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" Les Cinq Continents ", enseigne d'une succursale de la banque Société Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt. |
Depuis le Moyen Age il y a eu des générations et des générations d'enseignes.Une très grande quantité sont nées et disparues durant des siècles, certaines mortes dans la fleur de l'âge, d'autres dotées d'une surprenante longévité. Celles qui nous restent sont souvent des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, au musée ou encore quelques-unes dans nos rues. Mais ce n'est presque rien de tout ce qui a existé ( Rien qu'à Paris au XVIIe siècle on créait de 1500 à 2000 enseignes par an...), ce qui rend ces témoignages si précieux.
Ayant déjà montré une réalisation du mosaïste Facchina et de son atelier dans " Enseignes sculptées ", " Les Cinq Continents " vers 1880, servant de décor au Comptoir d' Escompte 14 à 18 rue Bergère, IXe ardt, voici ici la présentation d'une autre mosaïque " Les Cinq Continents " des même ateliers, toujours pour le monde bancaire, au 6 rue de Sèvres dans le VIe ardt, plus récente, puisque de 1902. Et l'importance du mosaïste Facchina est soulignée. Merci à Mme Martine Boussoussou, bibliothécaire à Forney qui m'a fourni de nombreuses informations sur Gian Domenico Facchina.
Ensuite nous découvrons de mystérieuses enseignes qui se souviennent d'enseignes plus anciennes.
Puis trois enseignes de la période coloniale témoignent de l'esprit de leur époque.
Encore d'autres enseignes parisiennes aimant presque toutes la couleur dorée.
Suivent des enseignes en céramique, celle d'un hôtel, puis d'autres métalliques.
Enfin cet article se clôt avec deux statues enseigne de Saint, puis un mur peint XXe siècle.
Facchina, mosaïste.
Toute l'histoire de la mosaïque du XIXe et XXe siècles, tant en
France qu'outre Atlantique, est intimement liée à l'activité
effervescente et fascinante de cet artiste génial aux qualités
entrepreneuriales hors pair.
Gian Domenico Facchina est né en
Italie le 13 octobre 1826 à Séquals dans la région Frioul. Cette
petite ville, située au pied des montagnes et sillonnée de torrents
aux galets multicolores, est le berceau, depuis le XVe siècle, du
terrazzo et de la mosaïque.
Maryse de Stefano Andrys,
Catalogue de l'exposition La scuola mosaicisti del Friuli à
Lyon, Archives municipales de Lyon avec la contribution de la Regione
Autonoma Friuli Venezia Giulia.
Gian Domenico Facchina, (1826-1903), portrait gravé par Georges-Léon-Alfred Perrichon, extrait de l'article du Panthéon de l'industrie reproduit ci-après, N° du 12 octobre 1884. © Gallica B.N.F. |
M. FACCHINA ET LA RENAISSANCE DE LA MOSAÏQUE
1878, au cours de l'Exposition internationale, nous terminions en ces
termes une étude consacrée aux mosaïques de M. Facchina :
« Personne plus que lui ne mérite de recevoir du
jury de l'Exposition une récompense exceptionnelle. »
Le
jury d'alors confirma pleinement notre appréciation, en décernant à
M. Facchina une médaille d'or ; ce que nous rappelons, non point
pour nous attribuer le rôle de prophète, vraiment trop facile en
cette occasion, mais pour en venir précisément à montrer comment
nous avons pu prophétiser à coup sûr, en exposant en peu de mots
de quelle façon ce laborieux artiste est parvenu, par des procédés
nouveaux, à établir la mosaïque à des prix beaucoup inférieurs
aux procédés anciens.
Avant tout, puisque la présente
notice doit revêtir la forme d'une biographie, rappelons
succinctement les origines de M. Facchina.
Né en 1826, à
Sequals, dans le Frioul italien, il fit ses débuts à Trieste, chez
un de ses parents entrepreneur de mosaïque en dallage, qui l'employa
à la restauration des anciennes mosaïques de marbre et des
mosaïques en émail de la voûte des chapelles du XIIIe siècle de
la cathédrale de cette ville.
Le jeune homme, qui avait
alors dix-sept ans, montra un goût très vif pour ce travail, et
résolut d'aller à Venise, pour voir les belles mosaïques de
Saint-Marc, où il avait aussi un oncle, chanoine dans cette
basilique (1846).
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Les Cinq Continents ", détail " l'Océanie ", enseigne d'une succursale de la banque Société
Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt. |
Il se trouva là en présence de deux ouvriers Romains
restaurant ces mosaïques. M. Facchina, par l'intermédiaire de son
oncle, demanda à être pris comme apprenti, ce qui lui fut accordé
à la condition de compléter ses études de dessin.
Peu de
temps après, M. le comte Cassis d'Aquilée, filleul de l'empereur
d'Autriche, connaissant déjà les bonnes dispositions de ce jeune
homme,le fit appeler pour restaurer d'anciennes mosaïques en marbre
dans l'Eglise patriarcale.
Puis vint l'exécution des
mosaïques chez la princesse Napoléon Bacciocchi dans sa villa
Vicentine.
Entendant toujours parler de la France par le
personnel attaché à la maison de cette princesse, comprenant les
ressources qu'il y trouverait pour développer son rêve dans l'art
de la mosaïque décorative, il se rendit compte de ce fait que
l'état politique de l'Italie d'alors amènerait infailliblement la
décadence de cet art, jusque-là compatible seulement avec un grand
éclat de luxe et de richesse générale, se demanda s'il ne ferait
pas bien d'émigrer sur un autre point du globe où la mosaïque, peu
pratiquée, aurait la chance de rencontrer la vogue que donne la
nouveauté basée sur un système plus facile, moins long et moins
coûteux.
Justement, de grandes et nombreuses découvertes de
mosaïques anciennes, dans le midi de la France, avaient créé, dans
notre pays, un remarquable retour du goût vers ce genre de travail.
Saisissant cette heureuse occasion, M. Facchina vint
s'établir à Montpellier, exécuta avec succès des restaurations de
mosaïques anciennes au musée de Narbonne et à la Maison Carrée de
Nîmes, fit breveter une méthode créée par lui pour enlever et
rétablir, sans dégradation aucune, les mosaïques anciennes.
Tout
ceci servait à fonder sa réputation, mais ne réalisait pas encore
le grand rêve qu'il avait fait : la découverte d'une méthode
facile et peu coûteuse pour l'exécution de la mosaïque pour la
grande décoration murale.
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Les Cinq Continents ", détail " l'Asie ", enseigne d'une succursale de la banque Société
Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt. |
Ce difficile programme comportait
naturellement deux parties : la fabrication des émaux dont il
fallait compléter la gamme et éclairer les teintes ; leur
assemblage pour l'exécution des mosaïques.
A cette époque,
il n'y avait à Venise qu'un seul fabricant d'émaux, M. Radi de
Murano, qui essayait de retrouver les anciens procédés — M.
Facchina s'y rendit pour acheter des émaux, qui lui permirent
d'établir des échantillons de mosaïque. Malheureusement, les
clients lui manquèrent. Profitant alors de l'Exposition de 1855 pour
visiter la capitale, il offrit, sans succès, son concours à M.
Viollet Le Duc, architecte. Il retourna dans le Midi, où M. Charles
Laisné, architecte du gouvernement, lui fit exécuter divers
travaux, tout en l'encourageant beaucoup à s'établir à Paris.
C'est le grand Opéra de Paris qui a commencé et consacré
la grande vogue de la nouvelle mosaïque, et cette histoire, aussi
honorable pour l'architecte Garnier que pour le mosaïste Facchina,
mérite à tous égards d'être racontée.
Chacun sait la
passion si bien justifiée de M. Garnier pour la peinture polychrome
; malheureusement, un architecte, qui travaille pour l'éternité,
doit éprouver quelques défiances pour la fresque dont la durée est
nécessairement éphémère ; notre Opéra lui-même, dont la
construction est si récente, en a fait déjà le douloureux essai.
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Les Cinq Continents ", détail " l'Europe ", enseigne d'une succursale de la banque Société
Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt. |
Garnier songea donc à substituer à la fresque la mosaïque,
dont on peut rendre la durée indéfinie. Les mosaïstes romains,
auxquels il fit ses premières ouvertures, refusèrent d'accepter une
limite de temps quelle qu'elle fût et demandèrent 3,000 francs par mètre
superficiel ; c'était opposer deux fins de non-recevoir. Il
s'adressa ensuite aux mosaïstes de Venise, qui lui demandèrent 1500
fr. et fut sur le point de renoncer à son projet.
Mais
Garnier connut les travaux de Facchina, s'aboucha avec lui, lui fit
accepter le prix de 200 fr. le mètre carré et, quatre mois après,
Facchina avait couvert plus de 300 mètres de plafond, chacun sait
dans quelles conditions de perfection, et quelles difficultés
spéciales avaient imposées aux artistes, quel goût avaient réclamé
d'eux des cartons comme ceux de Garnier. Les mosaïstes romains
auraient demandé 4 ans pour le même travail.
C'est donc
Garnier, on peut le dire, qui a découvert Facchina, et c'est
Facchina qui a donné à Garnier le moyen de réaliser son rêve d'or
; la grande peinture polychrome à bon marché, soustraite aux
ravages du temps.
Le succès de cette grande expérience fut
immense ; une grande et générale révolution s'accomplit dans la
décoration des édifices, par la mosaïque modernisée; aussi M.
Facchina, dont le nom a été répété partout, s'est vu comblé
d'honneurs par les jurys d'expositions, et Garnier, satisfait des
travaux de Facchina, voulut lui témoigner en quelque sorte sa
satisfaction en lui faisant obtenir la décoration d'Italie. —
Garnier, comprenant le grand avenir réservé à la mosaïque en
France, proposa d'établir aux Gobelins une Ecole nationale de
mosaïque; la commission des Beaux- Arts, n'ayant pas oublié les
essais malheureux qui avaient été faits cinquante ans auparavant
par les mosaïstes romains, fut saisie du projet et le gouvernement
français y adhéra avec empressement. Malheureusement le projet
n'eut pas de suite, et l'Ecole ne se fonda pas. Plus tard encore,
Facchina, mis en relief par ses grands travaux du nouvel Opéra, fut
chargé de fonder cette Ecole, pour vulgariser sa méthode pratique
et peu coûteuse ; on lui demanda à cet effet un devis approximatif
pour son organisation, en lui confiant le soin de recruter le
personnel; — malheureusement, les nombreux travaux commandés à
Facchina le forcèrent à renoncer à cette honorable direction.
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Les Cinq Continents ", détail " l'Amérique ", enseigne d'une succursale de la banque Société
Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt. |
Il
suffira du reste, pour éclairer nos lecteurs sur la valeur
artistique des mosaïques de Facchina, de les renvoyer à
l'Exposition de l'Union Centrale des arts appliqués à l'industrie ;
ils y verront cette incroyable série de 12,000 teintes, si franches,
si pures, si fraîches, qui font l'admiration de tous les visiteurs.
S'ils consultent les chimistes les plus experts, ils
apprendront en outre que ces émaux, résistant à l'action de
presque tous les acides, de tous les agents atmosphériques, ne
pourront subir aucune altération de leur teinte, et qu'il suffira d'un coup d'éponge
pour leur conserver à jamais leur ton, leur fraîcheur et leur éclat
; c'est la réalisation de la peinture éternelle.
Mais M.
Facchina a réparé trop de décorations anciennes pour ignorer que
l'altération des émaux n'est pas la cause unique ni même la cause
principale de la destruction des mosaïques.
Frappé du
défaut d'adhérence des mastics, il en a étudié la cause et a
facilement reconnu qu'elle ne réside pas dans la défectuosité de
la matière, mais dans le mode d'application.
M. Facchina a
imaginé son système d'exécution, qui est la véritable et
définitive révolution- de la mosaïque : au lieu d'exécuter les
mosaïques sur place, au milieu de grandes difficultés, il les
exécute commodément sur une table et les met en place en bloc par
vastes surfaces.
Les avantages de la nouvelle méthode sont
évidents : l'ouvrier, travaillant assis et complètement à son
aise, donne à l'exécution tout le soin désirable ; les émaux,
juxtaposés sur une surface plane, prenant sans aucune difficulté la
disposition voulue dans les meilleures conditions de contact ; le
mastic s'applique par larges places sur du ciment entièrement frais
et forme corps avec lui.
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Les Cinq Continents ", détail " l'Afrique ", enseigne d'une succursale de la banque Société
Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt. |
N'y a-t-il pas assimilation complète entre le travail du
mosaïste et celui du tapissier de haute lice, qui applique, lui
aussi, ses couleurs par derrière et n'en voit nullement l'effet ?
Or, niera-t-on que cette façon de procéder n'empêche pas
ces deux catégories d'ouvriers, d'artistes plutôt, de produire tous
les jours des chefs-d’œuvre?
Il faut, sans doute, pour
exécuter ainsi à rebours, soit des mosaïques, soit des
tapisseries, une certaine habileté et une certaine habitude
spéciales ; mais si l'on veut se convaincre que cette habitude se
prend et que cette habileté existe, il n'y a qu'à aller voir les
mosaïques exécutées par M. Facchina au Grand-Opéra, à l'Ecole
des Beaux-Arts, au Comptoir d'Escompte, au Trocadéro, dans une
multitude d'églises, de théâtres, d'établissements publics, de
palais, d'hôtels, de musées, ainsi qu'en Hollande, en Amérique, en
Roumanie, et spécialement cette splendide copie du célèbre tableau
de Tiepolo : le Banquet de Cléopâtre et de Marc-Antoine, que
M. Facchina a reproduite en grandeur naturelle, et qui figure à
l'Exposition de l'Union Centrale.
Le grand mérite de M.
Facchina, nous l'avons dit, sera d'avoir compris son temps et d'avoir
créé une mosaïque moderne, aussi belle, plus belle que l'ancienne,
et coûtant incomparablement moins de temps et d'argent.
La
décoration de l'immense coupole de Saint-Paul, de Londres, que
l'on prépare en ce moment, aurait demandé un siècle, au bas mot,
avec l'ancienne méthode ; M. Facchina l'exécutera en moins de trois
ans.
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Mosaïque au sol servant d'enseigne à l'entreprise Facchina, à l'une des entrées de la galerie Vivienne à Paris, IIe ardt. |
Pour être complet, ajoutons qu'on doit à M. Facchina
l'application des mosaïques au dallage, et qu'il a généralisé cet
emploi dans de très grandes proportions.
Tel est le bilan de
ce maître mosaïste, qui a sa place marquée parmi nos grands
artistes contemporains, et qui n'attend plus, pour couronner son
œuvre, que la récompense exceptionnelle du Gouvernement français.
A. CORROYER.
Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré, 12 octobre 1884, © Gallica B.N.F.
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Liste des réalisations les plus importantes de l'atelier Facchina, extrait de l'article du Panthéon de l'industrie du 12 octobre 1884, © Gallica B.N.F. . |
La notoriété de Gian Domenico Facchina permit de faire connaître d'autres mosaïstes venus du Frioul comme lui, dont certains furent ses collaborateurs. Suite à cette impulsion donnée au renouveau de la mosaïque dans le monde entier, fut fondée en 1922 à Spilimbergo l’École des mosaïstes du Frioul. Aujourd'hui c'est l'un des plus importants centres mondiaux de formation à cette discipline. Grâce à cette école la tradition et le savoir-faire de la mosaïque restent vivants.
Des enseignes qui se souviennent... D'enseignes anciennes.
Au 24 rue du Dragon, trace d'une enseigne précédente ?
Il est douteux que les archéologues se laissent prendre à cette assertion. D'abord, autant que l'on peut en juger à la hauteur où il est encadré, ce médaillon appartient au premières années du XVIIe siècle. Il seroit donc l’œuvre ou des fils, ou des neveux de Palissy, ou même de leurs successeurs qui continuèrent jusque vers 1620 l'industrie fondée par le potier de Xaintes. Puis de 1565, date de l'arrivée de Palissy à Paris, à 1589, date de son incarcération à la Bastille, la rue du Dragon, ou, pour lui restituer son ancien nom, la rue du Sépulcre, n'existoit pas. L'espace compris entre l'ancienne rue de l’Égout, la rue Taranne, la rue des Saints-Pères & la rue du Four prolongée par la rue de Grenelle, étoit situé dans la campagne & formoit une culture, un clos dépendant, fonds & droits, de l'abbaye de Saint-Germain des Prés. On y ouvrit, postérieurement à 1590, un jeu de paume converti depuis en académie, & dont la cour du Dragon conserve exactement l'emplacement.
En second lieu, Palissy, pourvu légalement en arrivant à Paris d'un office de cour, chargé en 1570 de la construction de la grotte de terre émaillée du jardin des Tuileries, logeoit très probablement près du jardin qu'il étoit appelé à décorer. Il y a trois ans, en déblayant les fondations de la nouvelle salle des États le long du quai du Louvre, on a trouvé au niveau de l'ancien sol du XVIe siècle, & en deçà du vieux mur d'enceinte dont les assises étoient encore intactes, on a trouvé, dis-je, un four de potier contenant un grand nombre de moules de rustiques figulines. Il m'a été permis d'étudier plusieurs de ces moules, & cette étude m'a convaincu que c'étoit là le four où Palissy cuisoit les émaux de sa fameuse grotte. N'est-il pas plus probable qu'il demeuroit près de ses ateliers, au milieu de ses confrères les fabricants de poterie, de faïences & de tuiles, qui ont donné leur nom au jardin des Tuileries, & que l'indication inscrite sur la maison du Fort Samson est une supposition gratuite (1) ?
André Fantelin.
L'enseigne " Le chariot d'or " expliquée.
Rue Grenéta.
L'auberge du Chariot-d'Or, démolie de nos jours, s'est tout de suite relevée, rue Grenéta, à la même place. Pourtant les époux Langelée, qui tenaient l'auberge du XVIIe siècle, y rentreraient assez difficilement sans se tromper de porte et de rue, peut-être même de quartier. La cour de leur maison servait de passage public, de la rue Grenéta, qu'on appelait aussi aussi Darnetal, à celle du Grand-Hurleur. C'est au Chariot-d'Or qu'on prenait place dans le carrosse faisant le service d'Anvers et dans celui qui dirigeait périodiquement sur la route de Lorraine, de l'Allemagne par correspondance. Car on en n'en était pas encore aux diligences.
Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, tome 5, par Charles Lefeuve, 1863-1865. © Gallica B.N.F.
Rue Turbigo.
Cette voie, née à peine, n'a encore pour histoire qu'un nom de guerre glorieusement attaché à une campagne récente (la bataille de Turbigo, victoire remportée sur les Autrichiens le 2 juin 1859 n.d.r.), et sous de tels auspices, elle ira loin, appelée à relier en ligne transversale les Halles au boulevard du Prince-Eugène (maintenant boulevard Voltaire n.d.r.). Mais déjà elle englobe deux rues, dont les maisons viennent de tomber dru, sans qu'on en ai dit un seul mot. Deux de celles-ci, échappées par miracle à cet abatis imprévu, regardent passer l'alignement nouveau, qui les relègue dans un angle rentrant.
La première de ces maisons, naguère 10, rue du Grand-Hurleur, répond pour le moment au chiffre 37 dans la rue neuve.
La propriété contiguë (vraisemblablement le 39 n.d.r.), qui doit à une moindre élévation et à deux mansardes d'avant Mansart sa physionomie beaucoup plus pittoresque dépend depuis plusieurs siècles, de l'Auberge du Chariot-d'Or, dont la façade sur la rue Grenéta à changé depuis peu d'aspect et d'alignement. Des rouliers, comme par le pasé, descendent au Chariot-d'Or ; mais aucun des autres voyageurs n'y est plus amené par le coche, dont le bureau et les écuries se trouvaient dans l'hôtellerie même. Le public a également fait son deuil d'un passage libre à travers les cours du Chariot-d'Or.
Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, tome 5, par Charles Lefeuve, 1863-1865. © Gallica B.N.F.
Même supposition que pour le plan précédent. Détail du plan de Paris Jaillot de1775. |
Enfin grâce à ce plan de Paris Deharme de 1766 très bien numérisé on peut lire " Passage du Charriot-d'Or ". Ce n'est plus une supposition. Il y a bien eu un passage comme le texte plus haut le précise.
André Fantelin
" Au buisson Ardent " Souvenir d'un cabaret in situ ou voisin.

Enseigne " Au Buisson Ardent ", 25 rue Jussieu, Ve ardt. L'immeuble est de 1893 et il est clair que l'enseigne en clé de voûte est de cette époque. Il s'agit de l'épisode biblique bien connu. Mais Pourquoi cette enseigne dans un immeuble de rapport ? Il s'agit d'un souvenir d'une enseigne préexistante.
Rue Saint-Victor.
L'abbaye Saint Victor eut, dans les derniers temps, pour vis-à-vis la pension Imbert, qui recevait des étudiants en droit, en médecine, en chirurgie, en philosophie et en théologie dans des chambres particulières, et aussi la manufacture de velours et soie noire Merlin, qui était située plus près de la Pitié, hospice d'enfants à cette époque. Deux ou trois maisons encore debout, parmi celles qui faisaient face à l'établissement monastique, furent des hôtels de gens de robe. L'enseigne du Buisson-Ardent, conservée pour un cabaret, fut celle de la propriété, le n° 51. La régie des brouettes eut aussi, vers la fin, son siège principal au 67 ou au 69 : les chaises roulantes ainsi nommées, qui se prenaient à l'heure ou à la course, coûtaient moins cher que les chaises à porteurs. Cette partie de la rue s'était appelée du Faubourg-Saint-Victor et du Jardin-du-Roi avant la destruction de la Porte Saint-Victor, bâtie vers 1200 et rebâtie sous Charles IX, un siècle avant d'être supprimée.
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Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, tome 4, par Charles Lefeuve, 1863-1865. © Gallica B.N.F.
Sur ce détail d'un plan de Paris de 1766 par Deharme j'ai figuré par le rectangle orange où devait se trouver le cabaret " Au Buisson Ardent " du texte, en ce basant sur l'emplacement actuel de l'enseigne. Cette partie de la rue St Victor (après s'être appelée rue du Faubourg-Saint-Victor jusque en 1760) est devenue la rue Jussieu en 1869. Mais le texte semble dire que ce cabaret faisait face à l'établissement monastique, d'où la possibilité de le situer vers mon point d'interrogation vert-bleu.
André Fantelin.
Enseignes coloniales.
Deux enseignes coloniales bien connues ont fait polémique, " Au Nègre Joyeux " qui se trouvait rue Mouffetard à la hauteur de la place de la Contrescarpe (déjà montrée dans notre billet " Enseignes Peintes " ), maintenant au musée Carnavalet depuis 2018, et " Au Planteur ", 10-12 rues des Petits-Carreaux, IIeme ardt, encore en place.
Ces trois enseignes sont trois témoignages historiques qu'il n'est pas inutile de montrer.
Enseignes variées, et souvent dorées.
On comprend que, dans ses relations journalières d'affaires, le public désignât telle boutique par l'emblème qui la lui avoit fait remarquer, & que, d'un autre côté, les marchands se soient efforcés d'attirer le public par une indication saillante destinée à bien fixer cet emblème dans la mémoire. Des deux côtés l'intérêt étoit en jeu. De là l'usage des enseignes plus spécialement réservé aux marchands. Tous les visiteurs de Pompéi se rappellent, au milieu d'une certaine quantité de monuments de ce genre, ces deux gracieux antéfixes représentant : l'un, deux esclaves portant une amphore ; l'autre, une chèvre. Le premier servoit d'enseigne à un marchand de vin, le second à une laitière. Les titres de noblesse des enseignes remontent beaucoup plus loin que les croisades.
Parmi les enseignes familières aux
parisiens figurent la «carotte» des buralistes. Elle a toute une
histoire.
Si l'usage du tabac devint rapidement une habitude (ou
une manie) engendrant les foudres de certains souverains ou de
l'Église (rappel dans Dom Juan de Molière par Sganarelle), la
consommation de ce nouveau produit développera également une
floraison de commerces et par là-même d'enseignes. La silhouette de
la carotte rouge des débits de tabac est inséparable de nos rues.
Ses origines remontent au XVIe siècle, époque où a côté de la
pipe, le tabac est surtout utilisé en prise et chique.
Le
tabac à râper (« j'en ai du fin et du bien râpé » dit la
chanson !) était présenté au début en bouts-filés « c'est à
dire en feuilles roulées mais qui rendaient malaisé le râpage.
Aussi l'idée vint-elle de réunir huit bouts-filés, « quarottes »,
en les ficelant à la manière d'un gros saucisson, ce qui les fit
appeler au début « andouille ». Puis le surnom de carotte
prévalut.
Pendues, en enseignes parlantes, à la devanture des
épiciers et des apothicaires chargés de vendre le tabac, ces
carottes étaient attaquées par les chapardeurs aussi bien que par
les intempéries. Avisés, les commerçants les remplacèrent
progressivement par des « carottes » en bois tourné ou en
porcelaine en attendant d'être en tôle, en zinc (XIXe siècle) ou
en plastique (XXe siècle). Pour stimuler l'usure du tabac due à la
râpe, on épointa les deux bouts. Et afin d'attirer encore plus le
client, elles furent peintes en rouge. La carotte est aujourd'hui
obligatoire. Certaines étaient agrémentées de cartes à jouer,
pipes, etc... peintes sur le rouge. Mais les buralistes n'ont pas eu
que la carotte. On trouve depuis le XIXe siècle, des grandes pipes
en zinc, et, avant, des enseignes peintes représentant un fumeur
oriental puisque le tabac blond vint longtemps d'Orient, des
enseignes « au Khédive », « à la bonne prise », à la grosse
carotte », « à la carotte américaine », « à la carotte d'or »
« au fumeur sans pareil », « au diable à quatre », etc... Et
surtout la fameuse civette de la rue Saint Honoré, de 1752, qui
devait essaimer dans toute la France, encore de nos jours d'ailleurs,
même en bandeau. Le fier animal se dresse toujours dans le ciel face
à la Comédie Française.
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Enseigne " A la Civette " 157 rue Saint-Honoré, Ier ardt. XVIIIe siècle, certainement plusieurs fois restaurée.On y vend toujours du tabac. |
Les créateurs d'enseignes
Arrivés à ces sommets de l'art de l'enseigne, il est temps
de s'interroger sur les personnes qui créaient les enseignes. Nous
sommes à peu prés certains que jusqu'au XVIIIe siècle, existaient
peu de spécialistes en enseignes. D'ailleurs l'enseigne n'était pas
tenue pour une œuvre d'art (la notion est très récente) et ses
réalisateurs ne jouissaient pas d'une considération exceptionnelle.
Pline les appelle déjà « barbouilleurs » et à Paris « peintre
du Pont Neuf », endroit spécialisé, était péjoratif. Au Moyen
Âge les corporations de peintres et de sculpteurs associaient des
artisans de talent aussi bien que de médiocres exécutants.
L'Académie de Saint-Luc comprenait des peintres en bâtiment, des
peintres d'histoire, des sculpteurs et des fabricants de figures en
plâtre. A de rares exceptions et qui sont bien loin d'être sûres
(un bœuf lyonnais attribué à un Jean de Bologne, une « chaste
Suzanne » de la rue aux Fèves attribuée à Jean Goujon) les
enseignes étaient confiées à des débutants ou des talents
ordinaires. Encore s'agit-il là de commerçants aisés souhaitant
une enseigne se distinguant de ses voisines. Il est bien évident que
pour le barbier qui accrochait trois plats à barbe à un bâton, ou
le tailleur suspendant un pourpoint à son étal, point n'était
besoin d'aide. Mais quand il s'agit d'enseignes sculptées en bois,
en pierre, moulées en terre cuite ou en plâtre, découpées en
tôle, il fallait faire appel à un spécialiste. C'est dire que nous
trouvons des sculpteurs, des céramistes, des peintres, des
enlumineurs, des orfèvres et des ferronniers, surtout au XVIIIe
siècle, apogée de cet art. Les serruriers, qui font autre chose que
des clés, ont réalisé nombre d'enseignes eux aussi. Leurs
enseignes parlantes sont encore souvent accrochées aux murs
parisiens, ou à Carnavalet, celle de Filliol, tout particulièrement,
véritable dentelle de fer. La réalisation d'une enseigne élaborée,
nous en sommes maintenant au XVIIIe siècle, exige de nombreuses
opérations. Il faut d'abord la créer (dessin, sculpture, découpage,
soudure, peinture), puis la poser. Ensuite l'entretenir (les
intempéries ont vite raison du bois, de la pierre ou du métal).
Rien qu'à Paris au XVIIe siècle on créait de 1 500 à 2 000
enseignes par an, alors que la corporation des peintres-imagiers ne
comptait que 250 membres. Il en découle que les prix variaient selon
la qualité de l'artiste et la taille de l'enseigne. N. de Blégny
nous indique qu'une figure en pierre de Saint Luc grandeur nature
varie de 75 à 300 livres selon l'exécutant. Les grands peintres
n'ont pas dédaigné de peindre des enseignes. Si l'on cite
volontiers Watteau réalisant pour son ami, marchand de tableaux, «
L'enseigne de Gersaint », on connaît moins une enseigne de maître
d'école peinte par Holbein. F. Hals, Teniers, Le Carravage s'y sont
risqués aussi avec bonheur. Chardin, Greuze, Isabey plus tard.
Boilly a laissé « au gourmand » actuellement à Carnavalet. Le
XIXe siècle abonde aussi en peintres d'enseignes célèbres. Citons
pêle-mêle : Prud'hon, Courbet, Géricault, Gavarni, Millet,
Willette.
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Enseigne
" A la Coquille d'Or ", 1 rue Gomboust, angle avec la rue de la
Sourdière, Ier ardt. XVIIIe siècle, vers 1720. C'est actuellement un bar
à cocktails. |
Enseigne " A la Coquille d'Or ", 1 rue Gomboust, angle avec la rue de la Sourdière, Ier ardt. XVIIIe siècle, vers 1720. On peut remarquer un goût très partagé du doré dans la création des enseignes.
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Enseigne " A la Coquille d'Or " Photo d'Eugène Atget, 1908, Hauteur : 17,4 cm, Largeur 22 cm, tirage sur papier albuminé. © Musée Carnavalet. |
Éclipse temporaire 1761 - 1795
Après
le coup d'arrêt de 1761, la vague révolutionnaire va contribuer
aussi à la disparition de l’enseigne. Si avaient subsisté les
enseignes sculptées sur les murs, peintes sur panneaux, ou de
dimensions modestes, la Révolution va éliminer celles à sujets
religieux, royaux, ou jugés hostiles au nouveau régime. Si elle ne
les démolit pas, elle les met au goût du jour, et l'enseigne
devient résolument politique. Il y avait eu quelques précédents :
sous Louis XIV, on avait vu des « grands monarques ». A l'avènement
de Louis XVI, Paris avait salué ironiquement le nouveau souverain
avec « une poule au pot » assortie de vers :
« Enfin la
poule au pot sera donc bientôt mise :
On doit du moins le
présumer.
Car depuis deux cents ans qu'on nous l'avait promise
On n'a cessé de la plumer !
Mais c'est à partir de 1789
que la politique devient évidente. Cette année là, en effet le
thème est « la Bastille », en 1790, c'est « la Fédération »,
en 1791 « Monsieur Veto ». Il y aura aussi des « amis du peuple »,
des « trois ordres », des « carmagnoles », etc... Et pour finir
en 1794 des « Notre-Dame de Thermidor » (Mme. Tallien). N'oublions
pas « le sauvage » de la rue Grégoire de Tours : cette enseigne du
XVIIe siècle, de l'époque où furent en vogue sauvages, maures,
nègres, etc... se trouva rebaptisée sous la Révolution en « vieux
sans-culotte » dans la mesure où il est nu !
Cette vogue de
l'actualité n'est pour rien dans l'enseigne d'un magasin du quai de Gesvre « la capote anglaise » qui vendait depuis 1760 des manteaux
à l'anglaise, à l'époque où les « redingotes » anglaises
faisaient leur apparition dans les pharmacies sous le manteau ! De
cette époque troublée retenons deux enseignes antérieures certes
mais intéressantes à des titres divers. Tout d'abord « au franc
pinot » 1 quai Bourbon à la magnifique grille ouvragée. Selon
certains auteurs ce cabaret aurait appartenu aux parents de Cécile
Renault qui tenta d'assassiner Robespierre en 1794.

Enseigne " Au Franc Pinot " 1 Quai Bourbon, Paris IVe ardt. XVIIIe siècle. A l'origine un cabaret et marchand de vin comme l'indique la belle grappe dorée, mais surtout la grille. " La bouitique à grille est née d'une ordonnance royale de 1729 faisant obligation aux marchands de vin de fermer entièrement d'une grille leur local ". (Rosine de Charon in " Les décors des boutiques parisiennes, Délégation à l'Action Artistique de la Ville de Paris, 1987 ".)
Quand « au
soleil d'or » 226 rue de Vaugirard, dont l'enseigne est noyée dans
un flot d'inscriptions déshonorantes, elle est un vestige d'une
auberge campagnarde du XVIIe siècle. En 1796, les amis de Gracchus
Babeuf, emprisonné, vinrent ici comploter de le faire évader en
soulevant le camp de Grenelle. L'affaire échoua et se solda par de
nombreuses exécutions.
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Enseigne " Au Soleil d'Or ", 226 rue de Vaugirard, XVe ardt. Une restauration certainement récente nous offre un état splendide de cette enseigne d'auberge. |
Derniers feux 1795 -1870
Le
Directoire, en chassant les démons de la Révolution, va faire
souffler un vent de liberté et de retour à certaines traditions.
Et, curieusement, les enseignes qui avaient dû rester chères au
cœur des Parisiens vont ressurgir, en général au goût du jour :
Bonaparte, les pyramides, l’Égypte, etc... étant de mise. Mais
parallèlement on assiste à une évolution. Peu à peu l'enseigne va
cesser d'être une œuvre d'art personnalisée, unique, réalisée
pour un commerçant ; d'être un signe de propriété. Commence
l'enseigne de série, en zinc bien souvent : parapluies, chapeaux,
gants, lorgnons, bottes, pipes, tête de bœuf puis, de cheval,
drapeaux tricolores des bains-douches, boules à crinières des
coiffeurs; lanternes rouges à gros numéros des bordels, etc...
Autant d'objets familiers qui ont peuplé Paris jusqu’à il y a peu
de temps. Il ne subsiste guère aujourd'hui que les têtes de bœuf
et de cheval souvent ourlées de néon. Ce qui ne signifie pas
évidemment, la disparition subite des enseignes d'imagination. Il y
en a encore suffisamment pour qu'en 1826, Balzac édite un
dictionnaire des enseignes de Paris ». Il y aura aussi un très
fameux jeu des enseignes, en 1820, imité du jeu de l'oie.
L'actualité fait encore la joie des peintres d'enseignes. C'est
ainsi qu'au retour des Bourbon en 1815, vont fleurir « les hôtels
du Nord », « des anglais » « d'Angleterre », « de la reine
d'Angleterre » sous la venue croissante de touristes britanniques.
En 1816, revient au succès le restaurant « du bœuf à la mode »,
rue de Valois. Ouvert en 1792 par deux frères marseillais, quand la
bouillabaisse faisait la conquête de Paris en même temps que le
bataillon des volontaires phocéens, il avait périclité. Repris par
Tissot sous le Directoire, avec une enseigne représentant un bœuf
en « incroyable », l'actualisation sous la Restauration transforme
le bœuf en costume d'époque mais avec un flot tricolore qui vaudra
bien des ennuis au patron. Fermé depuis 1936, l'immeuble conserve la
sculpture du bœuf, bien oubliée en face du ministère de la Culture
!
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Enseigne " Au Boeuf à la Mode ", 8 rue de Valois, Ier ardt. 1815. |
Voir aussi Paris Bise Art sur ce sujet.
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Enseigne " Au Boeuf à la Mode ", 8 rue de Valois, Ier ardt. 1815. |
En 1827, l'arrivée de la girafe offerte par Charles X
suscite un nombre incalculable d'enseignes à son effigie.
On
peut relever l'influence de l'actualité dans d'autres domaines.
L'essor du commerce, des boutiques, des petits commerçants entraîne
de nombreux « au bon marché » « au gagne petit » — Le gagne
petit étant, sous l'Ancien Régime le rémouleur. En mai 1987, une
très belle enseigne en bois de gagne petit vient d'être exposée au
Carré Rive Gauche à Paris (XVIIIe siècle). Depuis 1847, il y en a
un 23 avenue de l'Opéra. (Voir ce billet de Paris Myope sur ce sujet) ...Le maréchal Bugeaud qui prônait la
colonisation « par l'épée et la charrue » va trouver des adeptes
avec « le soldat cultivateur » « le soldat laboureur » avenue du
général Leclerc, etc...
Mais il faut bien reconnaître que
la qualité des artistes laisse désormais à désirer dans
l'ensemble. Signalons quelques heureuses exceptions : « l'escargot »
de la rue Montorgueil, toujours fidèle au poste, « à l'éléphant
». L'éléphant de la Bastille qui devait s'élever sur la place, et
dont Gavroche fait son logis, a inspiré au moins une belle enseigne
qui était au 128 rue de Lyon et qui a disparu depuis les travaux du
futur opéra.
La littérature n'a pas dédaigné l'enseigne
dans les romans se passant à Paris. J'ai déjà signalé Balzac et
son dictionnaire. Eugène Sue a fait évoluer ses personnages dans
nombre d'estaminets à enseigne : « le lapin blanc », « l'éléphant
», « le lion d'or », etc... Le poète Gérard de Nerval fut
retrouvé pendu devant une auberge dont l'enseigne signalait « on
loge la nuit -café à l'eau ».
Les enseignes répétitives
: pharmacies, homme de loi.
Peut-on compter les croix de
pharmacie parmi les enseignes « stricto sensu » certes,
personnellement je préfère conserver le nom pour les sujets
personnalisés, individuels et originaux. Néanmoins depuis la
création d'Henri Dunant les croix rouges ont fleuri au dessus des
pharmacies, remplacées depuis peu par des croix vertes, au point de
faire partie intégrante du paysage urbain parisien. Quelle que soit
la couleur de ces croix (bleues désormais pour les vétérinaires),
elles ont remplacé les sympathiques boules de couleurs qui font
encore le charme de quelques vieilles pharmacies « d'époque »,
Hospitalier 3 rue Soufflot et Pelletier rue Jacob par exemple.
Précédemment, c'étaient des mortiers et des pilons ou des
serpents.
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Enseigne " Au Bourdon d'Or " 93 rue Saint-Honoré, Ier ardt. XVIIIe siècle, vers 1720 pour certains, pour d'autres cette enseigne daterait plutôt d'une restauration de 1825. Pharmacie depuis de XVIIe siècle au moins, puisque c'est là qu'aurait été amené Henri IV après les coups fatals portés par Ravaillac. Concernant la formule " MACL " voir l'article de Paris Myope sur ce sujet signé Louis Musard. |
Le 93 rue Saint Honoré conserve son « bourdon d'or »,
belle enseigne en pierre peinte du XVIII' siècle tandis qu'au
balcon un serpent forme la roue. Autres panonceaux-enseignes
familiers, ceux des hommes. de loi. Ces panonceaux dorés remontent à
Charles VI qui, en 1411, les rendit obligatoires non pour les
signaler aux passants, mais à titre de sauvegarde (nous sommes en
pleine guerre de Cent Ans).
Les enseignes de Paris,
patrimoine méconnu, par Yves D. Papin, Les décors des boutiques
parisiennes, Délégation à l'Action Artistique de la Ville de
Paris, 1987.
Enseignes en Céramique ou mosaïque.
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Enseigne d'une Bouchereie Chevaline, angle des rue Vieille-du-Temple et du Roi de Sicile, IVe ardt. Années 1930-1940. ('Voir un article assez complet de " Paris La Douce ".) | 0 |
N'oublions pas cette enseigne décorative " Au Soleil " que Musard nous avait fait découvrir dans un article précédent.
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Décoration enseigne de la boutique de matériel pour artiste "Au Soleil", successeur de la maison Chalmel. Vers 1900. 8, Bd Saint-Martin, Xème ardt. |
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Couverture d'un catalogue de la Maison Chalmel, dont le successeur fut N.Lallement, au 8 boulevard Saint-Martin, Xe ardt. WWW.delcampe.net |
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Après Chalmel et Lallement un certain L. Joannot leur a succédé. Couverture du catalogue 1921 du magasin de matériel pour artistes " Au Soleil ", 8 Boulevard Saint-Martin, Xe ardt. Le.livre.com |
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Enseigne de l'Hôtel Mondial, 5 Cité Bergère, IXe ardt. Nous ne connaissons pas la date de sa création mais nous avons retrouvé une publicité pour cet établissement de 1911. (photo de 2010) |
DRAME DANS UN HÔTEL
UN
INDUSTRIEL QUE SA FEMME TROMPAIT SURPREND LES COUPABLES ET POIGNARDE
SON RIVAL
L'ÉTAT DU BLESSÉ EST TRÈS GRAVE
Le
mari meurtrier, ancien officier de chasseurs alpins, est titulaire de
cinq citations et chevalier de la Légion d'honneur
Vers
7 h. 30. hier matin, des cris de femme: « Sauvez-le! Sauvez-le »
suivis d'appels « Au secours! » et d'un bruit de lutte, mettaient
en émoi les locataires de l'hôtel Mondial, 5, cité Bergère. Au
même instant, une femme de chambre voyait un homme en pyjama
descendre en courant l'escalier, son vêtement était inondé de
sang. Parvenu dans le salon de l'hôtel, il s'écroula sur un
fauteuil.
En la personne du blessé, le gérant de
l'établissement avait reconnu un de ses locataires. M. Jean
Toulotte, chirurgien-dentiste à Lens (Nord), jeune homme de
vingt-huit ans, qui était arrivé la veille au soir, en compagnie
d'une jeune femme avec laquelle, d'ailleurs, depuis 1924, à chacun
de ses passages à Paris, M. Toulotte descendait régulièrement en
cet hôtel.
Affaibli par la perte de son sang, M.
Toulotte put cependant confier au gérant :
-Le mari de
mon amie nous a fait suivre. Il vient de nous surprendre, j'avais à
peine ouvert la porte qu'il s'est précipité sur moi et m'a frappé
sauvagement à coup de couteau.
Tout de suite on fit
transporter le blessé à la Charité.
Pendant ce temps,
l'inspecteur de police privée qui avait découvert la retraite de la
jeune femme désarmait non sans peine le meurtrier, M. Louis Bosson,
trente-cinq ans, ingénieur. directeur d'entrepôts à
Bruges-Maritime (Belgique). Quelques instants plus tard, ce dernier
était amené devant M. Priolet, commissaire du quartier.
Il ne fut pas difficile à ce magistrat de reconstituer la scène
dramatique.
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Enseigne
de l'Hôtel Mondial, détail, 5 Cité Bergère, IXe ardt. Nous ne connaissons pas
la date de sa création mais nous avons retrouvé une publicité pour cet
établissement de 1911. (photo de 2010). |
La genèse du drame
Depuis
plusieurs années, M. Bosson, dont le domicile habituel est à Lens,
soupçonnait sa femme d'entretenir des relations avec un de ses amis,
M. Toulotte, qui venait fréquemment leur rendre visite et paraissait
des plus assidus auprès de Mme Bosson. Les époux s'étaient mariés
en 1921 et avaient un enfant. L'an dernier, s'absentant quelques
jours, il partit pour Bruges laissant sa femme à Lens.
Mais- il brusqua son retour et surprit coupables. Pourtant, il
pardonna à sa femme, celle-ci lui ayant promis sous serment, après
une scène orageuse, de rompre définitivement avec le chirurgien,
qui s'engagea, de son côté, à ne plus rien tenter pour troubler la
tranquillité de l' industriel.
Pendant quelques mois,
M. Bosson crut pouvoir se féliciter de sa mansuétude. Sa femme,
douce et affectueuse, était redevenue une épouse modèle, ne
s'occupant plus que de son enfant. A plusieurs reprises, cependant,
elle s'absenta, prétextant des achats urgents à faire a Paris,
La
lettre révélatrice
Tout récemment, cependant, tout à
fait par hasard, une lettre de M. Toulotte lui tomba sous les veux et
lui rappela le passé tout en le documentant sur la triste réalité.
L'industriel sut alors maîtriser sa colère et dissimuler son
ressentiment. Bien décidé cette fois à se séparer de sa femme, il
s'adressa à deux agences de police privée, l'une belge, l'autre
parisienne. Puis il attendit son heure.
Mme Bosson, loin
de penser qu'elle pouvait être étroitement surveillée, arrivait à
Paris mercredi soir et descendait au Terrminus -Nord. Le lendemain,
elle retrouvait son ami et. tous deux s'installaient à l'hôtel
Mondial. Prévenu télégraphiquement, Bosson arriva à Paris le soir
même. « Je veux simplement les surprendre, dit-il au détective
privé ; je suis un ancien officier de chasseurs alpins et je
vous jure que tout se passera tranquillement, sans aucun geste
violent de ma part.
Et hier matin, très calme. M.
Bossoin retrouva le détective à l'hôtel d'Alsace, rue des
Deux-Gares. Le détective, constatant que M. Bosson avait un revolver
sur lui, le lui fit replacer dans sa valise.
Un
inspecteur de l'agence avait pris, à l’hôtel Mondial, une chambre
située sur le même palier que celle louée à M. Toulotte.
Lorsque les deux hommes frappèrent à la porte de l'appartement,
ce fut ce dernier qui vint ouvrir. Aussitôt, M. Bosson se rua sur
son rival, le frappant avec un couteau de tranchée qu'il avait
dissimulé dans la doublure de son manteau. Lorsque le détective
l'eut maîtrisé, il lui dit simplement, en sanglotant : «
Voilà huit mois que je souffre ! J'en avais assez ! Avec
ce poignard-là, ajouta-t-il, pendant la guerre, j'ai tué un de nos
ennemis. »
L'état du blessé, atteint dans le dos et
dans la région du cœur, est fort grave.
L'industriel
meurtrier, qui est effectivement un héros de la guerre, où sa
vaillante conduite lui valut, avec cinq blessures, cinq citations et
la croix de la Légion d'honneur, a été écroué à la Santé,
après que M. Alphandéry, juge d'instruction, lui eut fait subir.
L'interrogatoire d'identité
Le docteur Paul a été commis
pour examiner à l'hôpital M. Toulotte
Le Petit Parisien du 30 avril 1927, © Gallica B.N.F.
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Enseigne de l'Hôtel Mondial, détail, 5 Cité Bergère, IXe ardt. Nous ne
connaissons pas la date de sa création mais nous avons retrouvé une
publicité pour cet établissement de 1911. (photo de 2010). |
Enseignes métalliques.
Bronzine : poudre métallique le plus souvent à base d’un alliage de cuivre, utilisée en projection sur du vernis ou peinture faite du mélange d’un liant et de cette même poudre.
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Enseigne de forgeron, 9 rue de Poitou, IIIe ardt, dans son état 2024. Détail. Probablement premier tiers du XXe siècle . |
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Enseigne de forgeron, 9 rue de Poitou, IIIe ardt, dans son état 2024. Ensemble. Probablement premier tiers du XXe siècle . |
Quelques enseignes de serrurier.
(enseignes " répétitives ")
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Enseigne de serrurerie, 31 rue de
Coulmiers, XIVe ardt. La photo date de 2007 et l'enseigne a disparu. |
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Enseigne de serrurier, 19 rue Deparcieux, XIVe ardt. (2011) |
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Enseigne de serrurerie, 8 rue des Fossés-Saint-Jacques, Ve ardt. |
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Enseigne de Serrurier,43 rue Ducouédic, XIVe ardt. (2010). |
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Enseigne de serrurerie, 11 rue de la Sourdière, Ier ardt. Beau support en fer forgé. |
Deux Saints.
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" A Saint Nicolas " 80 rue du Faubourg Saint-Antoine, XIIe ardt. Pour cette inscription il faut lire Bessières (Lucien Dieudonné, 1829-1918) architecte 1895. |
Pour l'immeuble qu'il reconstruit à l'angle de la rue du Faubourg-Saint-Antoine et la rue Saint-Nicolas en 1895, l'architecte Bessières privilégie dans les modèles du moment la veine sévère, une façade presque lisse sobrement panneautée, avec le discret contrepoint de bossages en bandeau. Le seul point riche de cette façade est la baie du premier étage du pan coupé : l'architecte y dessine dans un encadrement à forts bossages néo-Louis XIII, une façon de serlienne* ornée en son centre d'une niche avec la statue de saint Nicolas. A Paris, où alors les statues enseignes ne sont pas rares, le moment est à l'anecdote, peut-être aussi la nostalgie pour des pratiques villageoises d'un autre âge.
Le faubourg Saint-Antoine, Un double visage, Cahiers du Patrimoine, 1998.
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" A Saint Nicolas " 80 rue du Faubourg Saint-Antoine, XIIe ardt. Gros plan sur la statue-enseigne, qui a tout l'air d'être en bois. |
Cette enseigne est celle d'un magasin de nouveauté, qui a été ouvert le 23 décembre 1858, ou, qui existait déjà en 1858 et qui ouvrait exceptionnement un 23 décembre. Il est clair que cette statue date du XIXe siècle. Par rapport au Saint-Nicolas précédent, on est ici face à une véritable statue enseigne. A noter que la rue de Flandre est devenue l'avenue de Flandre en 1994.

Gravure sur bois en couleur, 110 x 74 cm, 1858, Rouchon imprimeur à Paris. © Gallica BNF

Enseigne "Au Gagne-Petit "
" Enseignes Sculptées "
Merci et bravo pour ce post, multiple et très enrichissant.
RépondreSupprimerAvec les billets précédents sur ce même sujet des enseignes, j'essaye d'approfondir ce thème, en explorant la richesse parisienne. Merci de votre visite et de votre commentaire qui donne une voix à ceux qui nous lisent.
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