dimanche 18 février 2024

À TELLE ENSEIGNE



" Les Cinq Continents ", enseigne d'une succursale de la banque Société Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt.


Voici après " Enseignes peintes " et " Enseignes sculptées " un nouvel article sur les enseignes parisiennes. Plus de distinction entre la planéité et le volume, il est montré ici des enseignes de toutes sortes, accompagnées du maximum d'informations que nous avons pu récolter les concernant.

Depuis le Moyen Age il y a eu des générations et des générations d'enseignes.Une très grande quantité sont nées et disparues durant des siècles, certaines mortes dans la fleur de l'âge, d'autres dotées d'une surprenante longévité. Celles qui nous restent sont souvent des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, au musée ou encore quelques-unes dans nos rues. Mais ce n'est presque rien de tout ce qui a existé ( Rien qu'à Paris au XVIIe siècle on créait de 1500 à 2000 enseignes par an...), ce qui rend ces témoignages si précieux.

Ayant déjà montré une réalisation du mosaïste Facchina et de son atelier dans " Enseignes sculptées ", " Les Cinq Continents " vers 1880, servant de décor au Comptoir d' Escompte 14 à 18 rue Bergère, IXe ardt, voici ici la présentation d'une autre mosaïque " Les Cinq Continents " des même ateliers, toujours pour le monde bancaire, au 6 rue de Sèvres dans le VIe ardt, plus récente, puisque de 1902. Et l'importance du mosaïste Facchina est soulignée. Merci à Mme Martine Boussoussou, bibliothécaire à Forney qui m'a fourni de nombreuses informations sur Gian Domenico Facchina.

Ensuite nous découvrons de mystérieuses enseignes qui se souviennent d'enseignes plus anciennes.

Puis trois enseignes de la période coloniale témoignent de l'esprit de leur époque.

Encore d'autres enseignes parisiennes aimant presque toutes la couleur dorée.

Suivent des enseignes en céramique, celle d'un hôtel, puis d'autres métalliques.

Enfin cet article se clôt avec deux statues enseigne de Saint, puis un mur peint XXe siècle.









Haut du bâtiment de la succursale de la banque Société Générale au 6 rue de Sèvres, VIe ardt, dont l'architecte est Georges-Eugène Balleyguier (1855-1944). On retrouve les initiales de la banque au dessus de l'horloge, et de chaque coté de la baie vitrée, à gauche 1864 année de fondation de la Société Générale, à droite 1902, l'année de la construction du présent bâtiment. En 2023 l'endroit a été en complète rénovation. (Agence Fresh Architecture) et devrait devenir un magasin de luxe.












Un peu comme une enseigne ce décor du 6 rue de Sèvres, VIe ardt, nous montre quelques caractéristiques du lieu : à gauche un cadenas avec des clés et une chaine, symbole de la sécurité des fonds placés dans cette banque. A droite il semble que des pièces de monnaie soient représentées. Au centre le caducée d'Hermès symbolise certainement le commerce, avec à sa gauche un engrenage rappelant l'industrie. Mais à droite une mystérieuse pince coupe l'extrémité de l'aile. Comme Hermès est aussi le dieu des voleurs, est-ce une façon de dire que la Société Générale (initiales au dessus) coupe les ailes aux voleurs ? Ou alors que les fortunes placées là ne s'envolent pas ?








Facchina, mosaïste.

Toute l'histoire de la mosaïque du XIXe et XXe siècles, tant en France qu'outre Atlantique, est intimement liée à l'activité effervescente et fascinante de cet artiste génial aux qualités entrepreneuriales hors pair.

Gian Domenico Facchina est né en Italie le 13 octobre 1826 à Séquals dans la région Frioul. Cette petite ville, située au pied des montagnes et sillonnée de torrents aux galets multicolores, est le berceau, depuis le XVe siècle, du terrazzo et de la mosaïque.


Maryse de Stefano Andrys, Catalogue de l'exposition La scuola mosaicisti del Friuli à Lyon, Archives municipales de Lyon avec la contribution de la Regione Autonoma Friuli Venezia Giulia.

 



Gian Domenico Facchina, (1826-1903), portrait gravé par Georges-Léon-Alfred Perrichon, extrait de l'article du Panthéon de l'industrie reproduit ci-après, N° du 12 octobre 1884. © Gallica B.N.F.

 



M. FACCHINA ET LA RENAISSANCE DE LA MOSAÏQUE


1878, au cours de l'Exposition internationale, nous terminions en ces termes une étude consacrée aux mosaïques de M. Facchina :

« Personne plus que lui ne mérite de recevoir du jury de l'Exposition une récompense exceptionnelle. »

Le jury d'alors confirma pleinement notre appréciation, en décernant à M. Facchina une médaille d'or ; ce que nous rappelons, non point pour nous attribuer le rôle de prophète, vraiment trop facile en cette occasion, mais pour en venir précisément à montrer comment nous avons pu prophétiser à coup sûr, en exposant en peu de mots de quelle façon ce laborieux artiste est parvenu, par des procédés nouveaux, à établir la mosaïque à des prix beaucoup inférieurs aux procédés anciens.

Avant tout, puisque la présente notice doit revêtir la forme d'une biographie, rappelons succinctement les origines de M. Facchina.

Né en 1826, à Sequals, dans le Frioul italien, il fit ses débuts à Trieste, chez un de ses parents entrepreneur de mosaïque en dallage, qui l'employa à la restauration des anciennes mosaïques de marbre et des mosaïques en émail de la voûte des chapelles du XIIIe siècle de la cathédrale de cette ville.

Le jeune homme, qui avait alors dix-sept ans, montra un goût très vif pour ce travail, et résolut d'aller à Venise, pour voir les belles mosaïques de Saint-Marc, où il avait aussi un oncle, chanoine dans cette basilique (1846).



" Les Cinq Continents ", détail " l'Océanie ", enseigne d'une succursale de la banque Société Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt.




Il se trouva là en présence de deux ouvriers Romains restaurant ces mosaïques. M. Facchina, par l'intermédiaire de son oncle, demanda à être pris comme apprenti, ce qui lui fut accordé à la condition de compléter ses études de dessin.

Peu de temps après, M. le comte Cassis d'Aquilée, filleul de l'empereur d'Autriche, connaissant déjà les bonnes dispositions de ce jeune homme,le fit appeler pour restaurer d'anciennes mosaïques en marbre dans l'Eglise patriarcale.

Puis vint l'exécution des mosaïques chez la princesse Napoléon Bacciocchi dans sa villa Vicentine.

Entendant toujours parler de la France par le personnel attaché à la maison de cette princesse, comprenant les ressources qu'il y trouverait pour développer son rêve dans l'art de la mosaïque décorative, il se rendit compte de ce fait que l'état politique de l'Italie d'alors amènerait infailliblement la décadence de cet art, jusque-là compatible seulement avec un grand éclat de luxe et de richesse générale, se demanda s'il ne ferait pas bien d'émigrer sur un autre point du globe où la mosaïque, peu pratiquée, aurait la chance de rencontrer la vogue que donne la nouveauté basée sur un système plus facile, moins long et moins coûteux.

Justement, de grandes et nombreuses découvertes de mosaïques anciennes, dans le midi de la France, avaient créé, dans notre pays, un remarquable retour du goût vers ce genre de travail.

Saisissant cette heureuse occasion, M. Facchina vint s'établir à Montpellier, exécuta avec succès des restaurations de mosaïques anciennes au musée de Narbonne et à la Maison Carrée de Nîmes, fit breveter une méthode créée par lui pour enlever et rétablir, sans dégradation aucune, les mosaïques anciennes.

Tout ceci servait à fonder sa réputation, mais ne réalisait pas encore le grand rêve qu'il avait fait : la découverte d'une méthode facile et peu coûteuse pour l'exécution de la mosaïque pour la grande décoration murale.




" Les Cinq Continents ", détail " l'Asie ", enseigne d'une succursale de la banque Société Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt.




Ce difficile programme comportait naturellement deux parties : la fabrication des émaux dont il fallait compléter la gamme et éclairer les teintes ; leur assemblage pour l'exécution des mosaïques.

A cette époque, il n'y avait à Venise qu'un seul fabricant d'émaux, M. Radi de Murano, qui essayait de retrouver les anciens procédés — M. Facchina s'y rendit pour acheter des émaux, qui lui permirent d'établir des échantillons de mosaïque. Malheureusement, les clients lui manquèrent. Profitant alors de l'Exposition de 1855 pour visiter la capitale, il offrit, sans succès, son concours à M. Viollet Le Duc, architecte. Il retourna dans le Midi, où M. Charles Laisné, architecte du gouvernement, lui fit exécuter divers travaux, tout en l'encourageant beaucoup à s'établir à Paris.

C'est le grand Opéra de Paris qui a commencé et consacré la grande vogue de la nouvelle mosaïque, et cette histoire, aussi honorable pour l'architecte Garnier que pour le mosaïste Facchina, mérite à tous égards d'être racontée.

Chacun sait la passion si bien justifiée de M. Garnier pour la peinture polychrome ; malheureusement, un architecte, qui travaille pour l'éternité, doit éprouver quelques défiances pour la fresque dont la durée est nécessairement éphémère ; notre Opéra lui-même, dont la construction est si récente, en a fait déjà le douloureux essai.




" Les Cinq Continents ", détail " l'Europe ", enseigne d'une succursale de la banque Société Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt.



Garnier songea donc à substituer à la fresque la mosaïque, dont on peut rendre la durée indéfinie. Les mosaïstes romains, auxquels il fit ses premières ouvertures, refusèrent d'accepter une limite de temps quelle qu'elle fût et demandèrent 3,000 francs par mètre superficiel ; c'était opposer deux fins de non-recevoir. Il s'adressa ensuite aux mosaïstes de Venise, qui lui demandèrent 1500 fr. et fut sur le point de renoncer à son projet.

Mais Garnier connut les travaux de Facchina, s'aboucha avec lui, lui fit accepter le prix de 200 fr. le mètre carré et, quatre mois après, Facchina avait couvert plus de 300 mètres de plafond, chacun sait dans quelles conditions de perfection, et quelles difficultés spéciales avaient imposées aux artistes, quel goût avaient réclamé d'eux des cartons comme ceux de Garnier. Les mosaïstes romains auraient demandé 4 ans pour le même travail.

C'est donc Garnier, on peut le dire, qui a découvert Facchina, et c'est Facchina qui a donné à Garnier le moyen de réaliser son rêve d'or ; la grande peinture polychrome à bon marché, soustraite aux ravages du temps.

Le succès de cette grande expérience fut immense ; une grande et générale révolution s'accomplit dans la décoration des édifices, par la mosaïque modernisée; aussi M. Facchina, dont le nom a été répété partout, s'est vu comblé d'honneurs par les jurys d'expositions, et Garnier, satisfait des travaux de Facchina, voulut lui témoigner en quelque sorte sa satisfaction en lui faisant obtenir la décoration d'Italie. — Garnier, comprenant le grand avenir réservé à la mosaïque en France, proposa d'établir aux Gobelins une Ecole nationale de mosaïque; la commission des Beaux- Arts, n'ayant pas oublié les essais malheureux qui avaient été faits cinquante ans auparavant par les mosaïstes romains, fut saisie du projet et le gouvernement français y adhéra avec empressement. Malheureusement le projet n'eut pas de suite, et l'Ecole ne se fonda pas. Plus tard encore, Facchina, mis en relief par ses grands travaux du nouvel Opéra, fut chargé de fonder cette Ecole, pour vulgariser sa méthode pratique et peu coûteuse ; on lui demanda à cet effet un devis approximatif pour son organisation, en lui confiant le soin de recruter le personnel; — malheureusement, les nombreux travaux commandés à Facchina le forcèrent à renoncer à cette honorable direction.



" Les Cinq Continents ", détail " l'Amérique ", enseigne d'une succursale de la banque Société Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt.





Il suffira du reste, pour éclairer nos lecteurs sur la valeur artistique des mosaïques de Facchina, de les renvoyer à l'Exposition de l'Union Centrale des arts appliqués à l'industrie ; ils y verront cette incroyable série de 12,000 teintes, si franches, si pures, si fraîches, qui font l'admiration de tous les visiteurs.

S'ils consultent les chimistes les plus experts, ils apprendront en outre que ces émaux, résistant à l'action de presque tous les acides, de tous les agents atmosphériques, ne pourront subir aucune altération de leur teinte, et qu'il suffira d'un coup d'éponge pour leur conserver à jamais leur ton, leur fraîcheur et leur éclat ; c'est la réalisation de la peinture éternelle.

Mais M. Facchina a réparé trop de décorations anciennes pour ignorer que l'altération des émaux n'est pas la cause unique ni même la cause principale de la destruction des mosaïques.

Frappé du défaut d'adhérence des mastics, il en a étudié la cause et a facilement reconnu qu'elle ne réside pas dans la défectuosité de la matière, mais dans le mode d'application.

M. Facchina a imaginé son système d'exécution, qui est la véritable et définitive révolution- de la mosaïque : au lieu d'exécuter les mosaïques sur place, au milieu de grandes difficultés, il les exécute commodément sur une table et les met en place en bloc par vastes surfaces.

Les avantages de la nouvelle méthode sont évidents : l'ouvrier, travaillant assis et complètement à son aise, donne à l'exécution tout le soin désirable ; les émaux, juxtaposés sur une surface plane, prenant sans aucune difficulté la disposition voulue dans les meilleures conditions de contact ; le mastic s'applique par larges places sur du ciment entièrement frais et forme corps avec lui.




" Les Cinq Continents ", détail " l'Afrique ", enseigne d'une succursale de la banque Société Générale, atelier Facchina 1902, 6 rue de Sèvres, VIe ardt.



N'y a-t-il pas assimilation complète entre le travail du mosaïste et celui du tapissier de haute lice, qui applique, lui aussi, ses couleurs par derrière et n'en voit nullement l'effet ?

Or, niera-t-on que cette façon de procéder n'empêche pas ces deux catégories d'ouvriers, d'artistes plutôt, de produire tous les jours des chefs-d’œuvre?

Il faut, sans doute, pour exécuter ainsi à rebours, soit des mosaïques, soit des tapisseries, une certaine habileté et une certaine habitude spéciales ; mais si l'on veut se convaincre que cette habitude se prend et que cette habileté existe, il n'y a qu'à aller voir les mosaïques exécutées par M. Facchina au Grand-Opéra, à l'Ecole des Beaux-Arts, au Comptoir d'Escompte, au Trocadéro, dans une multitude d'églises, de théâtres, d'établissements publics, de palais, d'hôtels, de musées, ainsi qu'en Hollande, en Amérique, en Roumanie, et spécialement cette splendide copie du célèbre tableau de Tiepolo : le Banquet de Cléopâtre et de Marc-Antoine, que M. Facchina a reproduite en grandeur naturelle, et qui figure à l'Exposition de l'Union Centrale.




Visage de Cléopâtre en mosaïque exécuté par l'atelier de Gian Domenico Facchina pour la copie du " Festin de Cléopâtre " fresque de Tiepolo au Palais Labia de Venise, maintenant dans une collection américaine. Photo H. Lavagne extraite du Catalogue de l'exposition La scuola mosaicisti del Friuli à Lyon, Archives municipales de Lyon avec la contribution de la Regione Autonoma Friuli Venezia Giulia.

 




Le grand mérite de M. Facchina, nous l'avons dit, sera d'avoir compris son temps et d'avoir créé une mosaïque moderne, aussi belle, plus belle que l'ancienne, et coûtant incomparablement moins de temps et d'argent.

La décoration de l'immense coupole de Saint-Paul, de Londres, que l'on prépare en ce moment, aurait demandé un siècle, au bas mot, avec l'ancienne méthode ; M. Facchina l'exécutera en moins de trois ans.


Mosaïque au sol servant d'enseigne à l'entreprise Facchina, à l'une des entrées de la galerie Vivienne à Paris, IIe ardt.



Pour être complet, ajoutons qu'on doit à M. Facchina l'application des mosaïques au dallage, et qu'il a généralisé cet emploi dans de très grandes proportions.

Tel est le bilan de ce maître mosaïste, qui a sa place marquée parmi nos grands artistes contemporains, et qui n'attend plus, pour couronner son œuvre, que la récompense exceptionnelle du Gouvernement français.

A. CORROYER. 

 Le Panthéon de l'industrie : journal hebdomadaire illustré, 12 octobre 1884, © Gallica B.N.F.

 


Liste des réalisations les plus importantes de l'atelier Facchina, extrait de l'article du Panthéon de l'industrie du 12 octobre 1884, © Gallica B.N.F.

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Gian Domenico Facchina, collection particulière, extrait du Catalogue de l'exposition La scuola mosaicisti del Friuli à Lyon, Archives municipales de Lyon avec la contribution de la Regione Autonoma Friuli Venezia Giulia.

 






La notoriété de Gian Domenico Facchina permit de faire connaître d'autres mosaïstes venus du Frioul comme lui, dont certains furent ses collaborateurs. Suite à cette impulsion donnée au renouveau de la mosaïque dans le monde entier, fut fondée en 1922 à Spilimbergo l’École des mosaïstes du Frioul. Aujourd'hui c'est l'un des plus importants centres mondiaux de formation à cette discipline. Grâce à cette école la tradition et le savoir-faire de la mosaïque restent vivants.













 



Des enseignes qui se souviennent... D'enseignes anciennes.




 Au 24 rue du Dragon, trace d'une enseigne précédente ?


Au 24 rue du Dragon, VIe ardt, en hauteur, ce qui ressemble à une enseigne. Le cadre circulaire en bois nous parait ancien, XVIIe ou XVIIIe siècle, alors que le personnage central d'un plus petit format, de style troubadour XIXe siècle, a manifestement été placé là ultérieurement.



Le Fort Samson, rue du Dragon, N° 24, en face de la petite rue Taranne. C'est un fort beau médaillon en faïence émaillée du XVIe siècle, représentant Milon de Crotone.

Recherches Historiques sur les Enseignes des maisons particulières,par Eustache de La Quérière, 1852. © Gallica B.N.F.




Rue du Dragon.
Parmi les maisons plus modestes, qui remontent à une époque assurément plus reculée, il en est une répondant au chiffre 24, que signale pour enseigne une terre-cuite de Bernard Palissy, où Samson est représenté terrassant le lion historique, dont la mâchoire servit d'épouvantail à une armée de Philistins. C'est maintenant un hôtel garni, avec une boutique honorant elle-même, à sa manière, la mémoire de ce protestant, savant et émailleur célèbre, en débitant par choppes le vin des huguenots, ses coreligionnaires. Un escalier à quilles de bois aux chambres et date sans doute du XVe siècle. L'écusson en poterie a pour légende : Au fort Samson ; puis une inscription toute moderne s'exprime ainsi : Ancienne demeure de Bernard Palissy, 1575. Cet homme de génie était déjà dans un âge avancé lorsqu'il ouvrit, en 1575, un cours d'histoire naturelle et de physique, dans la rue du Sépulcre; il y forma ou il y transféra le premier cabinet d'histoire naturelle qu'on vit à Paris. Né dans le midi au commencement du siècle, il avait échappé à la Saint-Barthélemy, grâce au logement qu'il occupait au Louvre, atelier d'où étaient sorties tant de belles poteries, dites par lui ses Figulines. Mais, en dépit de sa renommée d'artiste, du mérite initiateur de ses écrits, du succès croissant de ses leçons, et quelles que fussent ses vertus, le maître fut incarcéré par l'influence des Ligueurs, et mourut en prison dans sa quatre-vingt-dixième année, tout à la fin du règne de Henri III.

Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, tome 2, par Charles Lefeuve, 1863-1865. © Gallica B.N.F.



Au 24 rue du Dragon, VIe ardt, voici l'enseigne qu'on pouvait encore voir en 1852 " Le fort Samson " et qui a été enlevée en 1869 d'après nos textes. Est-ce que le cadre en bois actuel entourant le profil masculin de style troubadour est celui représenté sur cette gravure, au delà de l'encadrement en petits ovales qui ferait partie de l'enseigne en terre cuite ?
Recherches Historiques sur les Enseignes des maisons particulières,par Eustache de La Quérière, 1852. © Gallica B.N.F.






Il existe encore une enseigne qui, à en croire la tradition, dateroit du XVIe siècle & rappelleroit une illustration françoise. Je veux parler du Fort Samson, rue du Dragon n°24. C'est une plaque circulaire, coloriée, demi-relief, représentant Samson terrassant un lion. Elle peut mesurer 40 centimètres de diamètre. Elle est en terre cuite émaillée dans le genre de Bernard Palissy. M. de la Quérière en donne une gravure dans son ouvrage. (la gravure ci-dessus n.d.r.). D'après une inscription placée sur la maison même, cette maison aurait auroit été habitée par Bernard Palissy.
Il est douteux que les archéologues se laissent prendre à cette assertion. D'abord, autant que l'on peut en juger à la hauteur où il est encadré, ce médaillon appartient au premières années du XVIIe siècle. Il seroit donc l’œuvre ou des fils, ou des neveux de Palissy, ou même de leurs successeurs qui continuèrent jusque vers 1620 l'industrie fondée par le potier de Xaintes. Puis de 1565, date de l'arrivée de Palissy à Paris, à 1589, date de son incarcération à la Bastille, la rue du Dragon, ou, pour lui restituer son ancien nom, la rue du Sépulcre, n'existoit pas. L'espace compris entre l'ancienne rue de l’Égout, la rue Taranne, la rue des Saints-Pères & la rue du Four prolongée par la rue de Grenelle, étoit situé dans la campagne & formoit une culture, un clos dépendant, fonds & droits, de l'abbaye de Saint-Germain des Prés. On y ouvrit, postérieurement à 1590, un jeu de paume converti depuis en académie, & dont la cour du Dragon conserve exactement l'emplacement.
En second lieu, Palissy, pourvu légalement en arrivant à Paris d'un office de cour, chargé en 1570 de la construction de la grotte de terre émaillée du jardin des Tuileries, logeoit très probablement près du jardin qu'il étoit appelé à décorer. Il y a trois ans, en déblayant les fondations de la nouvelle salle des États le long du quai du Louvre, on a trouvé au niveau de l'ancien sol du XVIe siècle, & en deçà du vieux mur d'enceinte dont les assises étoient encore intactes, on a trouvé, dis-je, un four de potier contenant un grand nombre de moules de rustiques figulines. Il m'a été permis d'étudier plusieurs de ces moules, & cette étude m'a convaincu que c'étoit là le four où Palissy cuisoit les émaux de sa fameuse grotte. N'est-il pas plus probable qu'il demeuroit près de ses ateliers, au milieu de ses confrères les fabricants de poterie, de faïences & de tuiles, qui ont donné leur nom au jardin des Tuileries, & que l'indication inscrite sur la maison du Fort Samson est une supposition gratuite (1) ?
 
(1) Cette enseigne a été enlevée en 1869 & vendue un prix élevé à un marchand de curiosité. Elle appartient aujourd'hui à M.G. de Rotchild.
 
Les Enseignes de Paris, par Mr le Comte L. Clément de Ris, 1875, Google Livres.




En conclusion ce troisième texte me parait le plus exact, malgré sa rédaction volontairement archaïque pour 1875. L'immeuble actuel ne semble pas remonter au delà du XVIIe siècle, et partant, Bernard Palissy ne peut pas y avoir résidé. Quant à l'enseigne au Fort Samson, elle a pu être une réutilisation d'une œuvre du maître, ou avoir été réalisée dans son style à une époque indéterminée. Vendue en 1869, je vois bien le cadre en bois être resté en place, et la terre cuite émaillée remplacée par ce profil de style troubadour courant au XIXe siècle. Mais ça reste une hypothèse.

André Fantelin.






L'enseigne " Le chariot d'or " expliquée.



Enseigne " Le chariot d'or " , Hôtel Bellevue et du Chariot d'Or, 39 rue Turbigo, IIIe ardt. Photo de 2011. Cette enseigne commémorative doit être contemporaine de la construction de l'immeuble, fin XIXe siècle.




Paris Bise Art nous montre l'Hôtel Bellevue et du Chariot d'Or sur lequel cette plaque est apposée, pour la visite c'est ici !





Rue Grenéta.
L'auberge du Chariot-d'Or, démolie de nos jours, s'est tout de suite relevée, rue Grenéta, à la même place. Pourtant les époux Langelée, qui tenaient l'auberge du XVIIe siècle, y rentreraient assez difficilement sans se tromper de porte et de rue, peut-être même de quartier. La cour de leur maison servait de passage public, de la rue Grenéta, qu'on appelait aussi aussi Darnetal, à celle du Grand-Hurleur. C'est au Chariot-d'Or qu'on prenait place dans le carrosse faisant le service d'Anvers et dans celui qui dirigeait périodiquement sur la route de Lorraine, de l'Allemagne par correspondance. Car on en n'en était pas encore aux diligences.

Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, tome 5, par Charles Lefeuve, 1863-1865. © Gallica B.N.F.




La rue Turbigo est ouverte en 1866 et fait disparaitre la rue du Grand-Hurleur.


Rue Turbigo.
Cette voie, née à peine, n'a encore pour histoire qu'un nom de guerre glorieusement attaché à une campagne récente (la bataille de Turbigo, victoire remportée sur les Autrichiens le 2 juin 1859 n.d.r.), et sous de tels auspices, elle ira loin, appelée à relier en ligne transversale les Halles au boulevard du Prince-Eugène (maintenant boulevard Voltaire n.d.r.). Mais déjà elle englobe deux rues, dont les maisons viennent de tomber dru, sans qu'on en ai dit un seul mot. Deux de celles-ci, échappées par miracle à cet abatis imprévu, regardent passer l'alignement nouveau, qui les relègue dans un angle rentrant.
La première de ces maisons, naguère 10, rue du Grand-Hurleur, répond pour le moment au chiffre 37 dans la rue neuve.
La propriété contiguë (vraisemblablement le 39 n.d.r.), qui doit à une moindre élévation et à deux mansardes d'avant Mansart sa physionomie beaucoup plus pittoresque dépend depuis plusieurs siècles, de l'Auberge du Chariot-d'Or, dont la façade sur la rue Grenéta à changé depuis peu d'aspect et d'alignement. Des rouliers, comme par le pasé, descendent au Chariot-d'Or ; mais aucun des autres voyageurs n'y est plus amené par le coche, dont le bureau et les écuries se trouvaient dans l'hôtellerie même. Le public a également fait son deuil d'un passage libre à travers les cours du Chariot-d'Or.

Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, tome 5, par Charles Lefeuve, 1863-1865. © Gallica B.N.F.









On peut légitimement supposer que ce passage et cette place en vert entre la rue Grenéta et la rue du Grand-Hurleur est l'enpise de l'Auberge du Chariot-d'Or. Détail du plan de Paris Delagrive de 1728.









Même supposition que pour le plan précédent. Détail du plan de Paris Jaillot de1775.

 









Enfin grâce à ce plan de Paris Deharme de 1766 très bien numérisé on peut lire " Passage du Charriot-d'Or ". Ce n'est plus une supposition. Il y a bien eu un passage comme le texte plus haut le précise.






Pour conclure, les constructeurs de l'immeuble de l'Hôtel Bellevue et du Chariot d'Or (dans les années 1880), ou les créateurs de cet hôtel, se sont souvenu que le n°39 rue de Turbigo était situé à l'emplacement d'une partie de l'emprise de l'illustre Auberge du Chariot d'or, une entrée de son passage et de sa cour. Ils ont apposé cette plaque sur leur façade pour le rappeler et s’inscrire dans cette ancienne tradition hôtelière célèbre.

André Fantelin













" Au buisson Ardent " Souvenir d'un cabaret in situ ou voisin.

 

 



Enseigne " Au Buisson Ardent ", 25 rue Jussieu, Ve ardt. L'immeuble est de 1893 et il est clair que l'enseigne en clé de voûte est de cette époque. Il s'agit de l'épisode biblique bien connu. Mais Pourquoi cette enseigne dans un immeuble de rapport ? Il s'agit d'un souvenir d'une enseigne préexistante.


 






Rue Saint-Victor.
L'abbaye Saint Victor eut, dans les derniers temps, pour vis-à-vis la pension Imbert, qui recevait des étudiants en droit, en médecine, en chirurgie, en philosophie et en théologie dans des chambres particulières, et aussi la manufacture de velours et soie noire Merlin, qui était située plus près de la Pitié, hospice d'enfants à cette époque. Deux ou trois maisons encore debout, parmi celles qui faisaient face à l'établissement monastique, furent des hôtels de gens de robe. L'enseigne du Buisson-Ardent, conservée pour un cabaret, fut celle de la propriété, le n° 51. La régie des brouettes eut aussi, vers la fin, son siège principal au 67 ou au 69 : les chaises roulantes ainsi nommées, qui se prenaient à l'heure ou à la course, coûtaient moins cher que les chaises à porteurs. Cette partie de la rue s'était appelée du Faubourg-Saint-Victor et du Jardin-du-Roi avant la destruction de la Porte Saint-Victor, bâtie vers 1200 et rebâtie sous Charles IX, un siècle avant d'être supprimée.
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Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, tome 4, par Charles Lefeuve, 1863-1865. © Gallica B.N.F.










Sur ce détail d'un plan de Paris de 1766 par Deharme j'ai figuré par le rectangle orange où devait se trouver le cabaret " Au Buisson Ardent " du texte, en ce basant sur l'emplacement actuel de l'enseigne. Cette partie de la rue St Victor (après s'être appelée rue du Faubourg-Saint-Victor jusque en 1760) est devenue la rue Jussieu en 1869. Mais le texte semble dire que ce cabaret faisait face à l'établissement monastique, d'où la possibilité de le situer vers mon point d'interrogation vert-bleu.






Concernant cette enseigne du Buisson-Ardent, un peu comme pour celle du Chariot-d'Or vue plus haut, les constructeurs d'un immeuble de rapport de 1893 ont voulu conserver le souvenir de cette image et de ce cabaret, soit parce qu'il était à cet emplacement exact, soit parce qu'il se trouvait dans le voisinage. Un restaurant existe maintenant à la même adresse, le 25 rue Jussieu, sous le nom " Le Buisson Ardent " ! Est-ce un descendant du cabaret de notre texte ?

André Fantelin.







Enseignes coloniales.



" Au Planteur 10-12 rue des Petits-Carreaux, IIe ardt. 1890. Ce planteur est un colon, vraisemblablement propriétaire de la plantation. Il lui est servi un café (ou un chocolat) par un serviteur noir, dans le plus pur style colonial. Cet enseigne en carreaux de céramique était celle d'un vendeur de café, de chocolat, de rhum, et même d'un bar du même nom. (Photo de 2009);




Deux enseignes coloniales bien connues ont fait polémique,  " Au Nègre Joyeux " qui se trouvait rue Mouffetard à la hauteur de la place de la Contrescarpe (déjà montrée dans notre billet " Enseignes Peintes " ), maintenant au musée Carnavalet depuis 2018, et " Au Planteur ", 10-12 rues des Petits-Carreaux, IIeme ardt, encore en place.

Il est normal de conserver de telles enseignes, d'abord parce qu'on n'épure pas l'Histoire, c'est toujours contre-productif, et qu'il y a un devoir de mémoire, ne serait-ce que pour ne pas recommencer les mêmes fautes, les même horreurs. Quant à l'esclavage en général, même si les occidentaux l'ont pratiqué en grand, ils ne sont pas les seuls à l'avoir fait dans l'Histoire du monde, malheureusement.

Ces trois enseignes sont trois témoignages historiques qu'il n'est pas inutile de montrer.

A.F.








" Au Planteur 10-12 rue des Petits-Carreaux, IIe ardt. 1890. On note une signature généralement interprétée comme "Crommer ". Je ne serais pas surpris que la boucle du R soit décorative, comme les jambages allongés des M, et qu'il faille lire "Rommer ". J'ai recherché des informations sur ces noms, sans succès. Il peut s'agir d'un pseudonyme. (Photo de 2011).














" Au Nègre joyeux " anciennement au 14 rue Mouffetard, Ve ardt, maintenant au musée Carnavalet, 1897.  Il s'agissait d'un commerce de café, chocolats, dragées. A l'inverse de l'enseigne précédente, c'est l'homme qui est servi. On dirait qu'il s'agit de café avec des gâteaux, des bombons, des dragées, un sucrier Et la carafe qu'il lève contient peut-être quelque liqueur ? Il y a deux tasses sur la table, la dame qui le sert (vêtue en servante classique des maisons bourgeoises de cette époque) va t-elle boire le café avec lui ? A noter dans cette peinture et dans la faïence précédente les 2 personnages noirs portent une culotte blanche rayée de rouge. Est-ce un souvenir de 1789 ? Peut-être s'agit-il d'un stéréotype iconographique de cette époque. Dès 2013 j'avais estimé cette enseigne de la fin du XIXe siècle, et non du XVIIIe siècle comme certains le notaient, ce qui est maintenant établi.













" Au Nègre ", enseigne de la boutique d'horlogerie et de bijouterie, joaillerie, orfèvrerie du 19 boulevard Saint-Denis, IIe ardt. Entre 1815 et 1825. Musée Carnavalet. A noter que cette représentation n'a rien de dégradant, c'est plutôt un bel homme porteur de cette horloge. (Photo de 2010).












Enseignes variées, et souvent dorées.



On comprend que, dans ses relations journalières d'affaires, le public désignât telle boutique par l'emblème qui la lui avoit fait remarquer, & que, d'un autre côté, les marchands se soient efforcés d'attirer le public par une indication saillante destinée à bien fixer cet emblème dans la mémoire. Des deux côtés l'intérêt étoit en jeu. De là l'usage des enseignes plus spécialement réservé aux marchands. Tous les visiteurs de Pompéi se rappellent, au milieu d'une certaine quantité de monuments de ce genre, ces deux gracieux antéfixes représentant : l'un, deux esclaves portant une amphore ; l'autre, une chèvre. Le premier servoit d'enseigne à un marchand de vin, le second à une laitière. Les titres de noblesse des enseignes remontent beaucoup plus loin que les croisades.

Les Enseignes de Paris, par Mr le Comte L. Clément de Ris, 1875, Google Livres. 
 
 





 
 
 
Enseigne " A la cloche des Halles ", 1 rue Coq Héron-28 rue Coquillère, Ier ardt. C'est une allusion à la cloche des anciennes Halles de Baltard qui sonnait le début et la fin du marché quotidien. Le style des lettres fait penser aux années 1940-1950. C'est actuellement un bistrot restaurant. (Photo de 2010).

 
 
 
 
 
 

Parmi les enseignes familières aux parisiens figurent la «carotte» des buralistes. Elle a toute une histoire.
Si l'usage du tabac devint rapidement une habitude (ou une manie) engendrant les foudres de certains souverains ou de l'Église (rappel dans Dom Juan de Molière par Sganarelle), la consommation de ce nouveau produit développera également une floraison de commerces et par là-même d'enseignes. La silhouette de la carotte rouge des débits de tabac est inséparable de nos rues. Ses origines remontent au XVIe siècle, époque où a côté de la pipe, le tabac est surtout utilisé en prise et chique.

Le tabac à râper (« j'en ai du fin et du bien râpé » dit la chanson !) était présenté au début en bouts-filés « c'est à dire en feuilles roulées mais qui rendaient malaisé le râpage. Aussi l'idée vint-elle de réunir huit bouts-filés, « quarottes », en les ficelant à la manière d'un gros saucisson, ce qui les fit appeler au début « andouille ». Puis le surnom de carotte prévalut.
Pendues, en enseignes parlantes, à la devanture des épiciers et des apothicaires chargés de vendre le tabac, ces carottes étaient attaquées par les chapardeurs aussi bien que par les intempéries. Avisés, les commerçants les remplacèrent progressivement par des « carottes » en bois tourné ou en porcelaine en attendant d'être en tôle, en zinc (XIXe siècle) ou en plastique (XXe siècle). Pour stimuler l'usure du tabac due à la râpe, on épointa les deux bouts. Et afin d'attirer encore plus le client, elles furent peintes en rouge. La carotte est aujourd'hui obligatoire. Certaines étaient agrémentées de cartes à jouer, pipes, etc... peintes sur le rouge. Mais les buralistes n'ont pas eu que la carotte. On trouve depuis le XIXe siècle, des grandes pipes en zinc, et, avant, des enseignes peintes représentant un fumeur oriental puisque le tabac blond vint longtemps d'Orient, des enseignes « au Khédive », « à la bonne prise », à la grosse carotte », « à la carotte américaine », « à la carotte d'or » « au fumeur sans pareil », « au diable à quatre », etc... Et surtout la fameuse civette de la rue Saint Honoré, de 1752, qui devait essaimer dans toute la France, encore de nos jours d'ailleurs, même en bandeau. Le fier animal se dresse toujours dans le ciel face à la Comédie Française.






Enseigne " A la Civette " 157 rue Saint-Honoré, Ier ardt. XVIIIe siècle, certainement plusieurs fois restaurée.On y vend toujours du tabac.







Les créateurs d'enseignes

Arrivés à ces sommets de l'art de l'enseigne, il est temps de s'interroger sur les personnes qui créaient les enseignes. Nous sommes à peu prés certains que jusqu'au XVIIIe siècle, existaient peu de spécialistes en enseignes. D'ailleurs l'enseigne n'était pas tenue pour une œuvre d'art (la notion est très récente) et ses réalisateurs ne jouissaient pas d'une considération exceptionnelle. Pline les appelle déjà « barbouilleurs » et à Paris « peintre du Pont Neuf », endroit spécialisé, était péjoratif. Au Moyen Âge les corporations de peintres et de sculpteurs associaient des artisans de talent aussi bien que de médiocres exécutants. L'Académie de Saint-Luc comprenait des peintres en bâtiment, des peintres d'histoire, des sculpteurs et des fabricants de figures en plâtre. A de rares exceptions et qui sont bien loin d'être sûres (un bœuf lyonnais attribué à un Jean de Bologne, une « chaste Suzanne » de la rue aux Fèves attribuée à Jean Goujon) les enseignes étaient confiées à des débutants ou des talents ordinaires. Encore s'agit-il là de commerçants aisés souhaitant une enseigne se distinguant de ses voisines. Il est bien évident que pour le barbier qui accrochait trois plats à barbe à un bâton, ou le tailleur suspendant un pourpoint à son étal, point n'était besoin d'aide. Mais quand il s'agit d'enseignes sculptées en bois, en pierre, moulées en terre cuite ou en plâtre, découpées en tôle, il fallait faire appel à un spécialiste. C'est dire que nous trouvons des sculpteurs, des céramistes, des peintres, des enlumineurs, des orfèvres et des ferronniers, surtout au XVIIIe siècle, apogée de cet art. Les serruriers, qui font autre chose que des clés, ont réalisé nombre d'enseignes eux aussi. Leurs enseignes parlantes sont encore souvent accrochées aux murs parisiens, ou à Carnavalet, celle de Filliol, tout particulièrement, véritable dentelle de fer. La réalisation d'une enseigne élaborée, nous en sommes maintenant au XVIIIe siècle, exige de nombreuses opérations. Il faut d'abord la créer (dessin, sculpture, découpage, soudure, peinture), puis la poser. Ensuite l'entretenir (les intempéries ont vite rai-son du bois, de la pierre ou du métal). Rien qu'à Paris au XVIIe siècle on créait de 1 500 à 2 000 enseignes par an, alors que la corporation des peintres-imagiers ne comptait que 250 membres. Il en découle que les prix variaient selon la qualité de l'artiste et la taille de l'enseigne. N. de Blégny nous indique qu'une figure en pierre de Saint Luc grandeur nature varie de 75 à 300 livres selon l'exécutant. Les grands peintres n'ont pas dédaigné de peindre des enseignes. Si l'on cite volontiers Watteau réalisant pour son ami, marchand de tableaux, « L'enseigne de Gersaint », on connaît moins une enseigne de maître d'école peinte par Holbein. F. Hals, Teniers, Le Carravage s'y sont risqués aussi avec bonheur. Chardin, Greuze, Isabey plus tard. Boilly a laissé « au gourmand » actuellement à Carnavalet. Le XIXe siècle abonde aussi en peintres d'enseignes célèbres. Citons pêle-mêle : Prud'hon, Courbet, Géricault, Gavarni, Millet, Willette.










Enseigne " A la Coquille d'Or ", 1 rue Gomboust, angle avec la rue de la Sourdière, Ier ardt. XVIIIe siècle, vers 1720. C'est actuellement un bar à cocktails.










Enseigne " A la Coquille d'Or ", 1 rue Gomboust, angle avec la rue de la Sourdière, Ier ardt. XVIIIe siècle, vers 1720. On peut remarquer un goût très partagé du doré dans la création des enseignes.









Enseigne " A la Coquille d'Or " Photo d'Eugène Atget, 1908, Hauteur : 17,4 cm, Largeur 22 cm, tirage sur papier albuminé. © Musée Carnavalet.









Éclipse temporaire 1761 - 1795

Après le coup d'arrêt de 1761, la vague révolutionnaire va contribuer aussi à la disparition de l’enseigne. Si avaient subsisté les enseignes sculptées sur les murs, peintes sur panneaux, ou de dimensions modestes, la Révolution va éliminer celles à sujets religieux, royaux, ou jugés hostiles au nouveau régime. Si elle ne les démolit pas, elle les met au goût du jour, et l'enseigne devient résolument politique. Il y avait eu quelques précédents : sous Louis XIV, on avait vu des « grands monarques ». A l'avènement de Louis XVI, Paris avait salué ironiquement le nouveau souverain avec « une poule au pot » assortie de vers :

« Enfin la poule au pot sera donc bientôt mise :
On doit du moins le présumer.
Car depuis deux cents ans qu'on nous l'avait pro-mise
On n'a cessé de la plumer !

Mais c'est à partir de 1789 que la politique devient évidente. Cette année là, en effet le thème est « la Bastille », en 1790, c'est « la Fédération », en 1791 « Monsieur Veto ». Il y aura aussi des « amis du peuple », des « trois ordres », des « carmagnoles », etc... Et pour finir en 1794 des « Notre-Dame de Thermidor » (Mme. Tallien). N'oublions pas « le sauvage » de la rue Grégoire de Tours : cette enseigne du XVIIe siècle, de l'époque où furent en vogue sauvages, maures, nègres, etc... se trouva rebaptisée sous la Révolution en « vieux sans-culotte » dans la mesure où il est nu !

Cette vogue de l'actualité n'est pour rien dans l'enseigne d'un magasin du quai de Gesvre « la capote anglaise » qui vendait depuis 1760 des manteaux à l'anglaise, à l'époque où les « redingotes » anglaises faisaient leur apparition dans les pharmacies sous le manteau ! De cette époque troublée retenons deux enseignes antérieures certes mais intéressantes à des titres divers. Tout d'abord « au franc pinot » 1 quai Bourbon à la magnifique grille ouvragée. Selon certains auteurs ce cabaret aurait appartenu aux parents de Cécile Renault qui tenta d'assassiner Robespierre en 1794.










Enseigne " Au Franc Pinot " 1 Quai Bourbon, Paris IVe ardt. XVIIIe siècle. A l'origine un cabaret et marchand de vin comme l'indique la belle grappe dorée, mais surtout la grille. " La bouitique à grille est née d'une ordonnance royale de 1729 faisant obligation aux marchands de vin de fermer entièrement d'une grille leur local ". (Rosine de Charon in " Les décors des boutiques parisiennes, Délégation à l'Action Artistique de la Ville de Paris, 1987 ".)








Quand « au soleil d'or » 226 rue de Vaugirard, dont l'enseigne est noyée dans un flot d'inscriptions déshonorantes, elle est un vestige d'une auberge campagnarde du XVIIe siècle. En 1796, les amis de Gracchus Babeuf, emprisonné, vinrent ici comploter de le faire évader en soulevant le camp de Grenelle. L'affaire échoua et se solda par de nombreuses exécutions. 

 

 

  

Enseigne " Au Soleil d'Or ", 226 rue de Vaugirard, XVe ardt. Une restauration certainement récente nous offre un état splendide de cette enseigne d'auberge.



 

Derniers feux 1795 -1870

Le Directoire, en chassant les démons de la Révolution, va faire souffler un vent de liberté et de retour à certaines traditions. Et, curieusement, les enseignes qui avaient dû rester chères au cœur des Parisiens vont ressurgir, en général au goût du jour : Bonaparte, les pyramides, l’Égypte, etc... étant de mise. Mais parallèlement on assiste à une évolution. Peu à peu l'enseigne va cesser d'être une œuvre d'art personnalisée, unique, réalisée pour un commerçant ; d'être un signe de propriété. Commence l'enseigne de série, en zinc bien souvent : parapluies, chapeaux, gants, lorgnons, bottes, pipes, tête de bœuf puis, de cheval, drapeaux tricolores des bains-douches, boules à crinières des coiffeurs; lanternes rouges à gros numéros des bordels, etc... Autant d'objets familiers qui ont peuplé Paris jusqu’à il y a peu de temps. Il ne subsiste guère aujourd'hui que les têtes de bœuf et de cheval souvent ourlées de néon. Ce qui ne signifie pas évidemment, la disparition subite des enseignes d'imagination. Il y en a encore suffisamment pour qu'en 1826, Balzac édite un dictionnaire des enseignes de Paris ». Il y aura aussi un très fameux jeu des enseignes, en 1820, imité du jeu de l'oie.








Jeu de l'oie où chaque case est une enseigne parisienne de l'époque, eau-forte,  Hauteur 52,3 cm, Largeur 70 cm, début XIXe siècle. " Le jeu de Paris en miniature " Dans lequel sont représentés les Enseignes, Décors, Magasins, Boutiques et divers établissements des principaux Marchands de Paris, leurs Rues et numéros. Anonyme , Graveur
Chéreau, Jacques-Simon fils. © Musée Carnavalet.






L'actualité fait encore la joie des peintres d'enseignes. C'est ainsi qu'au retour des Bourbon en 1815, vont fleurir « les hôtels du Nord », « des anglais » « d'Angleterre », « de la reine d'Angleterre » sous la venue croissante de touristes britanniques. En 1816, revient au succès le restaurant « du bœuf à la mode », rue de Valois. Ouvert en 1792 par deux frères marseillais, quand la bouillabaisse faisait la conquête de Paris en même temps que le bataillon des volontaires phocéens, il avait périclité. Repris par Tissot sous le Directoire, avec une enseigne représentant un bœuf en « incroyable », l'actualisation sous la Restauration transforme le bœuf en costume d'époque mais avec un flot tricolore qui vaudra bien des ennuis au patron. Fermé depuis 1936, l'immeuble conserve la sculpture du bœuf, bien oubliée en face du ministère de la Culture !







Enseigne " Au Boeuf à la Mode ", 8 rue de Valois, Ier ardt. 1815.


Voir aussi Paris Bise Art sur ce sujet.





Enseigne " Au Boeuf à la Mode ", 8 rue de Valois, Ier ardt. 1815.








En 1827, l'arrivée de la girafe offerte par Charles X suscite un nombre incalculable d'enseignes à son effigie.

On peut relever l'influence de l'actualité dans d'autres domaines. L'essor du commerce, des boutiques, des petits commerçants entraîne de nombreux « au bon marché » « au gagne petit » — Le gagne petit étant, sous l'Ancien Régime le rémouleur. En mai 1987, une très belle enseigne en bois de gagne petit vient d'être exposée au Carré Rive Gauche à Paris (XVIII' siècle). Depuis 1847, il y en a un 23 avenue de l'Opéra. (Voir ce billet de Paris Myope sur ce sujet) ...Le maréchal Bugeaud qui prônait la colonisation « par l'épée et la charrue » va trouver des adeptes avec « le soldat cultivateur » « le soldat laboureur » avenue du général Leclerc, etc...

Mais il faut bien reconnaître que la qualité des artistes laisse désormais à désirer dans l'ensemble. Signalons quelques heureuses exceptions : « l'escargot » de la rue Montorgueil, toujours fidèle au poste, « à l'éléphant ». L'éléphant de la Bastille qui devait s'élever sur la place, et dont Gavroche fait son logis, a inspiré au moins une belle enseigne qui était au 128 rue de Lyon et qui a disparu depuis les travaux du futur opéra. 

 

 

 

 

Enseigne " L'escargot Montorgueil ", 38 rue de Montorgueil, Ier ardt.


 

 



La littérature n'a pas dédaigné l'enseigne dans les romans se passant à Paris. J'ai déjà signalé Balzac et son dictionnaire. Eugène Sue a fait évoluer ses personnages dans nombre d'estaminets à enseigne : « le lapin blanc », « l'éléphant », « le lion d'or », etc... Le poète Gérard de Nerval fut retrouvé pendu devant une auberge dont l'enseigne signalait « on loge la nuit -café à l'eau ».

Les enseignes répétitives : pharmacies, homme de loi.

Peut-on compter les croix de pharmacie parmi les enseignes « stricto sensu » certes, personnellement je préfère conserver le nom pour les sujets personnalisés, individuels et originaux. Néanmoins depuis la création d'Henri Dunant les croix rouges ont fleuri au dessus des pharmacies, remplacées depuis peu par des croix vertes, au point de faire partie intégrante du paysage urbain parisien. Quelle que soit la couleur de ces croix (bleues désormais pour les vétérinaires), elles ont remplacé les sympathiques boules de couleurs qui font encore le charme de quelques vieilles pharmacies « d'époque », Hospitalier 3 rue Soufflot et Pelletier rue Jacob par exemple. Précédemment, c'étaient des mortiers et des pilons ou des serpents.









Enseigne " Au Bourdon d'Or " 93 rue Saint-Honoré, Ier ardt. XVIIIe siècle, vers 1720 pour certains, pour d'autres cette enseigne daterait plutôt d'une restauration de 1825. Pharmacie depuis de XVIIe siècle au moins, puisque c'est là qu'aurait été amené Henri IV après les coups fatals portés par Ravaillac. Concernant la formule " MACL " voir l'article de Paris Myope sur ce sujet signé Louis Musard.









Enseigne " Au Bourdon d'Or ", détail, 93 rue Saint-Honoré, Ier ardt. XVIIIe siècle, vers 1720 pour certains, pour d'autres cette enseigne daterait plutôt d'une restauration de 1825. Le nom de cette enseigne n'a bien entendu rien à voir avec l'insecte. " Un bourdon de pèlerin (du bas latin burdo, « mulet », qui a pris le sens de « support », « bâton », par une métaphore fréquente liant un animal de bât à un soutien) est un long batôn de marche, ferré à sa base et surmonté d’une gourde ou d’un ornement en forme de pomme, dont se servaient les pélerins comme soutien et comme arme blanche contre les indésirables." (Wikipédia). Les coquilles Saint Jacques nous confirment le caractère pélerin de cette enseigne. L'endroit n'est pas si éloigné de l'ancienne église Saint-Jacques de la Boucherie, point de départ parisien pour le pélerinage vers Saint-Jacques de Compostelle.













Enseigne " Au Bourdon d'Or ", détail, 93 rue Saint-Honoré, Ier ardt. XVIIIe siècle, vers 1720 pour certains, pour d'autres cette enseigne daterait plutôt d'une restauration de 1825. On retrouve le serpent et et le vase d'Esculape qui confirment la vocation médicale de l'établissement, ainsi que le rappel des coquilles Saint-Jacques du pélerin    .








Le 93 rue Saint Honoré conserve son « bourdon d'or », belle enseigne en pierre peinte du XVIII' siècle tandis qu'au balcon un serpent forme la roue. Autres panonceaux-enseignes familiers, ceux des hommes. de loi. Ces panonceaux dorés remontent à Charles VI qui, en 1411, les rendit obligatoires non pour les signaler aux passants, mais à titre de sauvegarde (nous sommes en pleine guerre de Cent Ans).


Les enseignes de Paris, patrimoine méconnu, par Yves D. Papin, Les décors des boutiques parisiennes, Délégation à l'Action Artistique de la Ville de Paris, 1987.









Enseignes en Céramique ou mosaïque.




                        
Enseigne "Au Beau Cygne ", 127 rue Saint-Denis, angle avec la rue du Cygne, Ier ardt. On reconnait bien un style toute fin XIXe siècle, Le support en fer forgé qui soutient l'enseigne est orné d'un triton et d'une sirène, ce qui nous confirme l'ambiance aquatique, étang ou rivière, avec des iris, où nage ce noble cygne. Bien sur le nom semble inspiré par une des rues de cet angle, existant depuis le moyen-age. Mais jusque ici le mystère reste entier sur la nature du commerce qui se tenait là. (Photo de 2012).













Enseigne d'une Bouchereie Chevaline, angle des rue Vieille-du-Temple et  du Roi de Sicile, IVe ardt. Années 1930-1940. ('Voir un article assez complet de " Paris La Douce ".)
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N'oublions pas cette enseigne décorative " Au Soleil " que Musard nous avait fait découvrir dans un article précédent.



Décoration enseigne de la boutique de matériel pour artiste "Au Soleil", successeur de la maison Chalmel. Vers 1900. 8, Bd Saint-Martin, Xème ardt.









Couverture d'un catalogue de la Maison Chalmel, dont le successeur fut N.Lallement, au 8 boulevard Saint-Martin, Xe ardt. WWW.delcampe.net









Après Chalmel et Lallement un certain L. Joannot leur a succédé. Couverture du catalogue 1921 du magasin de matériel pour artistes " Au Soleil ", 8 Boulevard Saint-Martin, Xe ardt. Le.livre.com









Fait Divers à l'Hôtel Mondial.




Enseigne de l'Hôtel Mondial, 5 Cité Bergère, IXe ardt. Nous ne connaissons pas la date de sa création mais nous avons retrouvé une publicité pour cet établissement de 1911. (photo de 2010)





DRAME DANS UN HÔTEL

UN INDUSTRIEL QUE SA FEMME TROMPAIT SURPREND LES COUPABLES ET POIGNARDE SON RIVAL

L'ÉTAT DU BLESSÉ EST TRÈS GRAVE

Le mari meurtrier, ancien officier de chasseurs alpins, est titulaire de cinq citations et chevalier de la Légion d'honneur


Vers 7 h. 30. hier matin, des cris de femme: « Sauvez-le! Sauvez-le » suivis d'appels « Au secours! » et d'un bruit de lutte, mettaient en émoi les locataires de l'hôtel Mondial, 5, cité Bergère. Au même instant, une femme de chambre voyait un homme en pyjama descendre en courant l'escalier, son vêtement était inondé de sang. Parvenu dans le salon de l'hôtel, il s'écroula sur un fauteuil.

En la personne du blessé, le gérant de l'établissement avait reconnu un de ses locataires. M. Jean Toulotte, chirurgien-dentiste à Lens (Nord), jeune homme de vingt-huit ans, qui était arrivé la veille au soir, en compagnie d'une jeune femme avec laquelle, d'ailleurs, depuis 1924, à chacun de ses passages à Paris, M. Toulotte descendait régulièrement en cet hôtel.

Affaibli par la perte de son sang, M. Toulotte put cependant confier au gérant :
-Le mari de mon amie nous a fait suivre. Il vient de nous surprendre, j'avais à peine ouvert la porte qu'il s'est précipité sur moi et m'a frappé sauvagement à coup de couteau.

Tout de suite on fit transporter le blessé à la Charité.

Pendant ce temps, l'inspecteur de police privée qui avait découvert la retraite de la jeune femme désarmait non sans peine le meurtrier, M. Louis Bosson, trente-cinq ans, ingénieur. directeur d'entrepôts à Bruges-Maritime (Belgique). Quelques instants plus tard, ce dernier était amené devant M. Priolet, commissaire du quartier.


Il ne fut pas difficile à ce magistrat de reconstituer la scène dramatique.






Enseigne de l'Hôtel Mondial, détail, 5 Cité Bergère, IXe ardt. Nous ne connaissons pas la date de sa création mais nous avons retrouvé une publicité pour cet établissement de 1911. (photo de 2010).

                                                                 


La genèse du drame

Depuis plusieurs années, M. Bosson, dont le domicile habituel est à Lens, soupçonnait sa femme d'entretenir des relations avec un de ses amis, M. Toulotte, qui venait fréquemment leur rendre visite et paraissait des plus assidus auprès de Mme Bosson. Les époux s'étaient mariés en 1921 et avaient un enfant. L'an dernier, s'absentant quelques jours, il partit pour Bruges laissant sa femme à Lens.
 

Mais- il brusqua son retour et surprit coupables. Pourtant, il pardonna à sa femme, celle-ci lui ayant promis sous serment, après une scène orageuse, de rompre définitivement avec le chirurgien, qui s'engagea, de son côté, à ne plus rien tenter pour troubler la tranquillité de l' industriel.

Pendant quelques mois, M. Bosson crut pouvoir se féliciter de sa mansuétude. Sa femme, douce et affectueuse, était redevenue une épouse modèle, ne s'occupant plus que de son enfant. A plusieurs reprises, cependant, elle s'absenta, prétextant des achats urgents à faire a Paris,

La lettre révélatrice

Tout récemment, cependant, tout à fait par hasard, une lettre de M. Toulotte lui tomba sous les veux et lui rappela le passé tout en le documentant sur la triste réalité.

L'industriel sut alors maîtriser sa colère et dissimuler son ressentiment. Bien décidé cette fois à se séparer de sa femme, il s'adressa à deux agences de police privée, l'une belge, l'autre parisienne. Puis il attendit son heure.

Mme Bosson, loin de penser qu'elle pouvait être étroitement surveillée, arrivait à Paris mercredi soir et descendait au Terrminus -Nord. Le lendemain, elle retrouvait son ami et. tous deux s'installaient à l'hôtel Mondial. Prévenu télégraphiquement, Bosson arriva à Paris le soir même. « Je veux simplement les surprendre, dit-il au détective privé ; je suis un ancien officier de chasseurs alpins et je vous jure que tout se passera tranquillement, sans aucun geste violent de ma part.

Et hier matin, très calme. M. Bossoin retrouva le détective à l'hôtel d'Alsace, rue des Deux-Gares. Le détective, constatant que M. Bosson avait un revolver sur lui, le lui fit replacer dans sa valise.

Un inspecteur de l'agence avait pris, à l’hôtel Mondial, une chambre située sur le même palier que celle louée à M. Toulotte.

Lorsque les deux hommes frappèrent à la porte de l'appartement, ce fut ce dernier qui vint ouvrir. Aussitôt, M. Bosson se rua sur son rival, le frappant avec un couteau de tranchée qu'il avait dissimulé dans la doublure de son manteau. Lorsque le détective l'eut maîtrisé, il lui dit simplement, en sanglotant : « Voilà huit mois que je souffre ! J'en avais assez ! Avec ce poignard-là, ajouta-t-il, pendant la guerre, j'ai tué un de nos ennemis. »

L'état du blessé, atteint dans le dos et dans la région du cœur, est fort grave.

L'industriel meurtrier, qui est effectivement un héros de la guerre, où sa vaillante conduite lui valut, avec cinq blessures, cinq citations et la croix de la Légion d'honneur, a été écroué à la Santé, après que M. Alphandéry, juge d'instruction, lui eut fait subir. L'interrogatoire d'identité

Le docteur Paul a été commis pour examiner à l'hôpital M. Toulotte


Le Petit Parisien du 30 avril 1927, © Gallica B.N.F.







Enseigne de l'Hôtel Mondial, détail, 5 Cité Bergère, IXe ardt. Nous ne connaissons pas la date de sa création mais nous avons retrouvé une publicité pour cet établissement de 1911. (photo de 2010).











Publicité dans " Tunis et ses environs, le Bardo, Carthage, Korbous, Dougga, Kairouan...",
Hachette (Paris), 1911, © Gallica B.N.F. En plus de l'Hôtel Mondial nous trouvons ici une autre annonce pour l'Hôtel du Chariot d'Or !








Enseignes métalliques.




" A la Tour Eiffel ", 42 rue Ernest Renan, Issy-les-Moulineaux, Hauts-de-Seine. Il s'agissait de l'enseigne d'un magasin de tissus et de confection appartenant à l'ancien maire d'Issy, Henri Meyer. Cette tour mesure à peu près 2 mètres de haut et date de 1892, elle est en fer, dorée à la bronzine. (Photo de 2008).



Bronzine : poudre métallique le plus souvent à base d’un alliage de cuivre, utilisée en projection sur du vernis ou peinture faite du mélange d’un liant et de cette même poudre.






Enseigne de forgeron, voire de maréchal-ferrant , 9 rue du Poitou, IIIe ardt. Depuis cette photo de 2018 l'ensemble de la grille et de l'enseigne a été repeint en rouge. Premier tiers du XXe siècle à mon sens




Enseigne de forgeron, 9 rue de Poitou, IIIe ardt, dans son état 2024. Détail. Probablement premier tiers  du XXe siècle .





Enseigne de forgeron, 9 rue de Poitou, IIIe ardt, dans son état 2024. Ensemble. Probablement premier tiers  du XXe siècle .








Quelques enseignes de serrurier.
(enseignes " répétitives ")







Enseigne de serrurier, 25 rue de l'Annonciation, XVIe ardt.














Enseigne de serrurerie, 31 rue de Coulmiers, XIVe ardt. La photo date de 2007 et l'enseigne a disparu.













Enseigne de serrurier, 19 rue Deparcieux, XIVe ardt. (2011)














Enseigne de serrurerie, 8 rue des Fossés-Saint-Jacques, Ve ardt.














Enseigne de Serrurier,43 rue Ducouédic, XIVe ardt. (2010).



 









Enseigne de serrurerie, 11 rue de la Sourdière, Ier ardt. Beau support en fer forgé.















Deux Saints.



 

" A Saint Nicolas " 80 rue du Faubourg Saint-Antoine, XIIe ardt. Pour cette inscription il faut lire Bessières (Lucien Dieudonné, 1829-1918) architecte 1895.
 




 Pour l'immeuble qu'il reconstruit à l'angle de la rue du Faubourg-Saint-Antoine et la rue Saint-Nicolas en 1895, l'architecte Bessières privilégie dans les modèles du moment la veine sévère, une façade presque lisse sobrement panneautée, avec le discret contrepoint de bossages en bandeau. Le seul point riche de cette façade est la baie du premier étage du pan coupé : l'architecte y dessine dans un encadrement à forts bossages néo-Louis XIII, une façon de serlienne* ornée en son centre d'une niche avec la statue de saint Nicolas. A Paris, où alors les statues enseignes ne sont pas rares, le moment est à l'anecdote, peut-être aussi la nostalgie pour des pratiques villageoises d'un autre âge.

Le faubourg Saint-Antoine, Un double visage, Cahiers du Patrimoine, 1998.


*La serlienne (aussi appelée serliana, fenêtre palladienne) est un groupement de trois baies (ou triplet) dont la baie centrale est couverte d'un arc en plein-cintre, les deux baies latérales sont couvertes d'un linteau (ou d'un arc en plate-bande) à hauteur de l'imposte. Les baies latérales sont généralement plus étroites que la baie centrale : dans les cas extrêmes, elles peuvent se restreindre à un jour étroit entre le piédroit de la serlienne (à l'extérieur) et la colonne ou le pilier recevant la naissance de l'arc central. Il s'agit en fait d'une déclinaison des arcs de triomphe romains antiques.  (Wikipedia)




Ce Saint-Nicolas ne serait donc qu'une enseigne de fantaisie, ne correspondant à aucun commerce ou établissement, seulement inspiré par le nom de la rue Saint-Nicolas qui fait l'angle avec la rue du Faubourg-Saint-Antoine à l'emplacement de cette immeuble. Une sorte d'enseigne pastiche.

 




 
 
" A Saint Nicolas " 80 rue du Faubourg Saint-Antoine, XIIe ardt. Gros plan sur la statue-enseigne, qui a tout l'air d'être en bois.













 
Enseigne " A Saint-Laurent ", 60 avenue de Flandre, XIXe ardt. Avec la palme des martyrs et l'intrument de son supplice, le gril, le saint est très reconnaissable, même en l'absence d'inscription. Et ici une plaque confirme son identité. Rochegude en 1910 mentionne cette statue de cette façon : " N°  60 (rue de Flandre).  Statue en pierre de St Laurent (ancienne enseigne) "




Cette enseigne est celle d'un magasin de nouveauté, qui a été ouvert le 23 décembre 1858, ou, qui existait déjà en 1858 et qui ouvrait exceptionnement un 23 décembre. Il est clair que cette statue date du XIXe siècle. Par rapport au Saint-Nicolas précédent, on est ici face à une véritable statue enseigne. A noter que la rue de Flandre est devenue l'avenue de Flandre en 1994.

 

 

Gravure sur bois en couleur, 110 x 74 cm, 1858, Rouchon imprimeur à Paris. © Gallica BNF

 








Presque disparue actuellement.
 
 
82 rue Mouffetard, Paris Ve, Enseigne pour un bowling toujours actif, maintenant presque éffacée. Le style de cette fresque ressemble beaucoup à celui de Pierre Tabary, plus connu sous son nom d'artiste, Peter Glay. Est-ce que ce mural est de sa main, ou une réalisation d'après une maquette de lui, ou seulement quelqu'un qui a peint dans son style ? Je n'ai pas la réponse. Réalisée dans les années 1990 peut-être. (Photo de 2012).

 








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