, École des Beaux-Arts de Paris. |
L'importance dans
la carrière de Michel-Ange du Tondo Pitti - une oeuvre destinée à la
dévotion privée - ne fut découverte que tardivement. Avec la Madone de
Bruges (Bruges, Notre-Dame, 1504), le Tondo Taddei et le Tondo Doni, il
constitue en effet une partie de la réponse au carton et aux recherches
de Léonard sur le thème de sainte Anne. Probablement dans l'idée d'être
plus proche de la peinture, Michel-Ange emploie le bas-relief dans un
format circulaire, le tondo. Inventé à Florence au Quattrocento, il est
traditionnellement destiné à un usage privé. Or, d'après Vasari,
Michel-Ange « ébauche et ne finit » ni le Tondo Pitti ni le Tondo
Taddei. Il les laisse dans un état inachevé, appelé « non finito », et
qui a été rapproché par les historiens de l'art du sfumato de Léonard en
peinture.
Intentionnel
ou non, le « non finito » de Michel-Ange apporte une unité entre les
personnages et leur environnement, ainsi qu'une forte impression de
mouvement, l'une comme l'autre produites par la vibration de la lumière
sur la pierre encore ébauchée. Cependant, en peinture, Michel-Ange
ignore la technique de Léonard pour lui préférer, comme dans le Tondo
Doni, un modelé très sculptural et des contours linéaires. [...] Si,
dans le Tondo Taddei, le prototype de Michel-Ange est à rechercher dans
les Madones de profil de Donatello, dans le Tondo Pitti, l'artiste
reprend la composition pyramidale et la monumentalité des figures de
Léonard.
En
effet, la Vierge est assise au centre de la composition, le corps de
profil, le visage de trois quarts face, elle tient ouvert sur ses genoux
le livre sur lequel l'Enfant est accoudé. Sa tête est en très haut
relief et dépasse du bord supérieur du tondo. Son visage aux traits
fins, rectilignes, rappelle ceux du David et de Saint Pie (vers 1504,
Sienne, cathédrale, chapelle Piccolomini). Son androgynie, ses vêtements
et sa coiffure la rapprochent de la statuaire antique, des teste ideali
(« têtes idéales ») et des sibylles de la chapelle Sixtine, accentuant
ainsi l'aspect prémonitoire de la scène et l'importance de la figure de
la Vierge.
Cécile Beuzelin, Exposition Léonard de Vinci au Louvre, 2012;
Cécile Beuzelin, Exposition Léonard de Vinci au Louvre, 2012;
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